L’opposant Raila Odinga s’autoproclame vainqueur
L’opposition kenyane a exigé jeudi que son candidat Raila Odinga soit déclaré vainqueur de l’élection présidentielle, après avoir remis en cause les résultats provisoires de la Commission électorale qui créditent le dirigeant sortant, Uhuru Kenyatta, d’une très large avance.
Sur la foi de résultats obtenus « de sources confidentielles » au sein de la Commission électorale (IEBC), « nous exigeons que le président de l’IEBC […] déclare Raila Amolo Odinga président dûment élu de la République du Kenya»,a déclaré à la presse le numéro 3 de l’opposition, Musalia Mudavadi.
Cette déclaration, au lendemain de violences sporadiques qui ont fait quatre morts, pourrait raviver les tensions dans un pays encore profondément marqué par les violences postélectorales de 2007-2008, qui avaient fait au moins 1100 morts et plus de 600 000 déplacés.
M. Mudavadi, disant se fonder sur des résultats figurant dans la base de données de l’IEBC, a affirmé que Raila Odinga avait obtenu un peu plus de 8 millions de voix contre 7,75 millions pour M. Kenyatta.
Cette revendication contredit les résultats provisoires publiés sur le site de l’IEBC, qui donnent 54,27% des suffrages à M. Kenyatta contre 44,84% à M. Odinga, sur un total de 15 millions de votes comptabilisés dans près de 99 % des bureaux de vote.
La requête de l’opposition a été rejetée par le président de l’IEBC, Wafula Chebukati, qui a indiqué que le nom du vainqueur serait annoncé une fois que les résultats complets auront été compilés au niveau des 290 circonscriptions du pays, ce qui devait être le cas d’ici vendredi midi.
Dans une réponse détaillée, l’IEBC a souligné que les documents sur lesquels l’opposition prétend s’appuyer sont truffés d’erreurs arithmétiques et proviennent d’une base de données Microsoft, alors que la Commission utilise Oracle.
Avec cette autoproclamation de victoire, Raila Odinga, qui est apparu le visage fermé en conférence de presse et n’a pas souhaité répondre aux journalistes, donne l’impression de jouer son va-tout.
Piratage
Mercredi, il avait déjà rejeté les résultats provisoires, affirmant que le serveur de l’IEBC avait été piraté au profit de M. Kenyatta par des hackers ayant utilisé les codes d’accès d’un responsable informatique de la commission sauvagement assassiné fin juillet.
M. Odinga, 72 ans, qui se présentait pour la quatrième fois à une présidentielle, avait dénoncé «une fraude d’une gravité monumentale».
L’IEBC, dont l’opposition n’a cessé de mettre en cause l’impartialité pendant la campagne, a reconnu une tentative de piratage, mais expliqué que celle-ci avait échoué.
Organe indépendant chargé de garantir l’équité du scrutin, l’IEBC a reçu le soutien prononcé des missions d’observation internationales, qui ont loué un processus incitant, selon elles, à la confiance.
L’ex-secrétaire d’État américain John Kerry, chef de la mission de l’influente fondation Carter, a qualifié de «détaillé et transparent» le processus de vote et estimé qu’il pouvait «donner confiance quant aux résultats ».
La déclaration de victoire de l’opposition a déclenché des scènes de liesse dans ses fiefs, où des violences isolées avaient éclaté la veille.
Chaque prise de parole de M. Odinga est attentivement écoutée au sein de son ethnie luo, le vote se jouant avant tout sur des sentiments d’appartenance ethnique.
En 2007, il avait rejeté la réélection de Mwai Kibaki, lors d’un scrutin entaché de nombreuses fraudes, selon les observateurs. En 2013, il avait aussi contesté sa défaite et s’était tourné vers la justice, qui lui avait donné tort.
L’enjeu est capital pour M. Odinga, qui joue la dernière bataille d’une longue rivalité dynastique avec la famille de M. Kenyatta, 55 ans.
Son père, Jaramogi Oginga Odinga, fut brièvement vice-président, avant de perdre la lutte post-indépendance pour le pouvoir au profit du premier chef d’État Jomo Kenyatta, le père d’Uhuru.