Le Devoir

La tension monte autour du programme balistique iranien

- SHAHRAM GOLESTANEH Président de l’Associatio­n de l’Iran démocratiq­ue

L’investitur­e d’Hassan Rohani pour son deuxième mandat à la présidence de la République islamique d’Iran se fait sur fond de tensions entre les États-Unis et l’Europe d’une part, et la théocratie iranienne de l’autre.

L’Iran a testé la semaine dernière un lanceur de satellites Simorgh. La nouvelle a été rapportée en grande pompe par la télévision officielle iranienne. Dans une lettre adressée au Conseil de sécurité, les États-Unis, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont dénoncé la capacité de ce lanceur de transporte­r un missile balistique doté d’une ogive nucléaire. Selon ces pays occidentau­x, il s’agit d’une étape menaçante et provocante.

Lors de la cérémonie pour approuver la présidence de Rohani jeudi, le Guide suprême Ali Khamenei a assuré qu’il était décidé à poursuivre son programme de missiles malgré la pression internatio­nale.

Sanctions

Les tensions se sont ravivées depuis l’adoption, fin juillet, d’un important projet de loi, par les deux chambres du Congrès américain, infligeant de nouvelles sanctions à l’Iran, visant le corps des Gardiens de la révolution (Pasdaran). Un projet de loi, voté à la quasiunani­mité, imposant des sanctions à la Russie, à l’Iran et à la Corée du Nord et approuvé par le président américain.

Le volet iranien de cette loi concerne le programme balistique, les droits de la personne et le soutien de Téhéran à des groupes comme l’Hezbollah. L’élément qui fait réagir la branche militaire du pouvoir iranien est que cette loi envisage de sanctionne­r le Corps des gardiens de la Révolution iranienne (Pasdaran). Téhéran a répliqué en défendant son programme balistique, alors qu’un nouvel incident a opposé des navires américains et des bateaux iraniens dans le golfe Persique.

Le corps des Pasdaran n’est pas seulement une force militaire, mais un organe qui accapare plus de 50% de l’économie iranienne. Les nouvelles sanctions auront des conséquenc­es non négligeabl­es sur cette économie et risquent de ramener le pays à la situation qui prévalait avant l’accord sur le programme nucléaire, en juillet 2015.

Embargo

Le général Mohammad-Ali Jaâfari, commandant en chef des Pasdaran, a donné le ton pour la poursuite du programme balistique : «La capacité des missiles iraniens n’est pas un sujet de tractation ou de négociatio­n », a rapporté l’agence de presse Tasnim appartenan­t aux Pasdaran.

Lors d’une conférence militaire rassemblan­t les commandant­s des forces terrestres des Pasdaran à Machad, il avait ajouté : « Nous défendrons notre puissance des missiles comme un homme digne de ce nom défend la chasteté [de sa famille] .» Il avait même ouvertemen­t menacé les États-Unis, affirmant que, si Washington décidait d’imposer un embargo, «il devrait se retirer de ses bases militaires sur un rayon de 1000 km de l’Iran ».

Le Congrès américain a pris sa décision en adoptant les sanctions. Il ne reste plus au général qu’à appliquer sa menace. Mais il semble bien impuissant à la mettre en pratique, en raison des dissension­s internes au sein du pouvoir. Pourquoi le régime persiste-t-il à poursuivre ce programme balistique en prenant de si grands risques ? Dès l’applicatio­n de l’accord sur son programme nucléaire, le Guide suprême avait ordonné aux Pasdaran d’accélérer les tests de missiles, indiquent des sources militaires dignes de foi. «Des dizaines d’usines et d’établissem­ents sont actuelleme­nt impliqués dans la production, les essais et les tirs de missiles.» Il s’agit « des sites de missiles des Pasdaran construits avec l’aide des experts nord-coréens et selon des modèles et des plans fournis par ces derniers », ont ajouté ces sources.

Isolement

Depuis l’accord nucléaire, les dissension­s au sommet du pouvoir se multiplien­t entre Rohani et Khamenei. Le Guide suprême et les Pasdaran ont tout fait pour sortir Ebrahim Raïssi, le candidat favori du Guide suprême, des urnes. Ils ont dû y renoncer devant la peur d’une nouvelle émeute comme en 2009, dont les traits commençaie­nt à se dessiner.

Raïssi a dû se résigner à l’échec. Dans ces conditions, les Gardiens de la révolution commencent à être ravagés par les dissension­s politiques internes. Après le gel du programme atomique, après l’échec de leur candidat favori à la présidenti­elle, le moral des troupes n’est pas très bon.

Ne pouvant prendre l’orientatio­n souhaitée, le Guide suprême a besoin de ces tests de missiles pour remonter le moral de ses fidèles, aussi bien en Iran que dans les autres pays du Moyen-Orient. À court terme, les tirs de missiles rendent donc service à la théocratie de Téhéran, pour contenir une fronde, même si à long terme ils risquent de l’isoler davantage sur le plan internatio­nal.

Les nouvelles sanctions auront des conséquenc­es non négligeabl­es sur l’économie iranienne

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