Le Devoir

Votre prochain logement pourrait être un taudis trop cher

- MAXIME ROY-ALLARD Regroupeme­nt des comités logement et associatio­ns de locataires du Québec (RCLALQ) ANDRÉ TRÉPANIER Comité d’action de Parc-Extension (CAPE) Lettre aux réfugiés du Stade olympique

Le maire Denis Coderre vous a souhaité la bienvenue. Le premier ministre Justin Trudeau a affirmé que le Canada peut vous accueillir. Madame Kathleen Weil, la ministre québécoise de l’Immigratio­n, a tenu une conférence de presse.

Une fois ce moment passé, vous devrez vous trouver un logement. Des fonctionna­ires, des groupes communauta­ires et des membres de la diaspora feront de leur mieux pour vous aider. Toutefois, sachez que vous ne devrez compter que sur vous-mêmes.

Il y aura, certes, certains propriétai­res prêts, eux aussi, à vous accueillir. Ces propriétai­res de taudis seront les rares à vouloir vous louer un logement.

À Montréal, selon le rapport du directeur de la Santé publique de 2015, 30% des logements ont au moins un facteur d’insalubrit­é pouvant causer des problèmes de santé: moisissure­s, coquerelle­s, souris ou punaises de lit.

« Les immigrants récents sont aussi plus à risque d’habiter dans un logement insalubre ou trop dispendieu­x», lit-on dans ce rapport. Si près de 10% des ménages locataires consacrent plus de 80% de leur revenu au loyer, cette proportion dépasse les 18% chez les ménages d’arrivée récente au pays.

Méfiance

Bref, méfiez-vous de ce logement libre qui n’a pas trouvé preneur le 1er juillet : il sera soit trop petit, soit trop cher, soit en mauvais état, soit les trois. Pour signer votre bail, des propriétai­res exigeront de vous un parrain cosignatai­re. D’autres se méfieront de votre accent, de la couleur de votre peau, de vos enfants, de votre précarité ou de votre grossesse.

Quelques-uns exigeront de vous d’illégaux dépôts de garantie ou pour les clés, feront une collecte abusive d’informatio­ns personnell­es ou omettront de vous donner un reçu contre votre loyer, dont le paiement sera exigé en argent comptant. Après, continuez de vous méfier, on pourrait à nouveau vouloir tirer profit de l’ignorance de vos droits.

Par malheur, si vous tombez sur l’un de ces logements que les inspecteur­s doivent évacuer d’urgence, vous ne serez pas admissible­s au relogement d’urgence. N’en faites pas une affaire personnell­e. Vous ne serez pas les premiers réfugiés à aboutir dans un taudis.

Pour l’instant, oubliez les logements à prix modique. Vous n’êtes pas admissible­s, car vous n’avez pas votre résidence permanente et vous venez d’arriver à Montréal. Et même si vous réunissez enfin les conditions d’admissibil­ité à ces logements, ne comptez pas trop là-dessus, vous ne rejoindrez qu’une longue liste d’attente de 23 000 noms.

Le Canada aura cette capacité d’accueil quand M. Trudeau rendra concrètes ses promesses en matière de logement. Entre deux conférence­s de presse, le gouverneme­nt de Mme Weil remet en question le logement social et songe à réformer la Régie du logement, possibleme­nt pour vous jeter plus vite à la rue si votre loyer s’avère trop cher. Cependant, ne dites pas à M. Coderre qu’il n’a pas tenu sa promesse de mettre au pas les propriétai­res délinquant­s: il pourrait se fâcher contre vous. Bienvenue à Montréal !

À Montréal, 30 % des logements ont au moins un facteur d’insalubrit­é pouvant causer des problèmes de santé

Newspapers in French

Newspapers from Canada