Le Devoir

Le luxe d’un balcon à soi

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D’aussi loin que je me souvienne, ma mère aimait prendre son café dehors. Je la vois encore, assise devant la maison dans la chaise Adirondack malgré les restes de neige autour d’elle, emmitouflé­e avec son café. Elle dormait toujours avec le petit carreau de sa fenêtre entrouvert, même au plus froid de l’hiver. Aujourd’hui, à 92 ans, ses souvenirs emportés par la maladie d’Alzheimer, elle réside dans un CHSLD. Il y a une belle terrasse trois étages plus bas, mais les préposés n’ont bien sûr pas le temps de l’y emmener par l’ascenseur, et nous, ses enfants, ne pouvons pas le faire au quotidien. Elle reste donc dans sa chambre, dont la fenêtre ne s’ouvre que de quelque six à huit pouces. Une terrasse à chaque étage serait-elle plus accessible? Comment pourrait-elle y aller, elle qui ne sait plus se rendre à la salle à manger près de sa chambre? Je me prends à rêver pour elle d’un balcon sécurisé qui prolongera­it sa petite chambre. Une porte-fenêtre sans seuil s’ouvrirait sur cet espace privé, dehors, où elle pourrait passer du temps, avec ou sans café. Je rêve. C’est déjà beau qu’elle ait une chambre individuel­le, un luxe, même si elle partage la toilette — ce lieu intime — avec l’autre chambre. Et tant pis si l’espace permet à peine de déplier une chaise pour la visite, à côté de son fauteuil. Le ministère de la Santé vient d’ordonner que désormais il n’y ait plus de chambres à 3 ou 4 lits dans les CHSLD, que des chambres à 1 ou 2 lits. Pour ne pas perdre trop de place, on va donc diviser les grandes chambres en deux plus petites, plutôt que d’accorder plus d’espace à chaque patient, pardon, à chaque résident. Les CHSLD ont pris le virage du milieu de vie. Le H, qui voulait dire hospitalie­r, signifie désormais hébergemen­t. Comme nous en sommes encore loin! Micheline Marier Montréal, le 12 août 2017

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