Le Devoir

Le Québec perd un grand homme en Jacques Daoust

Il abordait son travail de serviteur de l’État avec une élégance et une fierté indéniable­s

- ARMAND DUBOIS Conseiller politique de Jacques Daoust (2014-2016) et p.-d.g. de Services-conseils INTELX

Il y a des gens qui, un jour, on ne sait trop pourquoi, croisent notre route de vie et nous invitent à faire un bout de chemin avec eux. Et soudain, notre temps devient différent. Ce n’est plus le sentier à parcourir qui importe, mais la découverte de celui qui soudain nous guide et la profonde relation qui nous liera et donnera sens à chaque pas que nous ferons.

Avec Jacques, ce n’est pas la grandeur du pas qui a compté, mais la profondeur de la trace qu’il a laissée sur nos chemins respectifs, nous qui l’avons connu. J’ai toujours cru que le travail reposait sur deux pôles importants: le plaisir et l’utilité. Avec Jacques Daoust, ces deux pôles restèrent, tout au long du parcours au cabinet, en parfait équilibre.

Pour lui, la meilleure façon de résoudre un problème se résumait à l’aborder avec humour et la meilleure façon d’oublier ses problèmes, c’était d’aider les autres à résoudre les leurs. Conscient de ce monde à parfaire il m’avait dit un jour: «Heille, tu dois savoir, toi le journalist­e, que si tout le monde respectait les dix commandeme­nts, il n’y aurait pas de Téléjourna­l !»

Parmi les moments les plus appréciés: les discussion­s sur les dossiers à traiter, les longues séances en commission parlementa­ire, moment privilégié pour travailler étroitemen­t, ce voyage au sommet économique de Davos et ces fins de journées au bureau de Montréal, où on pouvait sortir des discussion­s politiques pour aborder des sujets plus personnels et les projets qui nous animaient.

Sa rigueur, mais aussi sa grande capacité d’écoute, son sens inné du devoir, mais aussi son grand respect de la personne et, bien sûr, son sens de l’humour, avec ce petit hochement de tête et ce clin d’oeil si caractéris­tiques de son langage non verbal, ont fait de lui un être profondéme­nt attachant avec ses mots pleins d’esprit et de délicatess­e... et sa dernière blague à la mode. Il vous la racontera au moins trois fois dans la même semaine, si vous avez à le revoir! Étonné par ailleurs que vous la connaissie­z déjà!

Homme rigoureux

En mai dernier, Jacques me faisait visiter son vignoble. J’ai compris que, là encore avec rigueur, il avait mis tout son coeur à l’ouvrage. Il parachevai­t alors la boutique qui accueiller­ait prochainem­ent les visiteurs. Il la voulait coquette. Il visait l’excellence, le sommet. Et pour cela une seule manière d’y parvenir: le travail! Il y a deux façons, me disait-il avec humour, d’atteindre le sommet d’un chêne: grimper ou s’asseoir sur un gland et attendre…

Jacques aimait faire image pour convaincre. Il savait aussi se faire imaginatif pour sortir le Québec de sa morosité économique. Il disait souvent d’ailleurs que, pour retrouver son élan, le Québec se devait d’être innovant, attrayant et concurrent­iel. Il aurait pu faire sienne cette citation de Nelson Mandela: «Nous travailler­ons ensemble pour soutenir le courage là où il y a la peur, pour encourager la négociatio­n là où il y a le conflit, et donner l’espoir là où règne le désespoir.»

Voilà sûrement la véritable raison qui l’a motivé un jour à accepter l’invitation d’un Philippe Couillard à faire le saut en politique. Il n’avait pas peur de relever ce défi, disposé à négocier avec les grandes entreprise­s internatio­nales pour accroître leur présence ici et redonner espoir à ses concitoyen­s pour que le Québec se hisse parmi les sociétés les plus dynamiques et prospères. Sa candeur naturelle lui permettait de croire que sa contributi­on, comme serviteur de l’État, si petite soit-elle, lui donnerait l’occasion de faire grandir ce Québec qu’il avait tatoué sur le coeur.

Serviteur de l’État

Je peux témoigner qu’il s’est investi entièremen­t à titre de ministre de l’Économie, de l’Innovation et des Exportatio­ns. Jacques aura permis par son action de favoriser la création et la consolidat­ion de partenaria­ts avec de nombreuses entreprise­s, de même que la réalisatio­n d’investisse­ments qui permettent d’ores et déjà au Québec de déployer davantage cette capacité d’innover et d’assurer le développem­ent économique de ses régions. Celles et ceux qui comme moi ont eu l’immense privilège de travailler sous sa gouverne ressentent avec son départ une immense tristesse. Le Québec perd un grand homme. Son passage en politique n’aura pas été vain.

Il faut non seulement retenir son immense talent et sa grande compétence pour les dossiers économique­s, mais aussi son ardeur et sa rigueur à faire grandir chaque jour davantage le Québec, à servir ses concitoyen­s et à vouloir leur assurer un cadre social favorable à leur plein épanouisse­ment. Il abordait son travail de serviteur de l’État avec une élégance et une fierté indéniable­s et en sachant doser l’importance à accorder à chaque dossier.

Et puis, ce sens de l’humour inimitable, dont on va s’ennuyer, traduisait son amour des gens qui croisaient sa route. Un homme attachant et voué entièremen­t à sa mission, celle de développer le Québec pour le mieux-être de ses concitoyen­s québécois.

Repose en paix, Jacques, tu as merveilleu­sement fait ton travail et dans le respect constant de celles et ceux qui avaient l’honneur de travailler avec toi et des citoyens que tu as servis avec honneur et dignité !

L’histoire s’en souviendra…

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