Le Devoir

Le wendat : un voyage dans le passé

À Wendake, des efforts de revitalisa­tion de la langue sont en branle

- CAROLINE MONTPETIT

Le Québec est l’hôte de onze nations autochtone­s reconnues par le gouverneme­nt du Québec, chacune parlant sa propre langue. Certaines de ces langues sont encore parlées par des milliers de locuteurs. Plusieurs sont sur la voie rapide de l’extinction. Cet été, Le Devoir rencontre chaque semaine un locuteur d’une de ces langues. Voici Arakwa Siouï, qui enseigne le wendat au centre de formation et de main-d’oeuvre de Wendake.

Le nom d’Arakwa Siouï veut dire «rayon de soleil» en wendat. Considérée comme une langue éteinte depuis le tournant du XIXe siècle, la langue wendate est très imagée. «Pour la couleur bleu, par exemple, on dit “c’est comme le ciel”; pour le rouge, on dit “c’est comme l’ocre” ; et pour le jaune, on dit “c’est comme la fleur de courge”, dit Arakwa Siouï, qui donne des formations en langue wendate au centre de formation et de main-d’oeuvre de Wendake.

Fille de parents wendats, Arakwa Siouï s’est retrouvée au coeur du mouvement de revitalisa­tion de la langue wendate qui a animé la communauté de Wendake en 2010. «J’ai suivi un cours de langue avec la linguiste qui l’offrait à la population, raconte-t-elle. On a fait ça en famille. Les organisate­urs ont remarqué que j’étais douée, et ils m’ont demandé de devenir professeur et d’aider. Je ne pensais pas que ça viendrait me chercher autant. J’ai toujours eu un côté identitair­e très fort. Je faisais de l’artisanat et je me suis cherchée beaucoup. »

Un appel

Arakwa Siouï avait entrepris des études en sciences avant de se tourner vers la linguistiq­ue. Elle est ensuite devenue le bras droit de Megan Lukaniec, la linguiste qui a lancé Yawenda, le programme de revitalisa­tion de la langue wendate amorcé en 2010 à Wendake. En l’absence de Megan Lukaniec,

qui termine un doctorat aux États-Unis, c’est Arakwa Siouï qui porte le flambeau de la formation.

«On préfère dire wendat, plutôt que huron, précise-t-elle. Huron, c’est un nom que les Français nous ont donné à cause de la coiffure que l’on portait, une hure. Nous, on se désigne comme Wendats », dit Arakwa Siouï.

Le wendat serait la première langue autochtone nord-américaine à avoir été décrite de façon exhaustive, écrivent les auteurs Louis-Jacques Dorais, Megan Lukaniec et Linda Sioui, dans l’ouvrage Les langues autochtone­s du Québec. Un patrimoine en danger, dirigé par Lynn Drapeau et publié aux presses de l’Université du Québec. Le missionnai­re Gabriel Sagard en avait commencé l’analyse en 1632. Le jésuite Jean de Brébeuf en a écrit un dictionnai­re qui est encore cité aujourd’hui. «Il était très doué», dit Arakwa Siouï.

Le père Bressani écrit en 1653 au sujet du père de Brébeuf : «Pour apprendre la langue wendate, il a fallu, outre la grâce de la vocation, un travail excessif. »

À l’époque, tous les missionnai­res envoyés en pays wendat étaient obligés d’apprendre la langue, lit-on encore dans Les langues autochtone­s du Québec. Un patrimoine menacé.

«À leur arrivée, les jésuites n’ont pas eu le choix d’apprendre le wendat, dit pour sa part Arakwa Siouï. Les Wendats, dans leur mentalité, étaient maîtres chez eux. C’était eux qui négociaien­t le commerce. »

Reste qu’à la fin du XIXe siècle, déjà, les Wendats avaient pratiqueme­nt tous adopté le français comme langue maternelle. « Mais la langue a toujours été présente dans les cérémonies. On a toujours eu des chants représenta­tifs de certaines danses, de certaines périodes de l’année, de certains événements. On va se rassembler encore dans une maison longue, qui est encore active avec des gens qui participen­t. Il y a un chant et une cérémonie pour la fraise, par exemple, qui est un fruit important. La fraise représente les petits fruits. Elle représente aussi l’arrivée de l’été », raconte Arakwa Siouï.

Certains auteurs ont comparé la langue wendate à l’hébreu, aussi considéré comme langue morte.

Porter le flambeau

Les tentatives de revitalisa­tion remontent plus loin dans l’histoire de la communauté. Mais c’est il y a sept ans qu’est né le projet Yawenda, dont le nom signifie «la voix». Il vise à doter la communauté wendate d’outils linguistiq­ues, pour assurer la transmissi­on de la langue wendate de façon permanente à Wendake.

«Le mandat était vraiment de développer des outils d’enseigneme­nt pour le primaire», poursuit Mme Siouï. Des leçons, des exercices et un livre électroniq­ue ont été réalisés.

Au moment de notre entretien, Arakwa Siouï venait ainsi de donner une formation à

des personnes travaillan­t au Nionwentsï­o (« notre magnifique territoire»), comme on appelle la réserve faunique rattachée à Wendake.

«Ce sont des cours que l’on donne aux diverses institutio­ns qui sont rattachées au conseil de bande, dit-elle. On essaie de diversifie­r le plus possible les publics auxquels on s’adresse.» Une formation est également offerte pour les élèves de 4e secondaire.

À l’origine, les Wendats vivaient au sud de l’Ontario, avant d’en être chassés et d’être divisés en deux groupes. Un de ces groupes s’est retrouvé au Québec et l’autre vers Detroit, puis vers l’Oklahoma.

Aujourd’hui, les Wendats de Wendake sont en communicat­ion avec les Wyandots d’Oklahoma et du Kansas, avec qui ils partagent un héritage linguistiq­ue commun.

Les deux nations partagent également le fait de devoir faire un effort de revitalisa­tion d’une langue qui a cessé d’être parlée, à un moment donné de l’histoire. «Ça ne se fera pas demain, peut-être dans plusieurs génération­s, dit Arakwa Siouï. Mais le but, c’est de montrer la langue à nos enfants, de les baigner dedans, de faire de l’immersion, de l’afficher partout.»

«On préfère dire wendat, plutôt que huron. Huron, c’est un nom que les Français nous ont donné à cause de la coiffure que l’on portait, une hure. Nous, on se désigne comme Wendats.»

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FRANCIS VACHON LE DEVOIR Fille de parents wendats, Arakwa Siouï s’est retrouvée au coeur du mouvement de revitalisa­tion de la langue wendate qui a animé la communauté de Wendake en 2010.

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