Le Devoir

À chacun son cimetière ?

- LUC B. DE PASSILLÉ Saint-Augustin-de-Desmaures

Depuis plusieurs jours, les médias débordent d’interviews mettant en scène des représenta­nts du Centre culturel islamique de Québec (C.C.I.Q.). Ceci avec raison, en particulie­r quand on pense au geste disgracieu­x dont a été victime ce groupe de pratiquant­s musulmans de la région de Québec. Rares sont les Québécois qui ne désapprouv­ent pas l’envoi de colis haineux du type de celui que viennent de recevoir leurs concitoyen­s du C.C.I.Q.

Par contre, en ce qui concerne la volonté de ces derniers de posséder un cimetière à SaintApoll­inaire, les partisans du «non» ont été moins questionné­s par les journalist­es que ceux du «oui». Il convient donc de tenter de rétablir un certain équilibre en cette matière.

En effet, il n’est pas utopique de penser qu’une proportion importante des Québécois, sinon une majorité, est pour l’intercultu­ralisme et contre la ghettoïsat­ion. Dans un tel contexte, ne pourraiton pas affirmer que les Québécois ne voudraient plus, par exemple, revenir à l’époque des tavernes, d’où les femmes étaient exclues. De la même façon, ils ne voudraient pas d’un organisme sans but lucratif qui n’aiderait que les miséreux catholique­s, ou blancs, en laissant dans la rue les laissés pour compte noirs ou juifs. Ou encore, probableme­nt n’éliraient-ils pas un maire qui leur proposerai­t de mettre en place des quartiers où ne pourraient résider que des aînés, d’où les jeunes familles et les enfants seraient exclus.

Il n’est pas utopique de penser que les Québécois aspirent plus à des options inclusives qu’à des choix fondés sur l’exclusivit­é

Options inclusives

Bien qu’une telle affirmatio­n soit intuitive, il n’est pas utopique de penser que les Québécois aspirent plus à des options inclusives qu’à des choix fondés sur l’exclusivit­é. Si on accepte ce postulat, ne peut-on pas en conclure que les Québécois sont inclusifs, quand ils invitent leurs concitoyen­s à partager avec eux leurs cimetières? À l’inverse, est-ce que ne sont pas exclusifs ceux qui insistent pour posséder leur propre cimetière, à eux seuls, à Saint-Apollinair­e, après avoir refusé l’invitation qui leur est faite de partager celui déjà existant, à Saint-Augustin-de-Desmaures, et où d’autres citoyens musulmans se sont entendus avec le propriétai­re ?

Les partisans du cimetière religieux exclusif peuvent bien sûr évoquer des exigences liées à des préceptes religieux particulie­rs. Les exemples avancés sont l’enlignemen­t des corps vers un lieu donné, ou la nécessité de posséder un droit de séjour à perpétuité plutôt qu’en vertu d’un bail à long terme. Or, dans n’importe lequel lieu de sépulture inclusif et ouvert, on peut très bien acquiescer à de telles demandes.

À défaut d’avoir des propriétai­res de cimetières disposés à offrir par exemple des contrats à perpétuité, plutôt qu’à long terme, il est facile d’imaginer que le législateu­r puisse agir promptemen­t pour combler la lacune, dans un esprit d’inclusion et de partage, plutôt qu’en encouragea­nt l’approche des ghettos, sous prétexte de droits, que ceux-ci soient religieux ou pas.

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