Le Devoir

Pause studio avec Dr Paterson

ÎleSoniq présente le duo The Orb à L’Astral ce vendredi

- PHILIPPE RENAUD

«Salut ! Juste un instant, je vais dans la cour pour mieux discuter. » Au bout du fil, nul autre que le docteur — titre honorifiqu­e décerné par lui-même — Alex Paterson, légende de la musique électroniq­ue britanniqu­e, cofondateu­r de The Orb et, conséquemm­ent, co-inventeur de ce que la presse musicale anglaise a baptisé le «ambient house», une version dub et planante du house idéale pour atterrir sur terre après avoir dansé toute la nuit — ou encore la journée, comme le feront les visiteurs du festival ÎleSoniq jusqu’à samedi. Rendez-vous donc à L’Astral ce vendredi soir avec le duo The Orb, invité à animer l’un des after-party du festival de musique électroniq­ue.

Discuter avec Paterson, c’est un peu accéder à la mémoire vivante d’une fameuse époque de la musique électroniq­ue, celle couvrant l’explosion acid house et le « Summer of Love» de 1987 en GrandeBret­agne jusqu’aux mutations accélérées de cette scène durant la décennie suivante.

Mais nous n’y accéderons qu’un peu, justement, parce que le docteur est occupé: «Je suis avec Youth, on travaille sur un remix qu’il faut rendre bientôt. Et là, on attend Jah Wobble, qui vient ajouter une ligne de basse là-dessus… » Diantre! Martin «Youth» Glover, son vieil ami d’enfance, bassiste du groupe post-punk industriel Killing Joke, remixeur et réalisateu­r émérite pour The Verve, James, Erasure, et tant d’autres ! Et Jah Wobble, bassiste original de P.I.L., pilier du dub électroniq­ue et exploratoi­re anglais depuis presque 40 ans ! Nous aurions voulu être un petit oiseau, comme ceux qu’on entend constammen­t piaffer sur les vieux enregistre­ments de The Orb, pour pouvoir épier ces trois-là en studio…

Notre conversati­on devra donc être brève, aussi nous ne perdons pas trop de temps à résumer les exploits du docteur. Fin des années 1980, après avoir joué les roadies pour Killing Joke, Paterson fait la rencontre de l’inénarrabl­e Jimmy Cauty (The KLF). Les deux font la paire de DJ nommée The Orb. Production­s dans l’air du temps acid house au début, mais ils se lassent ensuite des grosses rythmiques. Leur nouveau dada: créer un sas de décompress­ion — le «chill-out room» — dans les soirées rave naissantes. Jouer un peu n’importe quoi, électroniq­ue ou pas, du moment que ça détend. « Ce qui me détend, moi ? Des disques très communs, en vérité. De la musique de film. Du dub, j’ai toujours aimé. Du Pat Metheny, même. Ou encore de la musique punk — disons que c’est comme le Yin de la musique Yang que je fais moimême», confie l’Écossais.

Cauty lâche ensuite The Orb pour se concentrer sur ses autres projets, mais Paterson accouche en 1990 du célébrissi­me succès Little Fluffy Clouds avec, en guise de refrain, un extrait volé d’une entrevue de Ricky Lee Jones. Deux ans plus tard, Paterson renoue avec les palmarès britanniqu­es en lançant Blue Room, 39 minutes et 57 secondes (pour être reconnu comme «single», une chanson ne pouvait pas durer plus de 40 minutes…) de grooves lumineux et psychédéli­ques plongés dans la basse dub de Wobble et sertie de la soyeuse guitare de Steve Hillage, de Gong.

Sons de Londres

«Je prends plaisir à rejouer ces chansons-là, c’est comme si, avec le temps, elles ont pris une autre significat­ion, une autre vie, notamment parce qu’elles ont été redécouver­tes. Le truc, c’est qu’en concert ces compositio­ns originales sont trafiquées, remaniées et deviennent un tout autre monstre. Je crois que tu reconnaîtr­as ces chansons lorsque nous donnerons notre concert à Montréal», assure le docteur.

«On fait une version démente de Little Fluffy Clouds, avec plein de bruits d’animaux!» Tiens, les animaux, encore eux ! C’est à se demander comment cela se fait que ce citadin endurci, Londonien dans le sang, fervent partisan du Chelsea FC, ne réside et ne travaille pas plutôt à la campagne, dans un environnem­ent plus en phase avec son art. «La vérité, c’est que ma musique, mes compositio­ns sont ma manière à moi de m’échapper, de sortir de Londres. Je ne suis pas vraiment un gars de la campagne — je devrais pourtant, si tu savais l’odeur de la ville ici, Londres est si polluée…»

Mais revenons-en au concert. «Bien sûr! On jouera aussi quelques extraits de COW/Chill Out, World ! », le 14e album de The Orb, paru l’automne dernier sur la réputée étiquette allemande Kompakt. Car voilà le plus fascinant de l’histoire: 30 ans après ses débuts, The Orb, mené aujourd’hui par Paterson et son collègue Thomas Fehlmann, continue de produire de la musique attachante et envoûtante, parvenant à conserver l’esprit volage qui a fait sa renommée en l’articulant de manière pertinente, moderne, encore pleine de fantaisie et de curiosité.

«Tu sais ce qui me plaît dans la musique aujourd’hui ? Le retour du vinyle, dit Paterson. C’était mon outil de travail lorsque j’ai commencé, j’aime toujours faire DJ. Ainsi, j’ai lancé ma propre station de radio sur le Web qui diffuse depuis Londres, ça s’appelle WNCB.LONDON, va voir ça s’il te plaît, j’ai monté ça avec les amis. Opérer sa station sur le Web, quand même, c’est un des avantages des progrès technologi­ques. »

 ?? MAX ZERRAHN KOMPAKT ?? The Orb, mené aujourd’hui par Dr Paterson et son collègue Thomas Fehlmann (à droite), continue de produire, depuis 30 ans, de la musique attachante et envoûtante.
MAX ZERRAHN KOMPAKT The Orb, mené aujourd’hui par Dr Paterson et son collègue Thomas Fehlmann (à droite), continue de produire, depuis 30 ans, de la musique attachante et envoûtante.

Newspapers in French

Newspapers from Canada