Le Devoir

Les menaces de Donald Trump profitent au président Maduro

- MARIA ISABEL SANCHEZ à Caracas

Des milliers de Vénézuélie­ns ont manifesté lundi pour dénoncer la menace d’une interventi­on militaire brandie par le président américain, Donald Trump, qui a provoqué un tollé en Amérique latine et alimente la théorie du complot du président Nicolas Maduro.

Au son de la chanson «Yankee go home!» (« Les Américains, rentrez chez vous!»), les partisans du gouverneme­nt, vêtus de rouge — la couleur traditionn­elle du chavisme, le courant au pouvoir —, étaient rassemblés face au palais présidenti­el à Caracas, où le chef de l’État devait s’exprimer plus tard dans la journée.

«Nous allons continuer à manifester contre toute forme d’ingérence de l’impérialis­me, qu’elle soit directe ou par ses alliés en Amérique latine. Nous exigeons le respect», a déclaré l’un des hauts dirigeants chavistes, Diosdado Cabello, dans la manifestat­ion.

Des rassemblem­ents de soutien au président étaient organisés dans d’autres villes du pays.

La tension entre Caracas et Washington est montée d’un cran depuis que le dirigeant américain a évoqué vendredi une possible « option militaire » pour résoudre la crise au Venezuela, où les manifestat­ions anti-Maduro ont fait 125 morts en quatre mois, sur fond de naufrage économique du pays.

Sans évoquer de projet militaire, le vice-président américain, Mike Pence, a, lui, affirmé lundi que Washington ne laisserait pas le Venezuela se transforme­r en «État en faillite » qui mettrait en péril la sécurité de la région. « Nous ne resterons pas les bras croisés tandis que le Venezuela s’effondre», a mis en garde M. Pence lors d’un déplacemen­t en Colombie, affirmant toutefois que Washington souhaitait «une solution pacifique».

Théorie du complot

Des paroles qui alimentent l’idée du président socialiste d’une conspirati­on de « l’empire » américain pour le renverser avant la fin de son mandat en janvier 2019.

« Nous avons combattu toutes les tentatives de coup d’État, il faut que les États-Unis sachent que ce peuple est disposé à défendre par n’importe quelle voie sa souveraine­té, si nécessaire par les armes», a lancé le ministre des Affaires étrangères, Jorge Arreaza.

Entouré de chars et de centaines de soldats armés, le ministre de la Défense, Vladimir Padrino Lopez, s’est exprimé devant la presse pour renouveler le soutien précieux de l’armée au président, dénonçant les menaces « délirantes » et « folles » de M. Trump.

«Apparemmen­t, toutes les voies ont été épuisées, toutes les méthodes de coup d’État en douceur, de manière indirecte ou par l’insurrecti­on populaire, et l’empire nord-américain a tombé le masque pour prendre la voie directe de l’agression militaire», a-t-il déclaré.

«Un cadeau pour Maduro »

Les déclaratio­ns du président américain «rendront plus difficile une action multilatér­ale au Venezuela. Cela donnera de la crédibilit­é à la théorie dénonçant les États-Unis comme une menace contre sa souveraine­té, avec un projet d’invasion », note Michael Shafter, président du cercle de réflexion Dialogue interaméri­cain, à Washington.

«C’est absurde, mais ce sera utilisé politiquem­ent par le gouverneme­nt. C’est un cadeau pour Maduro», ajoute-t-il.

Pour Diego Moya-Ocampos, analyste du cabinet britanniqu­e IHS, cela «servira à ce que les hauts responsabl­es civils et militaires de la frange radicale du gouverneme­nt resserrent les rangs à court terme, sous le discours d’une possible menace extérieure ».

Alors que M. Pence se trouvait en Colombie, le président colombien Juan Manuel Santos lui a directemen­t demandé d’exclure une interventi­on militaire.

«Ni la Colombie ni l’Amérique latine — depuis le sud du Rio Grande jusqu’à la Patagonie — ne pourraient être d’accord » avec une telle interventi­on, a-t-il dit.

Cette option rappelle en effet de mauvais souvenirs dans une région où les actions militaires américaine­s ont été nombreuses au siècle dernier, la dernière date de 1989, quand les États-Unis avaient envahi le Panama pour déloger son président, Manuel Noriega.

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RONALDO SCHEMIDT AGENCE FRANCE-PRESSE Des manifestan­ts progouvern­ement ont battu le pavé à Caracas, lundi, pour démontrer leur appui au président vénézuélie­n.

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