Le Devoir

L’expulsion du chef d’une mission anticorrup­tion de l’ONU suspendue

-

Guatemala — La Cour constituti­onnelle du Guatemala, plus haute instance judiciaire du pays, a suspendu dimanche l’ordre du président, Jimmy Morales, d’expulser un magistrat colombien chargé d’une mission des Nations unies contre la corruption au sein de l’État guatémaltè­que.

«Cette cour accorde la protection provisoire sollicitée, et la décision du président de la République est laissée en suspens», a déclaré à des journalist­es Francisco de Mata, président de la Cour constituti­onnelle, à la suite d’un recours déposé contre l’expulsion d’Ivan Velasquez, qui avait réclamé la levée de l’immunité du chef de l’État guatémaltè­que.

Le magistrat colombien dirige la Commission internatio­nale contre l’impunité au Guatemala (CICIG), un organisme des Nations unies créé en 2006 pour éradiquer la corruption et les activités mafieuses au sein de l’État.

«Dans l’intérêt du peuple du Guatemala, du renforceme­nt de l’État de droit et des institutio­ns, je déclare M. Ivan Velasquez Gomez persona non grata. J’ordonne qu’il quitte immédiatem­ent la République du Guatemala », avait annoncé plus tôt dimanche M. Morales dans une brève vidéo diffusée sur les réseaux sociaux.

Vendredi, M. Velasquez et la procureure générale du Guatemala, Thelma Aldana, avaient entamé devant la Cour suprême une procédure de levée de l’immunité du président Morales, soupçonné de financemen­t illégal de sa campagne électorale en 2015.

M. De Mata a expliqué que le recours, qui met provisoire­ment un coup d’arrêt à l’expulsion, avait été déposé samedi à titre personnel par un avocat, Elvyn Diaz, et un simple citoyen, Alvaro Montenegro, qui avaient anticipé la décision du chef de l’État guatémaltè­que.

Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, s’est dit dimanche «choqué» par la décision de M. Morales, tout en renouvelan­t sa «pleine confiance» en M. Velasquez, selon un communiqué de l’ONU.

M. Velasquez «a travaillé sans relâche pour promouvoir une culture qui respecte l’état de droit et rejette la corruption », ajoute le communiqué, qui demande aux autorités du Guatemala de traiter le magistrat «avec le respect dû à ses fonctions de fonctionna­ire internatio­nal ».

Dans son message vidéo, le président guatémaltè­que a aussi annoncé le limogeage du ministre des Affaires étrangères, Carlos Raul Morales, qui, également vendredi, avait refusé d’exiger le départ d’Ivan Velasquez au cours d’un entretien à New York avec M. Guterres. À la suite de cette réunion, les Nations unies avaient annoncé dans un communiqué qu’elles maintenaie­nt leur confiance envers M. Velasquez.

En 2015, la CICIG et les autorités guatémaltè­ques avaient révélé un scandale de corruption au sein des douanes qui avait entraîné la démission puis l’incarcérat­ion du président de l’époque, Otto Perez, accusé d’être à la tête d’un réseau qui encaissait des potsde-vin pour fermer les yeux sur des fraudes fiscales.

Jimmy Morales, un ancien acteur comique novice en politique, avait gagné l’élection présidenti­elle anticipée qui avait suivi sur la promesse d’éradiquer la corruption, profitant de la colère populaire envers la classe politique traditionn­elle.

Newspapers in French

Newspapers from Canada