Le Devoir

Le 12 août, j’achète (encore) un livre québécois

L’initiative spontanée continue, quatre plus tard, de ravir tout le milieu littéraire

- CATHERINE LALONDE

C’est comme le Noël des libraires, au mois d’août; un Noël qui revient désormais chaque été depuis 2014. Si la journée «le 12 août, j’achète un livre québécois», née spontanéme­nt sur les réseaux sociaux, fait désormais moins de ramdam sur ces plateforme­s, elle continue d’absolument ravir les libraires. Car les ventes de livres québécois y augmentent chaque année. Plusieurs librairies ont refait leurs étals, mettant les écrits d’ici en avant; certaines proposent même, de leur propre chef, activités et animations.

«Ce qui est vraiment beau de cette journée, c’est que c’est une “journée du conseil du libraire”, souligne Dominique Lemieux, directeur de la coopérativ­e des Librairies indépendan­tes du Québec (LIQ). Les gens se présentent en librairie sans idées préconçues, sans savoir d’avance ce qu’ils vont acheter : ils veulent seulement un livre québécois. Et c’est là que le rôle du libraire prend tout son sens», estime-t-il, ce dernier étant là pour comprendre ce que le lecteur aime, et de là suggérer de nouvelles lectures. «C’est pourquoi les libraires aiment autant cette journée. Les gens sont ouverts à la découverte, et les libraires renouent avec l’essence de leur métier: trouver le livre approprié à mettre dans les mains du lecteur.»

Que ce soit à la LIQ, à l’Associatio­n des libraires du Québec (ALQ) ou chez les Renaud-Bray et Archambaul­t, les ventes de livres québécois continuera­ient d’augmenter chaque année le 12 août, et ce, même si l’engouement sur les réseaux sociaux s’est beaucoup atténué. «Ça s’explique par les changement­s d’algorithme­s que

Facebook a apporté pour les événements, croit M. Lemieux. En 2014, le fil de discussion remontait sur Facebook, ce qui ne se passe plus désormais. C’est sûr aussi que l’effet de nouveauté s’atténue. Mais ça n’a pas été récupéré de manière juste commercial­e: ça demeure une grande fête du livre dans le milieu de la librairie. »

Une grande fête spontanée, un peu désordonné­e, à laquelle les librairies participen­t comme elles le sentent, en organisant des animations, des rencontres avec des auteurs, des séances de signatures. Aucun site ne rassemble toutes les activités, et ce côté sauvageon contribue au charme de l’événement.

Quelques dollars de plus

Après le succès du premier « douzou », en 2014, Hélène David, alors ministre de la Culture, avait dévoilé un Plan d’action sur le livre sur deux ans, contenant une mesure d’aide spécifique à cet événement. Les dernières mesures de ce plan sont en cours de finalisati­on, précise la conseillèr­e en

communicat­ions au ministère de la Culture, Josée Boulet. Un bilan sera effectué dans les prochains mois. Une fois analysé, «le ministère pourrait décider de poursuivre certaines mesures à plus long terme ou d’en créer de nouvelles, mais aucune annonce n’est prévue pour le moment. Cela étant, le chantier de révision réglementa­ire prolonge déjà l’action du Plan d’action sur le livre en permettant d’adapter les règlements de la Loi du livre aux réalités actuelles, et ce, au bénéfice de tous les acteurs de la chaîne québécoise du livre ».

Avec ou sans les institutio­ns, le «douzou» a redessiné les pratiques estivales de ventes de livres. «Je me rappelle la première année, partage Dominique Lemieux, j’avais voulu moi aussi acheter mon livre québécois, et en librairie les sections étaient complèteme­nt dégarnies… Il n’y avait pratiqueme­nt plus de choix. C’est sûr que depuis, les libraires bonifient leur sélection pour cette date et commandent des quantités supplément­aires… »

La réponse avait alors dépassé toutes espérances: politiques, artistes et quidams s’étaient spontanéme­nt affichés sur les réseaux sociaux avec leurs achats en main ; les ventes de livres québécois en ont été fouettées de 49%, et les ventes globales de 27%, tous marchés confondus, selon la Banque de titres de langue française (BTLF). En 2015, rebelote et recroissan­ce: les ventes de livres québécois ce jour-là ont augmenté de 107%. L’an dernier marque un petit plateau, avec un pic de 102% d’augmentati­on, par rapport aux jours similaires de cet été-là.

Et cette année? Dans les magasins de Renaud-Bray, les libraires «ont carte blanche pour créer des sélections de livres d’auteurs locaux, explique la directrice du marketing et des communicat­ions pour cette chaîne et celle d’Archambaul­t, Émilie Laguerre. Tout est déjà placé depuis le 5 août dernier. Sur les sites Internet aussi, on propose davantage de livres québécois depuis déjà une dizaine de jours». Et toutes les commandes Internet passées le 12 août sur les sites des deux chaînes seront livrées gratuiteme­nt. Toutes? Oui, toutes ; même celles des livres étrangers.

Pour ce quatrième «douzou», «les libraires ont très hâte de voir ce que ça donnera, puisque ça tombe un samedi, indique la directrice générale de l’ALQ, Katherine Fafard. Plusieurs s’imaginent que la participat­ion du public sera encore meilleure» puisque l’achalandag­e y est normalemen­t déjà plus fort.

Sera-ce le cas ? Il faudra aller faire un tour en librairie pour le savoir…

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ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR Plusieurs librairies ont refait leurs étals, mettant les écrits d’ici en avant.

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