Quand l’amour balaie le puritanisme
Un film italien vraiment formidable atterrit au Festival international du film de Toronto (TIFF), après avoir conquis la presse et le public à Sundance. Call Me by Your Name est une histoire d’amour gai, d’amour tout court plutôt, réalisée avec une sensibilité et un tact exceptionnels par Luca Guadagnino et scénarisée par James Ivory — ce qui ne nuit pas —, d’après un roman d’André Aciman.
Tantôt en anglais, tantôt en italien, dans le cadre enchanteur d’une villa du nord de l’Italie en 1983, le film glisse. «Je ne voulais pas montrer des cartes postales, nous expliquait le cinéaste. La maison participe à une époque qui n’existe plus. Cette famille y vit peutêtre son dernier été.»
Place au séjour estival d’un bel étudiant américain (Armie Hammer) dans une famille italienne cultivée. Le fils adolescent, pianiste à la sexualité ambivalente (Timothée Chalamet), et le nouveau venu s’éprendront l’un de l’autre.
Film bertoluccien sur la transmission des héritages culturels, l’éducation, la beauté et le sens de la vie, on épluche Call Me by Your Name comme un oignon aux multiples couches de sens.
L’Américain Armie Hammer avouait avoir hésité avant d’accepter le rôle: «Je n’avais jamais eu à jouer sur un tel registre d’intimité. J’ai deux enfants, voyez-vous. Ça me rendait nerveux. J’avais peur de la nudité… Mais j’ai fait confiance à Luca pour me pousser sur des terres inédites. Cette oeuvre ensoleille votre esprit. »
Le cinéaste semblait irrité par ces réticences autour des scènes érotiques. « On parle de jeu d’acteurs. Pourquoi en être embarrassé?»
Timothée Chalamet abondait dans le même sens: « Les scènes d’amour n’étaient pas traitées différemment des autres. On voulait juste faire un bon film.» Mais le puritanisme américain s’insinue partout.
Le cinéaste précisait avoir situé l’action en 1983, plutôt qu’en 1988 comme le voulait le roman, afin de se coller aux premières années du règne de Reagan aux États-Unis. «La moralité polluait les relations humaines. On en paie encore le prix.»
Pur film gai, ce Call Me by Your Name ? «Je suis européen, répond Luca Guadagnino. Le cinéma américain est issu du film de genre. Pas le nôtre. Nous n’avons pas ce besoin d’entrer dans une case, seulement celui de raconter une histoire le mieux possible. C’est un film gai, parce qu’il y a des rapports amoureux homosexuels, mais il est bisexuel aussi. Et qu’importe?»
Une scène clé de Call Me by Your Name a frappé tout le monde par sa dimension supérieure de respect et d’humanité. Le père conseille à son ado de suivre sa voie comme il l’entend et d’être fier de cette histoire d’amour, laissant planer des regrets sur ses propres choix passés.
«“J’aurais aimé que mon père me parle ainsi”, nous disaient des gens de l’audience à Sundance », révélait Chalamet.
« Le plus grand message du film en est un d’acceptation de soi, renchérissait Armie Hammer. Ce dialogue du père va changer pour toujours ma façon de communiquer avec mes enfants. »
Le Toledano-Nakache fait saliver…
Hélas, je n’ai pu voir, conflit d’horaire oblige, que la première demi-heure de C’est la vie !, du tandem français Toledano-Nakache, cinéastes d’Intouchables, qui clôturera le TIFF. C’était si drôle et bien torché, avec des personnages si bien colorés que cette comédie s’annonce comme un grand coup. Jean-Pierre Bacri bougonne à fond en tyran planificateur de fêtes de mariage et Gilles Lellouche râle de concert en musicien lors d’une union bourgeoise dans un château qui ressemble à celui de Moulinsart. Suzanne Clément est de la fête. Odile Tremblay est à Toronto à l’invitation du festival.