Le Devoir

La Colombie en doses subtiles dans la musique de La Chiva Gantiva

- YVES BERNARD

Formé à la base de trois percussion­nistes venus de la Colombie, le groupe de Bruxelles est pour le moins explosif sur scène. Ça tombe bien puisque La Chiva Gantiva ouvrira pour Tiken Jah Fakoly ce samedi sous le grand chapiteau installé par l’organisati­on du festival Musique du bout du monde dans le Vieux-Gaspé, un endroit qui devient particuliè­rement torride lors de l’événement. Comme tant d’autres musiciens qui sont passés par là, La Chiva Gantiva goûtera à la médecine des festivalie­rs gaspésiens, qui sont parmi les plus exubérants du Québec. Et c’est tant mieux.

La Chiva s’en donne à coeur joie avec son esprit carnavales­que et son mélange d’afrobeat teinté de champeta, son chant énergique trempé dans le rock, le rap et le funk, ses rythmes colombiens frénétique­s et son esprit punk. Parfois on chante, parfois on gueule et on «rocke» sur les percussion­s. De cela, deux disques témoignent, un troisième s’en vient en septembre et c’est ce nouveau répertoire qui sera offert à Gaspé. Mais de ce troisième album, que peut-on maintenant dévoiler ?

« Cette fois-ci, on se concentre sur les chansons. Les deux autres disques étaient plus expériment­aux ; celui-ci est plus écoutable. On ne respectait pas les structures ; on est maintenant plus matures. C’est un album qui a une essence colombienn­e, qui est presque impercepti­ble. Il faut être connaisseu­r pour la remarquer. Par exemple, on y trouve un pattern d’afrobeat avec la tambora de la cumbia en arrière. On est conscient qu’il se passe un boom dans la musique colombienn­e, mais ça ne doit pas être l’excuse de notre succès», affirme Rafael Espinel, le leader et chanteur de la Chiva.

En effet, avec Systema Solar, Bomba Esterio, Bareto, La Mambanegra, Tribu Baharu et tant d’autres, la nouvelle musique colombienn­e se répand. Même qu’ils étaient une vingtaine de groupes au plus récent Womex, le principal marché de la World Music. La Chiva fait donc partie de ce mouvement: à la grande surprise de ses membres, le groupe a récemment rempli une salle de 600 personnes à Bogotá, et son prochain disque sera réalisé à moitié par Ivan Benavides, une pointure en Colombie. Mais Rafael Espinel tient à apporter une nuance: «Pour le nouveau disque, on ne veut pas s’exposer comme Colombiens, mais comme musiciens colombiens. La différence est subtile, mais nous ne faisons pas cette musique parce que nous sommes colombiens, mais plutôt parce que nous sommes musiciens. »

D’amour et de football

Au début, la Chiva a puisé dans les traditions musicales colombienn­es, de la cumbia aux musiques afro-caribéenne­s et afro-Pacifique, en passant par la musique des montagnes, en mélangeant cela avec l’extérieur. Cela est révélé par le premier disque, Pelao. Puis, sur Vivo, les rythmes caribéens sont plus présents, mais une inspiratio­n du Pacifique demeure. Avec le temps, le clarinetti­ste est parti, mais le saxophonis­te Tuan Ho Duc a trouvé un instrument à vent synthétisé qui permet de nouvelles possibilit­és.

Pour le nouvel album, un autre élément pourrait surprendre les amateurs de la première heure: « Nous interpréto­ns des chansons d’amour, des chansons sur le couple, sur l’amour sublime, l’amour destructeu­r, l’amour utopique ou simplement l’amour tel que vécu », révèle Rafael Espinel. Ce dernier était d’abord batteur et ne se considère pas

comme un poète, mais il affirme écrire avec plus de facilité. Il lui arrive aussi d’écrire en jerga, un patois colombien compris seulement par des gens de quelques régions.

Et il exprime son engagement par la musique: « Dans mes chansons, je ne parle pas vraiment de politique. Je suis d’abord un artiste qui vit dans un espace dans l’instant présent et je ne peux m’empêcher de chanter ce que je vis, ce que je vois, ce que j’écoute. Si, par exemple, demain, on me coupe l’électricit­é parce que je n’ai pas d’argent ou si je me rends compte qu’une guerre est sans fin, je peux en parler, mais j’en parle comme je parle aussi d’amour et de football. »

Sur la langue, l’auteurcomp­ositeur dira ceci: «En plus de l’espagnol, nous avons

dans notre répertoire quelques chansons en français. J’ai vécu la moitié de ma vie en français et l’idiome nous appartient. Des gens me demandent pourquoi je ne chante pas en anglais ; je leur réponds que, pour chanter dans une langue, celle-ci doit t’appartenir.» Ce qui appartient aussi à La Chiva Gantiva, c’est toute l’énergie qu’elle s’apprête une fois de plus à déployer.

FESTIVAL MUSIQUE DU BOUT DU MONDE À Gaspé du 9 au 13 août. La Chiva Gantiva partage la scène avec Tiken Jah Fakoly et the LOL Brothers au Chapiteau des Grands Spectacles HydroQuébe­c, ce samedi à 20 h musiquedub­outdumonde.com

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DESPEGUE H La Chiva Gantiva s’en donne à coeur joie avec son esprit carnavales­que.

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