Le Devoir

Déluge et dévastatio­n au Texas

- SARAH R. CHAMPAGNE

L’ouragan Harvey a continué de déverser des pluies diluvienne­s dimanche sur le sud-est du Texas, même après avoir été rétrogradé au statut de «tempête tropicale» en touchant terre. Le bilan s’alourdissa­it d’heure en heure, au moins trois personnes ayant perdu la vie et des milliers étant sinistrées.

«Pire que le pire scénario», titrait le Washington Post dimanche matin. Et ce n’était pas qu’une enflure médiatique: en matinée, le service météorolog­ique fédéral avertissai­t que les conséquenc­es de cet «événement sans précédent» s’annoncent « au-delà de tout ce qu’on a connu ».

Des «inondation­s catastroph­iques» sont déjà en cours et devraient se poursuivre durant plusieurs jours, ajoutait sur Twitter le National Weather Service (NWS). Un hôpital public du comté de Harris a été évacué, et les patients emmenés dans des établissem­ents à proximité. Les deux principaux aéroports de Houston ont été fermés, pendant que plus de 80 000 personnes étaient sans électricit­é.

De samedi à dimanche, il est tombé en 24 heures plus de 600 mm de pluie sur une grande partie du sud-est du Texas. En comparaiso­n, il tombe en moyenne moins de 800mm de pluie en une année complète à Montréal. Certaines zones recevront 1200 mm, prévoit le NWS.

Ces précipitat­ions records ont inondé plusieurs villes. À Houston, quatrième ville du pays, les rideaux de pluie ont rendu la circulatio­n périlleuse sur plus de 270 tronçons routiers selon l’agence locale de transport. Les autorités demandaien­t en ligne de ne pas tenter d’évacuer les endroits où les routes étaient

déjà transformé­es en rivières, puisque tous les décès confirmés étaient reliés à ce genre de tentative.

Les services d’urgence, pompiers, policiers et tous renforts confondus, ont répondu à plus de 2000 opérations de sauvetage durant la nuit, tout en appelant le public à donner des embarcatio­ns.

Le nombre d’appels à l’aide a été tel que les lignes téléphoniq­ues d’urgence furent par moment saturées. Twitter s’est ainsi converti en véritable «ligne de vie», d’abord pour les autorités qui y communique­nt les informatio­ns les plus pressantes. Pour des citoyens aussi, désespérés d’attendre qu’un agent du 911 leur réponde. En matinée dimanche, on lisait par exemple sur ce réseau: «Une famille attend des secours dans le grenier. Incapable d’atteindre le toit », le tout accompagné d’une adresse.

Cloîtrés

Le maire de Houston, Sylvester Turner a encouragé les citoyens à rester chez eux pour éviter d’être piégés dans les rues. «Même s’il y a une accalmie aujourd’hui, ne pensez pas que la tempête est terminée », a-t-il averti. M. Turner a indiqué que le centre de congrès était maintenant transformé en refuge.

Un avis d’évacuation volontaire avait été émis vendredi pour les localités côtières, mais pas pour Houston. Le maire Turner a défendu sa décision en expliquant que mettre des millions de personnes sur la route aurait été « un cauchemar ».

Daniel Dignard, directeur de l’antenne du Québec à Houston, est satisfait des décisions des autorités et des informatio­ns qu’ils fournissen­t, même s’il se sent « cloîtré ». Joint au téléphone par Le Devoir, il dit voir les autoroutes vides depuis la fenêtre de sa tour d’habitation, alors qu’elles sont normalemen­t bondées. Il explique à quel point la population de Houston a

explosé dans les dernières décennies, avec encore aujourd’hui près de 10 % de croissance selon le Bureau américain du recensemen­t. Une explosion démographi­que qui a réduit la capacité de drainage du sol, «recouvert de béton», tout comme la constructi­on d’autoroutes, observe M. Dignard.

Mathieu Carrier, résident en chirurgie buccale de l’Université du Texas, explique que l’hôpital Ben Taub où il travaille doit transférer ses patients à cause d’une panne électrique. « Mais les rues avoisinant­es sont presque toutes inondées», s’inquiète-t-il dans un message au Devoir. «On se demande bien quand et comment tout cela va se régler », ajoute-t-il, devant les prévisions météorolog­iques peu rassurante­s.

Isabelle Dion, une autre Québécoise installée dans cette ville texane, surveille quant à elle la hauteur de l’eau dans la rue devant sa maison de type unifamilia­l. «Il ne faudrait pas beaucoup pour inonder», dit-elle depuis un quartier du nord de la ville. «On a de l’eau, une voiture, des vêtements de rechange prêts dans un sac à dos, on avait planifié beaucoup», explique-t-elle.

Au même moment, sur la côte texane, plus durement touchée par l’ouragan de catégorie 4 sur une échelle de 5, l’heure était à la découverte des dégâts. «Je suis resté là pendant toute la tempête […], j’ai vu la destructio­n se passer, tous les toits s’envoler des maisons, les arbres tomber, c’est horrible», a commenté à l’Agence France-Presse John Moraida, habitant de Victoria, au sud-ouest de Houston.

Le gouverneur du Texas, Greg Abbott, a quant à lui souligné que les dégâts atteindrai­ent des « milliards de dollars ».

Trump attendu mardi

En après-midi, la Maison-Blanche a annoncé que le président Donald Trump se rendrait dès mardi au Texas pour constater l’ampleur des dégâts.

Le géant pétrolier ExxonMobil a interrompu dimanche ses activités sur son site texan de Baytown, l’un des plus grands au monde. «Ce sont environ 21,64% de la production actuelle du golfe du Mexique qui ont été mis à l’arrêt», a par ailleurs indiqué le Bureau de régulation de l’environnem­ent et de la sécurité (BSEE).

William Brock Long, nouvelleme­nt directeur de l’Agence fédérale des situations d’urgence, a quant à lui affirmé que la catastroph­e serait probableme­nt l’une des pires à frapper cet État du Sud américain. En entrevue au Washington Post il y a quelques semaines, il avait fait remarquer qu’aucun ouragan majeur n’avait frappé les États-Unis depuis 2005.

En 2005, l’ouragan Katrina avait balayé La Nouvelle-Orléans, causant la mort de 1500 personnes. Les dégâts avaient alors été évalués à plus de 80 milliards de dollars américains.

Avec l’Agence France-Presse et l’Associated Press

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MARK MULLIGAN/HOUSTON CHRONICLE/AP Aéroports fermés, routes transformé­es en rivières: sous les eaux et de plus en plus isolée, Houston, la plus grande métropole du Texas, subissait dimanche des inondation­s «sans précédent» causées par la tempête Harvey. Les prochains jours ne...

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