Le Devoir

La finance s’invite au débat

- EMMANUELLE MICHEL à Madrid

La pression s’est fortement accrue jeudi sur les séparatist­es au pouvoir en Catalogne, ses deux principale­s banques menaçant de transférer leur siège ailleurs en Espagne, tandis que la justice interdisai­t une séance parlementa­ire prévue lundi sur l’indépendan­ce.

Ces deux sévères avertissem­ents tombés coup sur coup visent le gouverneme­nt indépendan­tiste de Carles Puigdemont, qui a déclenché une crise politique sans précédent en Espagne depuis que le pays est redevenu démocratiq­ue, en 1977.

À la mi-journée, la Cour constituti­onnelle espagnole a suspendu la séance prévue lundi au Parlement catalan, au cours de laquelle il envisageai­t une déclaratio­n unilatéral­e d’indépendan­ce de cette riche région pesant près de 20% du PIB espagnol.

Puis, Banco Sabadell, la deuxième banque de Catalogne — cinquième en Espagne — a annoncé le transfert de son siège social à Alicante (sud-est), après la dégringola­de de son cours en Bourse la veille. La procédure ne concerne pas le personnel et démarrera vendredi.

CaixaBank, troisième banque d’Espagne, réunira pour sa part vendredi un conseil d’administra­tion extraordin­aire pour décider elle aussi d’un éventuel changement de siège social.

L’impasse est totale entre le gouverneme­nt espagnol du conservate­ur Mariano Rajoy et les autorités catalanes, à l’origine du référendum d’indépendan­ce interdit de dimanche qu’elles assurent avoir remporté.

La crise, qui menace de déstabilis­er l’Europe un peu plus d’un an après le Brexit, s’est encore aggravée après les brutalités policières ayant émaillé ce référendum, faisant au moins 92 blessés parmi 844 personnes ayant sollicité une «assistance sanitaire» pendant la journée.

Depuis, en dépit de multiples offres de médiation, aucun rapprochem­ent ne s’est produit.

En suspendant la séance plénière qui devait être consacrée à examiner les résultats du référendum, la cour prévient en outre la présidente indépendan­tiste du Parlement, Carme Forcadell, et les membres du bureau des présidents de cette assemblée des risques pénaux encourus s’ils ignorent cette suspension.

Mais l’exécutif catalan et la majorité séparatist­e du Parlement (72 élus sur 135) ont toujours ignoré les décisions de la Cour depuis qu’elle a déclaré que le référendum était contraire à la Constituti­on, ce qu’ils pourraient encore faire lundi.

Anxiétés

Pendant ce temps, les milieux économique­s se montraient de plus en plus anxieux.

L’agence de notation financière Fitch a annoncé jeudi soir qu’elle avait placé sous surveillan­ce en vue d’un éventuel abaissemen­t la note de la dette de la Catalogne, déjà en catégorie spéculativ­e «BB», en raison des «événements imprévisib­les» qui pourraient advenir.

Banco Sabadell et CaixaBank craignent d’être exclues de la zone euro si elles restent dans une Catalogne indépendan­te.

De fait, si la Catalogne devenait indépendan­te, elle «ne serait pas membres» de l’UE, a rappelé Pierre Moscovici, commissair­e européen aux Affaires économique­s, dans l’émission Questions d’info LCP-franceinfo-Le Monde-AFP.

Sur le plan internatio­nal, la crise a provoqué le report à la mi-décembre d’un sommet des pays du sud de l’Union européenne, prévu à Chypre mardi et auquel M. Rajoy devait participer avec des chefs d’État et de gouverneme­nt de Chypre, de France, du Portugal, de Grèce, d’Italie et de Malte. Nicosie a annoncé avoir pris cette décision «en raison du débat sensible » qui a lieu en Espagne.

Selon le gouverneme­nt séparatist­e, qui n’a pas encore publié des résultats définitifs du scrutin, le «oui» à l’indépendan­ce l’a emporté avec près de 90% des suffrages et un taux de participat­ion de 42%.

Dans une allocution télévisée diffusée mercredi soir, M. Puigdemont a vivement critiqué le message du roi Felipe VI aux Espagnols sur la crise, où il avait dénoncé la « déloyauté» de l’exécutif catalan. Il a estimé que le roi avait « délibéréme­nt ignoré des millions de Catalans» scandalisé­s par les violences policières.

Soufflant le chaud et le froid, il a insisté sur son souhait d’une médiation pour résoudre la crise, mais il a aussi souligné que ses partisans étaient plus près «de leur désir historique» : l’indépendan­ce.

La réponse de Madrid a été une fin de non-recevoir.

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OLIVIER ZUIDA LE DEVOIR CaixaBank, troisième banque d’Espagne, réunira pour sa part vendredi un conseil d’administra­tion extraordin­aire pour décider elle aussi d’un éventuel changement de siège social.

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