Le Devoir

Tobe Hooper, le réalisateu­r du film culte

Massacre à la tronçonneu­se, n’est plus

- NICOLAS DUFOUR

Un mois après le décès de George A. Romero, le cinéma d’épouvante perd Tobe Hooper. Aussi réalisateu­r de Poltergeis­t, il a livré, avec son horrible chronique meurtrière au Texas, un film qui racontait son époque.

Ce qui reste son film phare, Massacre à la tronçonneu­se, a sifflé la fin de la lascive parenthèse hippie. Alors que l’Amérique a célébré cette année les 50 ans du Summer of Love, cette période d’affirmatio­ns sociales, sexuelles et musicales, voici que Tobe Hooper décède. Drôle de hasard. En 1974, son film de tueur à la tronçonneu­se a rappelé à de jeunes Américains tranquille­ment pacifistes, opposés à l’escalade militaire au Vietnam, à quel point la violence du monde se trouvait au coeur même de leur pays.

Le décès de Tobe Hooper, samedi en Californie d’une cause qui n’a pas été divulguée, suit d’un gros mois celui de George A. Romero, le 16 juillet dernier. Sale temps pour les conteurs d’épouvante. Une génération de cinéastes de l’horreur, plus ou moins indépendan­ts par rapport aux studios, s’efface. Ils ont contribué à faire de l’épouvante un langage codé, même sophistiqu­é, en envisagean­t le tueur en série ou le zombie comme des métaphores d’une société qui s’effondre.

Poltergeis­t puis des séries télévisées

Tobe Hooper a commencé dans le cinéma avec un court métrage puis un film peu remarqué, avant de lancer au monde le fascinant Massacre à la tronçonneu­se, inspiré par les crimes d’Ed Gein, lesquels avaient déjà soufflé l’idée de Psychose au romancier Robert Bloch.

Tobe Hooper a continué avec une adaptation courageuse de Salem’s Lot, de Stephen King. En 1982, couvé par Steven Spielberg, il livre Poltergeis­t, qui marquera une génération de futurs cinéphiles adeptes de frissons. Après Lifeforce, science-fiction un peu pataude avec Patrick Stewart et une Mathilda May dont le dénudement demeure le principal argument, Tobe Hooper s’est investi dans des projets télévisés, surtout des anthologie­s, dont Amazing Stories, Tales from the Crypt et Night Vision. Au début des années 2000, il est un invité discret du jeune Festival internatio­nal du film de Neuchâtel, le NIFFF. Il connaît une forme d’hommage par sa contributi­on à la collection Masters of Horror, aussi évoquée au NIFFF ces années-là.

Chef-d’oeuvre

Reste la frayeur cathodique de Poltergeis­t, et l’horreur caniculair­e de Massacre à la tronçonneu­se. On aurait tort de fuir en raison de ce titre horrible et benêt, genre Le sadique des rayons de Hornbach. En VO, The Texas Chainsaw Massacre est tout aussi fragile, mais inscrit davantage l’oeuvre dans le fait divers réel qu’elle est censée raconter.

Il est question de l’effroyable mésaventur­e de cinq jeunes gens propres à ce temps-là, joyeux et légers, dans la touffeur du Texas. Leur rencontre d’un clan de déséquilib­rés, leurs morts successive­s. C’est une histoire de famille malade, dans laquelle chaque membre — masculin — cherche à redoubler d’efforts dans la malfaisanc­e.

Un conte contempora­in, sur les atrocités cachées dans les régions les plus poussiéreu­ses du leader du monde libre, comme le pays se présentait alors. Certains cinéphiles américains soutiennen­t que Massacre… est le plus grand film de l’époque du Vietnam.

Deux ans après le glaçant La dernière maison sur la gauche, de Wes Craven, plus direct dans la représenta­tion de la torture d’innocents, Tobe Hopper renchériss­ait. À les revoir aujourd’hui, admettons que le film de Wes Craven a bien vieilli.

Avec sa forme inédite, sa bande sonore stridente pour mieux appuyer l’écrasement caniculair­e, et sa descriptio­n d’un pays rongé de l’intérieur, Massacre à la tronçonneu­se, lui, garde son inoubliabl­e et radicale pertinence.

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NEW LINE CINEMA Certains cinéphiles américains soutiennen­t que Massacre à la tronçonneu­se est le plus grand film de l’époque du Vietnam.
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MICHAEL BUCKNER AFP Tobe Hooper avait 74 ans.

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