Les menaces de Donald Trump profitent au président Maduro
Des milliers de Vénézuéliens ont manifesté lundi pour dénoncer la menace d’une intervention militaire brandie par le président américain, Donald Trump, qui a provoqué un tollé en Amérique latine et alimente la théorie du complot du président Nicolas Maduro.
Au son de la chanson «Yankee go home!» (« Les Américains, rentrez chez vous!»), les partisans du gouvernement, vêtus de rouge — la couleur traditionnelle du chavisme, le courant au pouvoir —, étaient rassemblés face au palais présidentiel à Caracas, où le chef de l’État devait s’exprimer plus tard dans la journée.
«Nous allons continuer à manifester contre toute forme d’ingérence de l’impérialisme, qu’elle soit directe ou par ses alliés en Amérique latine. Nous exigeons le respect», a déclaré l’un des hauts dirigeants chavistes, Diosdado Cabello, dans la manifestation.
Des rassemblements de soutien au président étaient organisés dans d’autres villes du pays.
La tension entre Caracas et Washington est montée d’un cran depuis que le dirigeant américain a évoqué vendredi une possible « option militaire » pour résoudre la crise au Venezuela, où les manifestations anti-Maduro ont fait 125 morts en quatre mois, sur fond de naufrage économique du pays.
Sans évoquer de projet militaire, le vice-président américain, Mike Pence, a, lui, affirmé lundi que Washington ne laisserait pas le Venezuela se transformer en «État en faillite » qui mettrait en péril la sécurité de la région. « Nous ne resterons pas les bras croisés tandis que le Venezuela s’effondre», a mis en garde M. Pence lors d’un déplacement en Colombie, affirmant toutefois que Washington souhaitait «une solution pacifique».
Théorie du complot
Des paroles qui alimentent l’idée du président socialiste d’une conspiration de « l’empire » américain pour le renverser avant la fin de son mandat en janvier 2019.
« Nous avons combattu toutes les tentatives de coup d’État, il faut que les États-Unis sachent que ce peuple est disposé à défendre par n’importe quelle voie sa souveraineté, si nécessaire par les armes», a lancé le ministre des Affaires étrangères, Jorge Arreaza.
Entouré de chars et de centaines de soldats armés, le ministre de la Défense, Vladimir Padrino Lopez, s’est exprimé devant la presse pour renouveler le soutien précieux de l’armée au président, dénonçant les menaces « délirantes » et « folles » de M. Trump.
«Apparemment, toutes les voies ont été épuisées, toutes les méthodes de coup d’État en douceur, de manière indirecte ou par l’insurrection populaire, et l’empire nord-américain a tombé le masque pour prendre la voie directe de l’agression militaire», a-t-il déclaré.
«Un cadeau pour Maduro »
Les déclarations du président américain «rendront plus difficile une action multilatérale au Venezuela. Cela donnera de la crédibilité à la théorie dénonçant les États-Unis comme une menace contre sa souveraineté, avec un projet d’invasion », note Michael Shafter, président du cercle de réflexion Dialogue interaméricain, à Washington.
«C’est absurde, mais ce sera utilisé politiquement par le gouvernement. C’est un cadeau pour Maduro», ajoute-t-il.
Pour Diego Moya-Ocampos, analyste du cabinet britannique IHS, cela «servira à ce que les hauts responsables civils et militaires de la frange radicale du gouvernement resserrent les rangs à court terme, sous le discours d’une possible menace extérieure ».
Alors que M. Pence se trouvait en Colombie, le président colombien Juan Manuel Santos lui a directement demandé d’exclure une intervention militaire.
«Ni la Colombie ni l’Amérique latine — depuis le sud du Rio Grande jusqu’à la Patagonie — ne pourraient être d’accord » avec une telle intervention, a-t-il dit.
Cette option rappelle en effet de mauvais souvenirs dans une région où les actions militaires américaines ont été nombreuses au siècle dernier, la dernière date de 1989, quand les États-Unis avaient envahi le Panama pour déloger son président, Manuel Noriega.