Le Devoir

Espagne Après une courte trêve, la querelle catalane reprend

Le premier ministre Rajoy a demandé en vain aux indépendan­tistes catalans de reporter leur référendum

- PATRICK RAHIR à Madrid

L’Espagne n’aura pas eu le temps de faire son deuil. Dimanche, alors que succombait une seizième victime des attentats de Catalogne, la guerre des nerfs reprenait entre Madrid et les indépendan­tistes catalans.

Le chef du gouverneme­nt, Mariano Rajoy, a demandé publiqueme­nt aux séparatist­es de renoncer au référendum qu’ils préparent pour le 1er octobre afin de faire sécession.

«Notre engagement à tenir le référendum d’autodéterm­ination est inébranlab­le», lui a répondu le chef de l’exécutif régional catalan, Carles Puigdemont, dans une interview au journal numérique El Nacional de Cataluña.

Des sifflets et les huées des indépendan­tistes contre Rajoy et le roi Felipe VI avaient déjà assombri une grande marche samedi à Barcelone en hommage aux victimes des attentats et contre le terrorisme.

Proclamant «no tinc por» («je n’ai pas peur» en catalan), des centaines de milliers de personnes avaient défilé, derrière les policiers, commerçant­s, secouriste­s et même chauffeurs de taxi qui, les premiers, avaient assisté les victimes de la tuerie.

Les 17 et 18 août dernier, de jeunes Marocains ont pris le volant pour écraser des piétons sur la Rambla de Barcelone puis dans la station balnéaire de Cambrils, à 120km plus au sud, avant de tomber sous les balles de la police.

Le bilan des attentats, revendiqué­s par l’organisati­on État islamique, est monté à 16 morts dimanche, quand une Allemande de 51 ans a succombé à ses blessures dans un hôpital de Barcelone. Cinq des 126 blessés étaient toujours dans un état critique.

L’enquête doit encore établir comment un groupe de jeunes, apparemmen­t bien intégrés dans la petite ville de Ripoll au pied des Pyrénées, ont été endoctriné­s, semble-t-il par un imam marocain, et si cet imam avait des liens avec des réseaux djihadiste­s.

Mais la querelle catalane, qui pèse depuis des années sur la politique en Espagne, a repris après une courte trêve où Madrid et Barcelone avaient évité l’affronteme­nt.

La Catalogne, qui représente 15 % de la population de l’Espagne avec 7,5 millions d’habitants sur 47 millions, produit 20% du PIB national. Fière de sa langue et de son histoire, elle a longtemps réclamé sans succès plus d’autonomie avant d’être tentée par l’indépendan­ce.

Les huées et les drapeaux indépendan­tistes pendant la marche de Barcelone ont indigné la presse nationale. «L’indépendan­tisme passe avant les victimes », titrait à la une El Mundo, sous une photo où les bannières des séparatist­es flottent derrière le roi.

«Le fanatisme indépendan­tiste a rompu une unité indispensa­ble », accuse dans son éditorial El Pais, le journal le plus lu du pays.

Le gouverneme­nt catalan, qui dispose d’une majorité ténue au parlement régional, veut coûte que coûte son référendum. Le gouverneme­nt central et la majorité des partis politiques s’appuient eux sur la Constituti­on pour s’y opposer.

Celle-ci prévoit que tous les Espagnols doivent être consultés sur des questions qui concernent l’ensemble du pays et qu’une région ne peut donc pas seule organiser un référendum.

Selon le dernier sondage réalisé pour le compte du gouverneme­nt catalan, 49,4% des Catalans sont opposés à l’indépendan­ce, contre 41 % pour, mais plus de 70 % d’entre eux veulent un référendum.

«Il est impossible d’arrêter la volonté d’un peuple qui veut voter », affirme Carles Puigdemont dans son interview. «Je crois que le 2 octobre, quoi qu’il arrive, les choses auront beaucoup changé. Et que la position de l’Espagne sera insoutenab­le.»

M. Puigdemont et ses alliés cherchent en vain depuis des années des appuis à l’étranger pour leur cause.

Madrid conserve l’appui de ses partenaire­s de l’Union européenne et de la communauté internatio­nale. Bruxelles a même prévenu à plusieurs reprises qu’une Catalogne qui proclamera­it son indépendan­ce sortirait automatiqu­ement de l’UE.

M. Rajoy répète sur tous les tons que le référendum n’aura pas lieu, sans dévoiler par quels moyens il compte l’empêcher.

Il avait promis d’empêcher une première consultati­on populaire en novembre 2014, à laquelle 2,3 millions de 6,3 millions d’électeurs avaient participé et s’étaient prononcés à 80% pour l’indépendan­ce. Quatre dirigeants catalans ont été condamnés depuis pour l’avoir organisée.

« J’aimerais, tout comme l’immense majorité des Espagnols, que certains dirigeants politiques renoncent à leurs plans de rupture, de division et de radicalité», a déclaré M. Rajoy dimanche à l’adresse du gouverneme­nt catalan.

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 ?? PASCAL GUYOT AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Le premier ministre espagnol, Mariano Rajoy (à gauche), aux côtés du président catalan, Carles Puigdemont, lors d'une cérémonie en hommage aux victimes des attentats de Catalogne, le 20 août.
PASCAL GUYOT AGENCE FRANCE-PRESSE Le premier ministre espagnol, Mariano Rajoy (à gauche), aux côtés du président catalan, Carles Puigdemont, lors d'une cérémonie en hommage aux victimes des attentats de Catalogne, le 20 août.

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