Voyage dans notre passé horticole avec Pierre Bourque
Passionné, l’ex-maire de Montréal a su s’entourer pour réaliser des projets marquants
Directeur du Jardin botanique de Montréal de 1980 à 1994 et maire de la métropole de 1994 à 2001, Pierre Bourque a eu une influence importante sur le développement de l’horticulture chez nous. Les grands projets qu’il a réalisés avec ses équipes ont dynamisé le milieu et ont donné le goût aux Québécois de jardiner, d’embellir leur environnement. D’Expo 67 au Jardin botanique, en passant par Les Floralies, il a marqué l’histoire horticole du Québec. Petit retour dans le passé en sa compagnie.
L’Exposition universelle
Tout commence en 1961, quand il travaille sur la maladie hollandaise de l’orme à la Ville de Montréal, me raconte-t-il, assis sur un banc du Jardin japonais, en attendant le début de la Cérémonie de la paix à la mémoire d’Hiroshima. Comme les connaissances sur cette maladie sont alors embryonnaires, J. J. Dumont, ingénieur forestier à la Ville, lui recommande de poursuivre ses études dans le domaine. Il part donc étudier pendant quatre ans en Belgique, à Vilvoorde, d’où il revient ingénieur horticole.
À son retour en 1965, les travaux pour l’Exposition universelle (qui fête ses 50 ans cette année) débutent. «Toutes les plantes venaient de l’Ontario et l’essentiel des travaux était réalisé par des entrepreneurs. Personne au Québec ne pouvait assumer l’entretien des aménagements et les compléter», se souvient-il. C’est pourquoi, à seulement 23 ans, il se retrouve responsable de ce chantier, qui à son apogée, en 1967, engageait environ 700 hommes.
«C’était une période d’abondance financière. On avait des horaires de travail de jour, de soir et de nuit pour l’entretien. L’Expo a favorisé l’émergence d’entreprises horticoles, comme la Pépinière Cramer [qui fête aussi ses 50 ans] », me raconte M. Bourque, expliquant s’être senti au paradis là-bas !
Dès 1965, Émile Jacqmain, avec qui il a étudié en Belgique, vient le rejoindre. Il le suivra au Jardin botanique, où il deviendra son bras droit.
Les années du Jardin
Déjà, à l’époque d’Expo 67, Pierre Bourque avait des liens avec le Jardin botanique, car il relevait de son directeur, Yves Desmarais. Ce dernier l’envoya y travailler en 1969. À l’époque, le Jardin était archaïque, et Pierre Bourque n’était pas particulièrement enthousiasmé par cette mutation. Il imposa donc une condition: y amener avec lui son équipe, ce que la direction accepta.
« Par chance, explique-t-il, l’Institut de technologie agricole et l’École d’architecture de paysage, d’où sortaient tout un lot de jeunes diplômés dynamiques, ont été créés à cette période. » Fait peu connu: plus de 45 architectes paysagistes ont contribué aux différents jardins du Jardin botanique. Malheureusement, leurs noms sont rarement mis en avant.
Pierre Bourque a d’ailleurs enseigné à l’École d’architecture de paysage. L’éducation a toujours été une priorité pour l’ancien maire. C’est pourquoi, en 1975, il a apporté son appui et participé à la création des Amis du Jardin botanique.
De nombreuses anecdotes sur cette époque lui reviennent à l’esprit lors de notre rencontre. «Au début, on faisait tout. On collait même les timbres sur les enveloppes», se remémore-t-il en riant. Il me raconte également, avec un sourire aux lèvres, que, lors des pourparlers pour la réalisation du Jardin de Chine, les Chinois ont exigé que leur jardin ait la même surface que celui du Japon et qu’il soit à distance de marche pour les visiteurs.
«La réalisation de la Roseraie, celle du Jardin de Chine et celle du Jardin japonais ont été des événements-clés. Ces secteurs ont fait du Jardin botanique un joyau, ce qui a justifié l’arrivée d’une tarification pour le public», souligne-t-il.
À quelques pas du Jardin botanique, le Biodôme, qui connaît toujours un grand succès, est une autre réussite de Pierre Bourque.
Les Floralies
Jusqu’aux années 1970, le jardinage était surtout l’affaire des anglophones au Québec. Les Floralies internationales de 1980 au parc JeanDrapeau ont permis aux francophones de la province de découvrir l’horticulture. Cet événement leur a donné la piqûre du jardinage.
«Cet événement a amené l’industrie horticole européenne ici: les Français, les Anglais, les Italiens, les Belges… Ils ne venaient pas ici pour nos beaux yeux, leurs objectifs étaient commerciaux. Ils venaient récupérer un marché. Aussi, c’était la première fois que la Chine amenait cette industrie en Occident. Elle avait d’abord refusé, mais le maire Jean Drapeau a réussi à convaincre Huang Hua, le ministre des Affaires étrangères de l’époque, qu’il connaissait. Le pays a alors apporté 300 pengjings de Shanghai, qu’il a donnés par la suite au Jardin botanique», se souvient Pierre Bourque.
Les Floralies auront également servi de monnaie d’échange entre le maire Drapeau et son futur successeur pour la fondation d’une école d’horticulture au Jardin botanique. «Je réalisais Les Floralies, il me donnait l’école, telle était l’entente. Toutefois, 15 minutes avant l’inauguration, le pacte est tombé », relate-t-il. L’école a tout de même vu le jour par la suite.
Horticulteur en chef
Dans les années 1980, M. Bourque était directeur du Jardin botanique, mais aussi horticulteur en chef de la Ville de Montréal. Les liens entre le Jardin et la Ville étaient étroits, confie-t-il.
«De nombreuses actions datant de cette période sont à la base de la ville verte d’aujourd’hui: les places au soleil, les jardins communautaires, le fleurissement des artères commerciales, des places publiques, la création des écoquartiers, des plantations massives d’arbres, le concours Villes et villages fleuris au provincial [maintenant Les Fleurons], etc. Pour réaliser tous ces projets, j’allais chercher les meilleurs candidats dans les écoles à travers le Québec. J’ai toujours été proche du monde horticole. Je connaissais les producteurs. Je connaissais le ministre de l’Agriculture, M. Garon.»
Durant son mandat au Jardin botanique, Pierre Bourque a notamment soutenu le développement du parc Marie-Victorin à Kingsey Falls et la création du Jardin botanique au Nouveau-Brunswick.
«À travers tout cela, c’est surtout le talent d’hommes et de femmes de qualité qui a permis la réalisation de ses nombreux projets », conclut-il.
lgobeille@ledevoir.com