Une Virée judicieusement consolidée
LA VIRÉE CLASSIQUE Musique de chambre: Récital Nareh Arghamanyan (piano): Brahms, Rachmaninov, Stravinski (arr. Agosti). Fauré et la musique de chambre: Nocturne n° 6 et Quintette pour piano et cordes n° 1. Musique symphonique: «Voyage en Méditerranée» Co
Pour la 6e année de sa Virée classique, l’OSM a mis tous les éléments en place afin d’optimiser l’événement et de parvenir à une vitesse de croisière. Reporté du mercredi au jeudi, le concert gratuit au Stade olympique, à l’assistance chiffrée par l’organisation à 30 000 spectateurs en 2017, colle directement à l’événement de la fin de semaine. Des projections de films et d’opéras en plein air, vendredi et samedi soir, contribuent à doper le volet des activités gratuites et à porter à 35 000 le chiffre des participants au « bain musical » de la Place des Arts, qui affiche, selon les chiffres communiqués par l’OSM dimanche, un taux de remplissage en salle de près de 90 %.
Le phénomène sociologique est assurément fascinant à observer, car on croise à la Virée tous types de personnes, que, pour une large part, on ne voit jamais en saison régulière. Il s’agit pour une partie, notamment en soirée, d’un public «festivalier générique» qui probablement un mois auparavant «va au jazz», alors qu’il n’a pas un disque de jazz dans sa discothèque. Certains ne sont, hélas, pas bien au fait que la Maison symphonique relaie très bien les toux et bruits de toutes sortes et que l’annonce «les photos sont interdites » veut vraiment dire que les photos lors d’un concert ne sont pas permises. Il n’en reste pas moins qu’il y a un vrai défi marketing: faire venir cette clientèle une, deux ou trois fois durant la saison régulière.
Pressés d’aller au concert!
En journée, c’est l’heure de l’émerveillement des enfants, de la flânerie des familles. On est heureux de voir Sharon Isbin, vedette nord-américaine de la guitare, donner un concert-conférence gratuit aux visiteurs de passage. Pour sa part, Jean-Philippe Collard s’étonne encore de voir des gens « pressés d’aller au concert ». De manière générale, les concerts de musique de chambre diurnes sont fréquentés par davantage d’habitués, souvent plus âgés. Dans ceux auxquels j’ai assisté, on aurait entendu une mouche voler.
Artistiquement, on ne va pas à la Virée pour avoir des révélations musicales. J’ai été très touché d’entendre une si belle cohésion dans le quatuor réuni pour accompagner JeanPhilippe Collard dans le 1er quintette de Fauré. Collard a rendu un bel hommage à Françoise Davoine, qui peu après Mario Paquet prend sa retraite de Radio-Canada après 30 ans de loyaux services et animait son dernier direct en public. Le pianiste a souligné sa « bienveillance envers les musiciens», notamment les jeunes.
Lors des concerts orchestraux de samedi, contrairement au vendredi devant les caméras de Medici.tv, l’orchestre avait été scindé en deux. Ce qui était un peu maigre pour le programme méditerranéen, avec un Concerto d’Aranjuez très nuancé de Sharon Isbin et des trompettes très méritantes dans la musique ferroviaire de Theodorakis pour Zorba le Grec.
Après un superbe Concerto BWV 1042 de Bach par Veronika Eberle, violoniste décidément passionnante, l’héroïne de la soirée fut Nareh Arghamanyan. On n’attendait pas à un tel niveau de finesse, de dialogue et de finition dans une oeuvre aussi pointue de Beethoven la pianiste arménienne, qui remplaçait Till Fellner à une semaine d’avis.
«Lorsque la magie des sons se fait entendre […] la nuit et les tempêtes se changent en lumière», dit le poème de la Fantaisie chorale. La Virée classique fut donc lumineuse.