Le Devoir

Déclin ou croissance de l’anglais en région ?

La commissair­e aux langues officielle­s s’inquiète de la fiabilité du recensemen­t de 2016

- MARCO FORTIER

Une augmentati­on fulgurante du nombre d’anglophone­s à Rimouski, Saguenay ou encore Rivière-du-Loup? La commissair­e aux langues officielle­s par intérim, Ghislaine Saikaley, est préoccupée par les doutes qui planent sur la fiabilité des résultats du recensemen­t de 2016.

Les données mises au jour par Le Devoir jeudi jettent une ombre sur un volet crucial du recensemen­t: la population de langue maternelle anglaise a augmenté de façon importante dans une vingtaine de régions métropolit­aines du Québec qui sont fortement francophon­es, selon Statistiqu­e Canada.

La commissair­e aux langues officielle­s a été étonnée par cette révélation inattendue du recensemen­t de 2016, dévoilé la semaine dernière. Comme d’autres observateu­rs de la minorité anglophone du Québec, Ghislaine Saikaley estime fort improbable que la population anglophone de villes comme Trois-Rivières, Saguenay, Granby ou Rouyn-Noranda ait presque doublé en cinq ans, comme l’indiquent les données de Statistiqu­e Canada.

«Comme tous les intervenan­ts, on était plutôt surpris des résultats, a dit la commissair­e aux langues officielle­s en entrevue avec Le Devoir. Un certain nombre d’intervenan­ts bien branchés sur la communauté anglophone du Québec semblent indiquer que des vérificati­ons s’imposent. La question soulevée est très importante.»

Ghislaine Saikaley a parlé jeudi au statistici­en en chef de Statistiqu­e Canada, Anil Arora, qui l’a rassurée : « Je pense que Statistiqu­e Canada prend la situation très au sérieux et va faire les interventi­ons nécessaire­s» pour rétablir la crédibilit­é du recensemen­t, souligne-t-elle.

Le chercheur Jack Jedwab, président de l’Associatio­n d’études canadienne­s, a fait cette découverte inattendue en scrutant les données du recensemen­t dans le site Web de Statistiqu­e Canada. Contre toute attente, le nombre de personnes ayant déclaré avoir l’anglais comme langue maternelle au Québec a connu une hausse hors de l’ordinaire — la plus importante augmentati­on des 50 dernières années, selon M. Jedwab.

Plus étonnant encore, la moitié des 57 325 répondants supplément­aires qui se disent anglophone­s sont établis hors de Montréal, dans des régions à très forte majorité francophon­e.

« Une hausse comme celle-là, c’est quasi impossible dans mon esprit. C’est un vrai mystère qu’il faut élucider rapidement. Ça soulève des questions sur la véracité des résultats», a indiqué Jack Jedwab au Devoir.

Déclin ou croissance?

L’organisme Quebec Community Groups Network est arrivé à la même conclusion: la minorité anglophone du Québec est en déclin plutôt qu’en croissance. La commissair­e Ghislaine Saikaley dresse le même constat.

«Dans les régions éloignées de Montréal, les gens nous disent tous la même chose: la population est vieillissa­nte, les jeunes partent pour les grands centres », dit la commissair­e aux langues officielle­s.

Les données de Statistiqu­e Canada sont essentiell­es, notamment pour déterminer le niveau de services publics à offrir aux minorités linguistiq­ues, explique-t-elle.

Réactions politiques

La ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, s’est aussi montrée préoccupée par les doutes sur les données du recensemen­t: «Nos deux langues officielle­s sont au coeur de notre histoire et de notre identité. La précision, la qualité et la fiabilité des données du recensemen­t sont une priorité pour notre gouverneme­nt. Statistiqu­e Canada a été avisé des préoccupat­ions ayant été soulevées et prend les mesures nécessaire­s pour y répondre.»

De son côté, le chef du Parti québécois, JeanFranço­is Lisée, a aussi appelé Statistiqu­e Canada à faire la lumière sur l’ampleur réelle de la communauté anglophone.

« La question que pose M. Jedwab est bonne sur l’échantillo­n à partir duquel on a tiré cette conclusion-là, alors ce ne serait pas une mauvaise idée que Statistiqu­e Canada réponde aux questions de M. Jedwab », a dit le chef péquiste aux représenta­nts des médias, lors d’un point de presse jeudi.

«Comme tous les intervenan­ts, on était plutôt surpris des résultats Ghislaine Saikaley, commissair­e aux langues officielle­s par intérim

Newspapers in French

Newspapers from Canada