Tobe Hooper, le réalisateur du film culte
Massacre à la tronçonneuse, n’est plus
Un mois après le décès de George A. Romero, le cinéma d’épouvante perd Tobe Hooper. Aussi réalisateur de Poltergeist, il a livré, avec son horrible chronique meurtrière au Texas, un film qui racontait son époque.
Ce qui reste son film phare, Massacre à la tronçonneuse, a sifflé la fin de la lascive parenthèse hippie. Alors que l’Amérique a célébré cette année les 50 ans du Summer of Love, cette période d’affirmations sociales, sexuelles et musicales, voici que Tobe Hooper décède. Drôle de hasard. En 1974, son film de tueur à la tronçonneuse a rappelé à de jeunes Américains tranquillement pacifistes, opposés à l’escalade militaire au Vietnam, à quel point la violence du monde se trouvait au coeur même de leur pays.
Le décès de Tobe Hooper, samedi en Californie d’une cause qui n’a pas été divulguée, suit d’un gros mois celui de George A. Romero, le 16 juillet dernier. Sale temps pour les conteurs d’épouvante. Une génération de cinéastes de l’horreur, plus ou moins indépendants par rapport aux studios, s’efface. Ils ont contribué à faire de l’épouvante un langage codé, même sophistiqué, en envisageant le tueur en série ou le zombie comme des métaphores d’une société qui s’effondre.
Poltergeist puis des séries télévisées
Tobe Hooper a commencé dans le cinéma avec un court métrage puis un film peu remarqué, avant de lancer au monde le fascinant Massacre à la tronçonneuse, inspiré par les crimes d’Ed Gein, lesquels avaient déjà soufflé l’idée de Psychose au romancier Robert Bloch.
Tobe Hooper a continué avec une adaptation courageuse de Salem’s Lot, de Stephen King. En 1982, couvé par Steven Spielberg, il livre Poltergeist, qui marquera une génération de futurs cinéphiles adeptes de frissons. Après Lifeforce, science-fiction un peu pataude avec Patrick Stewart et une Mathilda May dont le dénudement demeure le principal argument, Tobe Hooper s’est investi dans des projets télévisés, surtout des anthologies, dont Amazing Stories, Tales from the Crypt et Night Vision. Au début des années 2000, il est un invité discret du jeune Festival international du film de Neuchâtel, le NIFFF. Il connaît une forme d’hommage par sa contribution à la collection Masters of Horror, aussi évoquée au NIFFF ces années-là.
Chef-d’oeuvre
Reste la frayeur cathodique de Poltergeist, et l’horreur caniculaire de Massacre à la tronçonneuse. On aurait tort de fuir en raison de ce titre horrible et benêt, genre Le sadique des rayons de Hornbach. En VO, The Texas Chainsaw Massacre est tout aussi fragile, mais inscrit davantage l’oeuvre dans le fait divers réel qu’elle est censée raconter.
Il est question de l’effroyable mésaventure de cinq jeunes gens propres à ce temps-là, joyeux et légers, dans la touffeur du Texas. Leur rencontre d’un clan de déséquilibrés, leurs morts successives. C’est une histoire de famille malade, dans laquelle chaque membre — masculin — cherche à redoubler d’efforts dans la malfaisance.
Un conte contemporain, sur les atrocités cachées dans les régions les plus poussiéreuses du leader du monde libre, comme le pays se présentait alors. Certains cinéphiles américains soutiennent que Massacre… est le plus grand film de l’époque du Vietnam.
Deux ans après le glaçant La dernière maison sur la gauche, de Wes Craven, plus direct dans la représentation de la torture d’innocents, Tobe Hopper renchérissait. À les revoir aujourd’hui, admettons que le film de Wes Craven a bien vieilli.
Avec sa forme inédite, sa bande sonore stridente pour mieux appuyer l’écrasement caniculaire, et sa description d’un pays rongé de l’intérieur, Massacre à la tronçonneuse, lui, garde son inoubliable et radicale pertinence.