Colis haineux : un acte « lâche » et « répugnant », selon Philippe Couillard
L’expéditeur d’un colis renfermant un coran abîmé et un message haineux à la grande mosquée de Québec est un «lâche», a fait valoir le premier ministre Philippe Couillard. Ce geste «répugnant» doit être condamné avec force, selon lui.
Le Centre culturel islamique de Québec, qui a été secoué par un attentat terroriste le 29 janvier, a reçu vendredi dernier un colis contenant un coran, dont le nom d’Allah était rayé sur la couverture, en plus d’une photo de porcs pataugeant dans de la boue.
«Il s’agit de Québécois et de Québécoises de confession musulmane et personne ne mérite d’être traité de cette façon. C’est un acte de lâcheté: une personne, de façon anonyme, est allée déposer un document injurieux à la porte de la mosquée de Québec. C’est un lâche », a déclaré M. Couillard en marge de la rencontre estivale des premiers ministres des provinces et des territoires mercredi à Edmonton.
«La bonne nouvelle, c’est que ça ne reflète pas l’attitude des Québécois dans leur grande majorité par rapport à leurs voisins, des Québécois de confession musulmane, a-t-il ajouté. Cette véritable attitude d’affection et d’amitié, on l’a vue, on l’a entendue après l’attaque tragique de janvier où les gens sont sortis par milliers dans les rues de Québec pour dire “Non! Non, à la violence. Non, à l’intolérance”.»
De passage à Québec mercredi, le premier ministre Justin Trudeau a aussi insisté sur ce point. « On a toujours compris que la diversité peut et doit être une source de force pour nous. Et malgré le fait […] qu’il y ait des gens intolérants, haineux et même racistes, la population du Québec est, comme on voit partout au Canada, ouverte, respectueuse et fière qu’on soit une société forte, pas en dépit de nos différences, mais grâce à elles. »
Interrogé quant à l’issue du référendum sur le projet de cimetière musulman à Saint-Apollinaire, M. Trudeau a exprimé sa déception. Il a du même souffle assuré que le fédéral interviendrait assurément s’il s’avère qu’il a un rôle à jouer dans le dossier, alors que Québec évalue ce qu’il peut faire à ce chapitre.
Enquête ouverte
Un responsable de la mosquée a remis le colis au Service de police de la Ville de Québec (SPVQ), qui a ouvert une enquête le même jour. Des unités d’appoint de la police ont aussi été déployées.
Le colis a été reçu deux jours avant la tenue du référendum sur l’aménagement d’un cimetière musulman à Saint-Apollinaire, mais il semble que les responsables du centre n’ont pas communiqué l’information immédiatement afin de ne pas influencer le vote sur le projet.
Un porte-parole du SPVQ, l’agent David Poitras, assure que les policiers abordent ce dossier avec beaucoup de sérieux, mais il ajoute que l’enquête n’a pas assez progressé pour avoir la certitude que des accusations criminelles peuvent être déposées.
La communauté musulmane de cette mosquée a aussi été la cible d’autres gestes haineux dans le passé. Notamment il y a 13 mois, une tête de porc a été déposée au seuil de l’une des portes avec la note «Bon appétit». La consommation de porc est interdite par le Coran.
Depuis le massacre de l’hiver dernier, des lettres haineuses auraient aussi été envoyées au Centre culturel islamique.
Projet de loi 62
Le gouvernement libéral refuse toutefois de retarder davantage l’étude du projet de loi 62 comme il l’avait fait au lendemain de la tragédie à la grande mosquée de Québec. En effet, M. Couillard avait demandé l’hiver dernier à la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, de plutôt consacrer toutes ses énergies à «bonifier» le projet de loi visant à faciliter l’intégration des immigrants au marché du travail afin qu’il soit adopté d’ici juin — ce qui a été fait.
Du coup, la Commission des institutions de l’Assemblée nationale amorcera l’étude détaillée du projet de loi sur la neutralité religieuse de l’État, qui prévoit notamment l’obligation de donner ou de recevoir des services de l’État à visage découvert, dès le mois prochain.
L’auteure du projet de loi, Stéphanie Vallée, a promis de présenter des amendements à son projet de loi controversé. Malgré les critiques de l’opposition, elle refuse de donner suite à la recommandation du rapport de la commission Bouchard-Taylor (2008) d’interdire aux employés de l’État en position d’autorité, c’est-à-dire les policiers, les procureurs, les juges et les gardiens de prison, d’arborer un signe religieux.
«Je demeure convaincu, nous demeurons convaincus, qu’il faut que la façon dont on détermine les accommodements soit raisonnable [et] encadrée, ce qui sera le cas, et que les services publics doivent être donnés et reçus à visage découvert dans notre société [...]», a soutenu M. Couillard lors du Conseil de la fédération mercredi.