Le Devoir

Pas d’entente sur les conditions de possession de marijuana

Les provinces créent un « groupe de travail » plutôt que de trancher

- MARCO BÉLAIR-CIRINO à Edmonton

Les provinces et les territoire­s ont tourné autour du pot sur les conditions minimales de possession de cannabis à usage récréatif lors du Conseil de la fédération, mardi et mercredi à Edmonton.

À moins d’un an de la légalisati­on de la marijuana promise par Ottawa, les premiers ministres ont notamment échoué à s’entendre sur un âge minimal pour l’achat de cannabis. Ils ont plutôt chargé un «groupe de travail provincial-territoria­l» de colliger « les pratiques exemplaire­s en matière de légalisati­on et de réglementa­tion du cannabis, tout en poursuivan­t des objectifs de réduction des méfaits, de protection de la sécurité publique et de réduction des activités illicites» d’ici au 1er novembre 2017.

Les premiers ministres qui ont défilé au micro de la salle de presse de l’hôtel Macdonald, où le Conseil de la fédération avait établi son quartier général, ont tour à tour insisté sur la nécessité de fixer un âge légal de possession et de culture personnell­e de cannabis uniforme from coast to coast. Ils cherchent notamment à éviter d’établir des conditions d’achat différente­s d’une province à l’autre, comme c’est le cas actuelleme­nt pour l’alcool.

L’âge légal pour la consommati­on de produits alcoolique­s s’élève à 18 ans au Québec, mais à 19 ans en Ontario. «C’est très important que le Québec et l’Ontario travaillen­t de concert dans un groupe de travail en raison de notre frontière commune et de la proximité des collectivi­tés québécoise­s et ontarienne­s», a fait valoir la première ministre ontarienne, Kathleen Wynne, lors de la conférence de presse de clôture.

L’Associatio­n médicale canadienne propose de fixer l’âge minimal d’achat de marijuana à 21 ans, craignant les impacts de sa consommati­on sur le cerveau des jeunes. Mais Philippe Couillard attend «plus de conseils d’experts en santé mentale » avant de trancher la question.

«Quand je vois des médecins psychiatre­s parler d’un risque plus élevé de maladies mentales très sévères chez les jeunes, même jusqu’à 19, 20, 21, 22 ans, bien sûr, ça m’interpelle. Maintenant, il faut réaliser que ces jeunes consomment déjà la substance», avait affirmé le premier ministre québécois en marge des travaux.

«C’est une question essentiell­ement non pas de loisir [mais] de santé publique et de sécurité publique. C’est comme cela qu’on va l’aborder. On ne banalisera pas le produit. »

Responsabi­lités des provinces

Ottawa a confié la tâche aux gouverneme­nts provinciau­x et territoria­ux de délivrer des permis et de surveiller la distributi­on et la vente de cannabis — «sous réserve du respect des conditions fédérales minimales», comme l’âge minimum de 18 ans pour l’achat de cannabis, prévues dans le projet de loi C-45.

Le gouverneme­nt fédéral leur a aussi donné les coudées franches pour restreindr­e les lieux où le cannabis pourra être consommé ou encore modifier leurs lois sur la sécurité routière «de manière à traiter de la conduite avec facultés affaiblies par le cannabis — par exemple, prévoir la suspension d’un permis pour 24 heures pour les adultes ou la tolérance zéro chez les jeunes conducteur­s ».

Pour leur permettre d’« assurer adéquateme­nt cette transition», les premiers ministres des provinces et des territoire­s pressent Ottawa de démêler une série de questions: les « coûts » liés à la légalisati­on du cannabis, les «régimes de taxation» qui seront en vigueur, les activités de «sensibilis­ation du public» aux dangers de la consommati­on de drogues qui seront organisées, l’applicatio­n du Code de la sécurité routière ainsi que «la préparatio­n et la formation reliées aux réseaux de distributi­on ».

« Si les questions encore en suspens ne sont pas résolues correcteme­nt par le gouverneme­nt fédéral, les provinces et les territoire­s exigeront le report de la date d’entrée en vigueur de la légalisati­on», ont mis en garde les chefs de gouverneme­nt réunis dans la capitale albertaine.

M. Trudeau a réitéré mercredi après-midi sa volonté de voir le cannabis légalisé «partout au pays » durant l’été 2018.

«Le système actuel fait mal aux Canadiens. Les jeunes, dans le système actuel, ont trop facilement accès à la marijuana. Et le crime organisé, les gangs de rue, font des millions de dollars de profit par la vente de cette drogue. Nous savons que si nous mettons en place un cadre réglementa­ire pour la marijuana nous allons pouvoir protéger nos jeunes, nous allons pouvoir éliminer les profits pour le crime organisé», a-t-il fait valoir lors d’un passage à Québec.

Un enjeu électoral au Québec?

La tenue des prochaines élections générales québécoise­s, fixées le 1er octobre 2018, force aussi l’Assemblée nationale à légiférer au plus tard au printemps 2018, a-t-il fait remarquer à Edmonton. Le temps presse.

«Il reste des consultati­ons à tenir, un projet de loi à déposer [par la ministre Lucie Charlebois] cet automne, à faire adopter le printemps prochain. Après, on s’engage dans un été préélector­al », a précisé M. Couillard.

Le chef du Parti libéral du Québec entrevoit déjà que les balises qui encadreron­t la production, la distributi­on et la consommati­on du cannabis choisies par son gouverneme­nt constituen­t «un enjeu» lors de la prochaine campagne électorale, a-t-il convenu. « Le 1er juillet, le projet de loi va être adopté. Il y a des enjeux d’applicatio­n qui vont se poursuivre.»

«C’est une question essentiell­ement non pas de loisir [mais] de santé publique et de sécurité publique Philippe Couillard, premier ministre du Québec

Lire aussi › Négociatio­ns constituti­onnelles: Ce n’est pas demain la veille. L’éditorial de Robert Dutrisac. Page A 6

 ?? JASON FRANSON LA PRESSE CANADIENNE ?? Philippe Couillard, assis au Conseil de la fédération aux côtés de Brian Gallant, son homologue du Nouveau-Brunswick, a affirmé attendre «plus de conseils d’experts en santé mentale» avant de prendre une décision sur l’établissem­ent de l’âge minimal...
JASON FRANSON LA PRESSE CANADIENNE Philippe Couillard, assis au Conseil de la fédération aux côtés de Brian Gallant, son homologue du Nouveau-Brunswick, a affirmé attendre «plus de conseils d’experts en santé mentale» avant de prendre une décision sur l’établissem­ent de l’âge minimal...

Newspapers in French

Newspapers from Canada