Pause studio avec Dr Paterson
ÎleSoniq présente le duo The Orb à L’Astral ce vendredi
«Salut ! Juste un instant, je vais dans la cour pour mieux discuter. » Au bout du fil, nul autre que le docteur — titre honorifique décerné par lui-même — Alex Paterson, légende de la musique électronique britannique, cofondateur de The Orb et, conséquemment, co-inventeur de ce que la presse musicale anglaise a baptisé le «ambient house», une version dub et planante du house idéale pour atterrir sur terre après avoir dansé toute la nuit — ou encore la journée, comme le feront les visiteurs du festival ÎleSoniq jusqu’à samedi. Rendez-vous donc à L’Astral ce vendredi soir avec le duo The Orb, invité à animer l’un des after-party du festival de musique électronique.
Discuter avec Paterson, c’est un peu accéder à la mémoire vivante d’une fameuse époque de la musique électronique, celle couvrant l’explosion acid house et le « Summer of Love» de 1987 en GrandeBretagne jusqu’aux mutations accélérées de cette scène durant la décennie suivante.
Mais nous n’y accéderons qu’un peu, justement, parce que le docteur est occupé: «Je suis avec Youth, on travaille sur un remix qu’il faut rendre bientôt. Et là, on attend Jah Wobble, qui vient ajouter une ligne de basse là-dessus… » Diantre! Martin «Youth» Glover, son vieil ami d’enfance, bassiste du groupe post-punk industriel Killing Joke, remixeur et réalisateur émérite pour The Verve, James, Erasure, et tant d’autres ! Et Jah Wobble, bassiste original de P.I.L., pilier du dub électronique et exploratoire anglais depuis presque 40 ans ! Nous aurions voulu être un petit oiseau, comme ceux qu’on entend constamment piaffer sur les vieux enregistrements de The Orb, pour pouvoir épier ces trois-là en studio…
Notre conversation devra donc être brève, aussi nous ne perdons pas trop de temps à résumer les exploits du docteur. Fin des années 1980, après avoir joué les roadies pour Killing Joke, Paterson fait la rencontre de l’inénarrable Jimmy Cauty (The KLF). Les deux font la paire de DJ nommée The Orb. Productions dans l’air du temps acid house au début, mais ils se lassent ensuite des grosses rythmiques. Leur nouveau dada: créer un sas de décompression — le «chill-out room» — dans les soirées rave naissantes. Jouer un peu n’importe quoi, électronique ou pas, du moment que ça détend. « Ce qui me détend, moi ? Des disques très communs, en vérité. De la musique de film. Du dub, j’ai toujours aimé. Du Pat Metheny, même. Ou encore de la musique punk — disons que c’est comme le Yin de la musique Yang que je fais moimême», confie l’Écossais.
Cauty lâche ensuite The Orb pour se concentrer sur ses autres projets, mais Paterson accouche en 1990 du célébrissime succès Little Fluffy Clouds avec, en guise de refrain, un extrait volé d’une entrevue de Ricky Lee Jones. Deux ans plus tard, Paterson renoue avec les palmarès britanniques en lançant Blue Room, 39 minutes et 57 secondes (pour être reconnu comme «single», une chanson ne pouvait pas durer plus de 40 minutes…) de grooves lumineux et psychédéliques plongés dans la basse dub de Wobble et sertie de la soyeuse guitare de Steve Hillage, de Gong.
Sons de Londres
«Je prends plaisir à rejouer ces chansons-là, c’est comme si, avec le temps, elles ont pris une autre signification, une autre vie, notamment parce qu’elles ont été redécouvertes. Le truc, c’est qu’en concert ces compositions originales sont trafiquées, remaniées et deviennent un tout autre monstre. Je crois que tu reconnaîtras ces chansons lorsque nous donnerons notre concert à Montréal», assure le docteur.
«On fait une version démente de Little Fluffy Clouds, avec plein de bruits d’animaux!» Tiens, les animaux, encore eux ! C’est à se demander comment cela se fait que ce citadin endurci, Londonien dans le sang, fervent partisan du Chelsea FC, ne réside et ne travaille pas plutôt à la campagne, dans un environnement plus en phase avec son art. «La vérité, c’est que ma musique, mes compositions sont ma manière à moi de m’échapper, de sortir de Londres. Je ne suis pas vraiment un gars de la campagne — je devrais pourtant, si tu savais l’odeur de la ville ici, Londres est si polluée…»
Mais revenons-en au concert. «Bien sûr! On jouera aussi quelques extraits de COW/Chill Out, World ! », le 14e album de The Orb, paru l’automne dernier sur la réputée étiquette allemande Kompakt. Car voilà le plus fascinant de l’histoire: 30 ans après ses débuts, The Orb, mené aujourd’hui par Paterson et son collègue Thomas Fehlmann, continue de produire de la musique attachante et envoûtante, parvenant à conserver l’esprit volage qui a fait sa renommée en l’articulant de manière pertinente, moderne, encore pleine de fantaisie et de curiosité.
«Tu sais ce qui me plaît dans la musique aujourd’hui ? Le retour du vinyle, dit Paterson. C’était mon outil de travail lorsque j’ai commencé, j’aime toujours faire DJ. Ainsi, j’ai lancé ma propre station de radio sur le Web qui diffuse depuis Londres, ça s’appelle WNCB.LONDON, va voir ça s’il te plaît, j’ai monté ça avec les amis. Opérer sa station sur le Web, quand même, c’est un des avantages des progrès technologiques. »