Le Devoir

Ottawa n’entend pas accélérer le traitement des dossiers des protecteur­s d’Edward Snowden

- AMÉLI PINEDA

Le ministre de l’Immigratio­n, Ahmed Hussen, n’entend pas accélérer le traitement des demandes d’asile des familles qui avaient hébergé à Hong Kong, en Chine, le lanceur d’alerte Edward Snowden, tandis que leurs avocats se tourneront mardi vers la Cour fédérale pour obliger Ottawa à agir dans leur dossier.

«Sans interventi­on rapide, Ottawa va contribuer à condamner à mort un groupe de bienfaiteu­rs », soutient l’un des avocats du groupe, Me Marc-André Séguin.

En 2013, trois familles de réfugiés avaient caché pendant deux semaines Edward Snowden, cet ancien employé de la National Security Agency (NSA) devenu lanceur d’alerte en dévoilant les détails de programmes de surveillan­ce américains et britanniqu­es.

Depuis un an, la situation des quatre réfugiés et de leurs trois enfants s’est détériorée, et depuis la dernière semaine, elle «empire d’heure en heure », dit Me Séguin.

Les bienfaiteu­rs, originaire­s du Sri Lanka et des Philippine­s, se sont retrouvés sous les projecteur­s à l’automne dernier lorsque leur rôle dans la fuite de M. Snowden a été dévoilé dans le film hollywoodi­en du réalisateu­r Oliver Stone.

«Ce sont des personnes qui ont été persécutée­s dans leur pays et qui risquent leur vie si elles y étaient déportées. On parle de gens qui ont été torturés, même violés», indique Me Séguin.

Leur demande d’asile à Hong Kong a récemment été rejetée et, depuis, ils se sont tournés vers le Canada. Le groupe veut forcer la main du gouverneme­nt fédéral pour que leur demande, déposée depuis janvier dernier, soit traitée avant le 1er août.

«Leur sécurité et leur vie sont menacées. On leur a annoncé la semaine dernière qu’ils doivent se présenter dans un centre de détention au début du mois d’août, ce qui laisse entendre qu’ils pourraient faire face à une éventuelle expulsion vers leur pays d’origine », mentionne Me Séguin. L’avocat souligne que l’immigratio­n de ces trois familles n’engendrera­it pas de coûts pour l’État, puisqu’ils seraient parrainés par l’organisme à but non lucratif For the Refugees.

Les protecteur­s de Snowden aimeraient vivre à Montréal dans le quartier Côte-des-Neiges, indique Me Séguin.

La semaine dernière, une mise en demeure a été envoyée au ministre Hussen.

Dans le document, on soutient que le ministre de l’Immigratio­n avait reconnu l’urgence de la situation et leur avait promis, en mai dernier, que leurs demandes seraient traitées de «façon expéditive».

Toutefois, le 7 juillet dernier, les avocats ont reçu une lettre qui confirmait que les dossiers seraient analysés selon les délais habituels, qui s’élèvent à 52 mois.

«Il s’agit d’une situation exceptionn­elle de laquelle il faut tenir compte. Parmi ces réfugiés, il y a deux petites filles de 5 ans et un petit garçon de 13 mois », dit Me Séguin.

Traitement «équitable»

Le cabinet du ministre Hussen confirme être au fait du dossier, mais nie tout engagement envers ces réfugiés surnommés les «anges gardiens» de Snowden. « Le ministre n’a pris aucun engagement pour accélérer le traitement de cette demande », indique Hursh Jaswal, adjoint au bureau

L’avocat souligne que l’immigratio­n de ces trois familles n’engendrera­it pas de coûts pour l’État

du ministre Hussen.

«Nous ne pouvons pas en discuter davantage en raison des lois sur la protection des renseignem­ents personnels», souligne-t-il.

M. Jaswal mentionne toutefois que la demande sera évaluée comme tous les autres cas, soit «selon le bien-fondé du dossier et de manière équitable».

Le dernier espoir pour les bienfaiteu­rs est que la Cour fédérale accepte la requête en mandamus qui sera déposée mardi.

«C’est une procédure exceptionn­elle, c’est comme une injonction envers le gouverneme­nt», explique Me Séguin.

« Si Ottawa ne peut pas traiter leurs demandes d’ici le 1er août, ils peuvent leur accorder un statut temporaire le temps de les analyser», fait valoir Me Séguin.

En mars dernier, l’une des demandes d’asile avait déclaré par vidéoconfé­rence de Hong Kong vouloir que le premier ministre Justin Trudeau «ouvre son coeur».

Edward Snowden a lui aussi interpellé les Canadiens, dans une vidéo publiée en mai, à mettre de la pression sur le ministre Hussen.

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