Front commun pour qu’Ottawa et Québec aident l’industrie culturelle
Les signaux envoyés par les gouvernements inquiètent les joueurs du milieu de la culture et des communications
L’attente passive n’est plus une option : Québec et Ottawa doivent agir dès maintenant pour aider l’industrie de la culture et des communications à traverser la violente crise qui affecte tous ses intervenants, plaide une nouvelle coalition aux allures de front commun culturel.
Dans son Manifeste pour la pérennité et le rayonnement de la culture et des médias nationaux à l’ère numérique, qui sera lancé aujourd’hui, jeudi, mais dont Le Devoir a obtenu copie, les signataires pressent les deux ordres de gouvernement à « prendre leurs responsabilités».
«Nous nous unissons pour demander d’une seule voix [qu’ils] interviennent sans tarder afin de solidifier les assises de notre écosystème culturel et médiatique» qui génère 3,3% du PIB national, lit-on dans le document.
La liste des signataires compte plusieurs des grands joueurs impliqués au Québec et au Canada, tous horizons confondus: regroupements d’auteurs, de réalisateurs, de techniciens, de musiciens, de documentaristes, de journalistes, de libraires; sociétés de gestion de droits, centrales syndicales, Union des artistes, etc. Une « coalition sans précédent », soutient celle-ci.
Les critiques et recommandations faites sont loin d’être inédites, mais elles sont lancées dans un contexte particulier: celui de l’annonce imminente des orientations de la nouvelle politique culturelle fédérale, du réexamen de la Loi sur le droit d’auteur prévu en novembre et de la révision en cours de la politique culturelle du Québec.
Mais n’arrivent-elles pas un peu tard? À cet égard, une source au sein de la naissance de la coalition indique qu’il s’agit d’une sorte de cri du coeur de dernier recours. «Tout le monde a participé aux différentes consultations et proposé des solutions. Mais personne n’a l’impression, aujourd’hui, de savoir précisément vers où les gouvernements s’en vont. Tout demeure très flou. Alors on a senti le besoin de réitérer des principes importants.»
Faire payer le GAFA
Les signataires demandent notamment que les géants du Web — Google, Apple, Facebook, Amazon, Netflix, Spotify et autres, parfois appelés «GAFA» — soient soumis «aux mêmes règles que les entreprises québécoises et canadiennes en matière de fiscalité, de taxation et de réglementation », ce qui n’est pas le cas actuellement.
Le manifeste soulève aussi que les «fournisseurs d’accès Internet et les fabricants d’appareils électroniques donnent accès à la musique, aux productions audiovisuelles et aux livres numériques sans contribuer à financer la création dont ils tirent profit».
Ainsi, dans l’état actuel des choses, ce ne sont plus les «créateurs, producteurs, éditeurs et diffuseurs qui récoltent les gains reliés aux productions dans lesquelles ils ont investi, mais de nouveaux intermédiaires de l’ère numérique qui n’ont aucune obligation par rapport au financement du contenu et à sa diffusion», déplorent les signataires.
La coalition demande ainsi aux gouvernements de ne pas renier la « philosophie d’intervention qui a permis le développement de notre culture et de nos médias». «La réglementation doit aussi être étendue à toutes les entreprises offrant des produits culturels ou d’information au Canada grâce à Internet», précise-t-on.
À cet égard, le gouvernement fédéral — qui a le réel pouvoir d’action en ce sens — n’a jamais donné de signe d’ouverture. Il y a exactement un an, Ottawa lançait son vaste chantier de consultation sur sa politique culturelle en disant que tout était sur la table… sauf l’idée d’imposer des quotas de production locale aux multinationales de la Silicon Valley.
Puis, en juin, le premier ministre Justin Trudeau rejetait pour sa part une proposition de taxation pour les fournisseurs d’Internet haute vitesse — sorte d’équivalent à la taxe de 5% que paient les télédiffuseurs pour financer le Fonds des médias du Canada.
Dans le manifeste, les signataires font donc valoir qu’il «faut éviter de céder à la tentation de déréglementer: notre identité nationale et notre souveraineté culturelle en dépendent».
La coalition prévient également les gouvernements qu’il est «illusoire» de se fier « uniquement sur l’exportation et les coproductions» pour assurer le maintien de centaines de milliers d’emplois. La vitalité de l’industrie vient d’abord de celle de la scène nationale, rappelle-t-on.