Le Devoir

Démission du chef des armées, en conflit ouvert avec Macron

- DAPHNÉ BENOIT MARC PRÉEL à Paris

En désaccord avec Emmanuel Macron sur les ressources allouées à la Défense, le chef d’état-major des armées françaises, Pierre de Villiers, a quitté son poste mercredi, une démission inédite synonyme de première crise du quinquenna­t.

«Ce n’est pas le rôle du chef d’étatmajor » de défendre le budget des armées, «mais celui de la ministre»,a soutenu mercredi soir le président de la République, interrogé par la chaîne de télévision France 2 sur la démission du général de Villiers qui avait critiqué les coupes financière­s imposées à la Défense.

«Dans les circonstan­ces actuelles, je considère ne plus être en mesure d’assurer la pérennité du modèle d’armée auquel je crois pour garantir la protection de la France et des Français», a écrit mercredi le général de Villiers, 60 ans.

C’est le général François Lecointre, jusqu’à présent chef du cabinet militaire du premier ministre, qui va lui succéder. Il s’agit, selon Emmanuel Macron, d’«un héros militaire comme il y en a peu» et d’un «grand général de l’armée de terre ». Cet homme athlétique de 55 ans issu de l’infanterie de marine associe une longue expérience du terrain (Irak, Somalie, Rwanda, exYougosla­vie…) à un parcours dans différents états-majors et en ministère.

Si M. Macron a tenu à saluer Pierre de Villiers, un « militaire de grande qualité et qui a servi avec responsabi­lité et dignité l’État», sa démission, fait sans précédent sous la Ve République, intervient après plusieurs rappels à l’ordre présidenti­els.

«Pas tenable»

À l’origine de ce courroux, les critiques du général sur les 850 millions d’euros (1,2 milliard $CAN) d’économies réclamés cette année aux armées, dans un contexte de restrictio­ns budgétaire­s générales.

Personnali­té intègre et rugueuse, apprécié de ses hommes, Pierre de Villiers s’était exprimé à huis clos, à l’Assemblée nationale, assurant qu’il n’allait pas se «laisser baiser» et que la situation n’était « pas tenable ».

En poste depuis 2014, il se plaignait régulièrem­ent de l’insuffisan­ce des moyens à l’heure où la France est engagée sur plusieurs fronts, du Sahel au Moyen-Orient en passant par la France, avec l’opération Sentinelle.

Après avoir sèchement recadré le général la veille du défilé militaire du 14 juillet devant des soldats interloqué­s, en martelant «je suis votre chef » et en reprochant à Pierre de Villiers d’avoir mis de façon «indigne» une polémique budgétaire «sur la place publique», le président a enfoncé le clou dimanche.

« Si quelque chose oppose le chef d’état-major des armées au président de la République, le chef d’état-major des armées change», a-t-il asséné dans une inter view.

«Le général de Villiers a exprimé un désaccord. Il a parfaiteme­nt le droit, a réagi mercredi le premier ministre Édouard Philippe. Mais comme un militaire, avec honneur, il ne peut pas contester les choix faits par son chef. Il a donc tiré les conséquenc­es du désaccord. »

Crise

«Macron avait réussi à s’attirer la sympathie des militaires. Là, il y a probableme­nt un accroc qui va être un peu difficile à remonter», a relevé pour l’AFP le général à la retraite Dominique Trinquand, ex-conseil de M. Macron pour qui cet épisode constitue «la première crise» du président élu le 7 mai.

Dans un tweet intitulé « Merci », l’état-major des armées a publié mercredi une vidéo d’une minute dans laquelle on voit le général de Villiers quitter le ministère de la Défense sous les applaudiss­ements de dizaines de militaires en tenue qui lui dressent une haie d’honneur.

La démission du général de Villiers a redonné du tonus à l’opposition: à droite, les députés Les Républicai­ns (LR) ont dénoncé «la dérive d’un pouvoir personnel», tandis que la présidente du parti d’extrême droite Front national, Marine Le Pen, voit dans cet épisode l’illustrati­on des «limites très inquiétant­es de monsieur Macron ».

Le chef du groupe Nouvelle Gauche (ex-Parti socialiste et apparentés) à l’Assemblée, Olivier Faure, a déploré «une crise de confiance entre les armées et le chef de l’État».

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Pierre de Villiers

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