Le Devoir

Promenons-nous dans les bois

- ANDRÉ LAVOIE

LE PARC

★★ 1/2 Comédie dramatique de Damien Manivel. Avec Naomie VogtRoby, Maxime Bachelleri­e, Sobéré Sessouma. France, 2016, 71 minutes.

Éric Rohmer et Robert Bresson peuvent reposer en paix. Leur style dépouillé et (faussement) naturalist­e a trouvé un nouvel héritier. Il se nomme Damien Manivel (Un jeune poète), qui affiche aussi une propension pour le jeu maladroit d’acteurs sans véritable expérience qu’il plonge dans un univers enchanteur, gorgé de soleil, en apparence loin des tourments. Dans leur environnem­ent quotidien, et leur inconscien­t, c’est une autre histoire, et c’est celle-là qui intéresse le cinéaste.

Dans Le parc, ce minimalism­e qui a fait la marque de l’auteur du Genou de Claire et celui de Mouchette s’affiche d’abord dans sa durée, 71 minutes, en soi un pied de nez au conformism­e et au commerce, rigoureuse succession de plans fixes cadrés pour saisir l’immensité des lieux ou un détail précis sur les visages. Les deux premiers ont des allures juvéniles, Maxime (Maxime Bachelleri­e) attendant nonchalamm­ent l’arrivée de Naomie (Naomie Vogt-Roby) dans un coin champêtre non identifié, mais situé près de l’agitation urbaine avec ses sons de voitures et d’avions, de cris d’enfants et du souffle court des coureurs zélés.

En ce premier véritable rendez-vous amoureux, Naomie et Maxime échangent des banalités (sur Freud «le philosophe», le foot, la gymnastiqu­e) aux quatre coins de ce vaste espace de verdure, alignant aussi les acrobaties, certaines sportives, d’autres romantique­s. Tout cela s’enchaîne sans aspérités, ou presque, car le départ quelque peu précipité de Maxime, qui n’a pas encore tout à fait la dégaine d’un gentleman, plonge Naomie dans une curieuse léthargie.

Long plan-séquence

Le point de bascule de ce récit en deux temps repose sur un long plan-séquence où, accrochée à son téléphone, Naomie lance une série de messages à l’intention de celui que certains passants voyaient déjà comme l’homme de sa vie. Leurs échanges numériques, eux aussi minimalist­es, attristent la jeune fille au point de la faire chavirer, à la faveur de la nuit, dans un monde en marge du sien, un monde où elle pourrait revenir en arrière, aidée, mais rien n’est moins sûr, par un gardien du parc (Sobéré Sessouma) un peu dépassé par la situation.

Cette promenade au ton badin, camouflant une certaine tension sexuelle, glisse dans un onirisme déroutant, se référant parfois à leurs conversati­ons d’adolescent­s, échevelées et laconiques, sur leur vie au lycée ou sur l’hypnotisme, pratiqué par la mère de Maxime avec un certain succès, sauf sur lui! Dans cette échappée en forêt un peu décalée, voire saugrenue, on sent venir le traquenard (malheureus­ement, il y en a un).

Même si Le parc foisonne de petites promesses, d’instants de belle désinvoltu­re, tout cela traîne parfois en longueur, autant dans sa partie diurne que dans celle nocturne, ce qui ne manque pas d’ironie pour un film aussi concis. Les maîtres dont se réclame Damien Manivel se sont parfois perdus dans leurs propres labyrinthe­s, ce qui devrait le rassurer.

V.O.F.: Cinémathèq­ue québécoise.

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ACÉPHALE Le point de bascule de ce récit en deux temps repose sur un long plan-séquence où, accrochée à son téléphone, Naomie lance une série de messages à l’intention de celui que certains passants voyaient déjà comme l’homme de sa vie.

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