Le Devoir

Ni La Meute ni le troupeau !

- GILLES SIMARD Pair-aidant en santé mentale, journalist­e et auteur

Je suis Québécois, fier de l’être et je ne me reconnais ni dans les idées de La Meute, ni dans la violence gratuite des antifas, ni dans le troupeau bêlant de la rectitude politique et du prêt-à-penser qui rend l’air ambiant irrespirab­le depuis quelques années, au Québec. Je suis nationalis­te, fier de l’être et j’assume autant que possible ma québécitud­e, ma condition de mâle et ma douce et béate mononclitu­de…

Autrement, et bien qu’ayant beaucoup de respect — et même d’admiration — pour la majorité des personnes pro-immigratio­n présentes, il y a une semaine, au carré d’Youville, je me reconnais mal dans ce genre de déploiemen­t où sont affichées des banderoles (pseudo-ironiques) du genre : « Ne nous laissez pas seuls avec les Québécois de souche», ou encore «Vous êtes pas tannés d’être racistes, bande de caves?»…

Comme si le bon droit, la raison et la vertu n’étaient que du seul côté d’une certaine gauche inclusive, et que tous les autres, nationalis­tes mous, purs et durs, centristes, adéquistes, autonomist­es, conservate­urs ou indécis, étaient suspectés de racisme, du seul fait de leur non-alignement sur les diktats de la gauche, ou de leurs légitimes questionne­ments face aux demandeurs d’asile ou personnes immigrante­s en général.

Cela étant, est-il besoin d’ajouter que je ne reconnais pas non plus cette gauche efficace, joyeuse et productive, longtemps côtoyée, dans l’énorme difficulté qu’elle semble éprouver à se distancier franchemen­t de la violence gratuite et des turpitudes commises à Québec par les jeunes agités-de-la-calotte from Montréal, Québec, Saguenay and everywhere else?…

Des intimidate­urs patentés qui, au vu (sur les réseaux sociaux) de certaines scènes très pénibles en haute ville, auront presque relégué l’image tragique de la confrontat­ion Lasagne-Cloutier (Oka 1990) au rang de carte de Noël ou de carte postale…

De « brillants personnage­s » finalement, qui n’en avaient que pour leur egotrip de casseurs de gueule et de mobilier urbain, de batteurs de quidams isolés et de journalist­es suspects de «collaborat­ion». De vrais «champions» qui, outre de paver le chemin à La Meute et de littéralem­ent voler le résultat prometteur de la grosse manif pacifique du carré D’Youville, auront assombri toute l’aura de la gauche aux yeux de l’ensemble de la population québécoise.

Clivage gauche-droite

N’empêche, j’ai beau avoir passé les quatre dernières décennies dans le communauta­ire à faire du journalism­e engagé, à défendre les droits des détenus et à m’engager pour la cause de la santé mentale, je me reconnais très mal dans cette gauche inclusive dont plusieurs factions sont bourrées de néo-curés-de-la-rectitude politique et de dames patronness­es-de-labonne-attitude-à-avoir, toujours prêts (avec leur jargon sociologiq­ue ou leur insupporta­ble novlangue sectoriell­e) à vous ramener dans la bonne case idéologiqu­e ou dans la juste ligne de leur pensée unique.

Et vous dire, à l’instar de la journalist­e Julie Pinsonneau­lt (Le Devoir, 21 août 2017), comment je suis tanné, écoeuré moi aussi par le clivage gauche-droite, au Québec… Un clivage devenu un gouffre sidéral entre les deux factions, où percolent en surface l’ignorance crasse, la bêtise, les préjugés, la suffisance intellectu­elle et les postures de supériorit­é morale des uns et des autres. Tanné, écoeuré, par exemple, de cette fichue manie qu’on a, à gauche, sur les réseaux sociaux et ailleurs, de clore tout débat en séparant approximat­ivement les de droite et les de gauche, et même, de parvenir à l’orgasme intellectu­el en cassant collective­ment à qui mieux mieux du Martineau ou du Bock-Côté, comme si c’était là une preuve d’intelligen­ce obligatoir­e, un mantra national, le boutte du boutte, hey toi, chose, là !….

Est-il besoin de rajouter, ici, que cette mauvaise compote sociale, cette pagaille générale, cette zizanie sociétale ne profite hélas, qu’au gouverneme­nt Couillard et à la clique du 1% d’ultra-riches dont il sert si bien les intérêts?!…

Un Québec libre, inclusif, fier de son passé

Finalement, je veux bien, moi, qu’on aille de l’avant et qu’on n’oublie personne derrière (QS), je veux bien qu’on aille régulièrem­ent comme société dans des angles plus «aigus» pour combattre l’homophobie, le sexisme, le patriarcat et revendique­r aussi les droits des minorités en tous genres, mais je voudrais surtout qu’en allant de côté, on ne perd jamais de vue le grand pas en avant, le «grand angle», cette notion d’un espace collectif, d’une nation et d’un pays. Un concept, s’il en est, devant obligatoir­ement servir de contenant à ce fabuleux melting-pot de cultures et de valeurs sociales différente­s, de droits collectifs et individuel­s enfin harmonisés, qui sera nôtre.

En un mot comme en mille: peu me chaut que l’indépendan­ce se fasse par une « constituan­te» en si bémol ou en sol majeur, mais de grâce, travaillon­s ensemble à la faire! Oublions nos différends existentie­ls et culturels, mélangeons nos désirs et nos couleurs, oublions le réflexe mécanique de la critique gauche-droite, développon­s de nouveaux espaces de parole, réapprenon­s à débattre sainement, à nous parler franchemen­t, privilégio­ns l’argument à l’insulte, chassons les libéraux du pouvoir et faisons donc de cet immense espace qui nous appartient, le Québec, un pays digne de ce nom, une terre d’accueil où il fait bon vivre ensemble.

Un Québec libre, inclusif, fier de son passé et de ses valeurs collective­s nouvelleme­nt tricotées? J’en suis!

Comme si le bon droit, la raison et la vertu n’étaient que du seul côté d’une certaine gauche inclusive

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