La finance s’invite au débat
La pression s’est fortement accrue jeudi sur les séparatistes au pouvoir en Catalogne, ses deux principales banques menaçant de transférer leur siège ailleurs en Espagne, tandis que la justice interdisait une séance parlementaire prévue lundi sur l’indépendance.
Ces deux sévères avertissements tombés coup sur coup visent le gouvernement indépendantiste de Carles Puigdemont, qui a déclenché une crise politique sans précédent en Espagne depuis que le pays est redevenu démocratique, en 1977.
À la mi-journée, la Cour constitutionnelle espagnole a suspendu la séance prévue lundi au Parlement catalan, au cours de laquelle il envisageait une déclaration unilatérale d’indépendance de cette riche région pesant près de 20% du PIB espagnol.
Puis, Banco Sabadell, la deuxième banque de Catalogne — cinquième en Espagne — a annoncé le transfert de son siège social à Alicante (sud-est), après la dégringolade de son cours en Bourse la veille. La procédure ne concerne pas le personnel et démarrera vendredi.
CaixaBank, troisième banque d’Espagne, réunira pour sa part vendredi un conseil d’administration extraordinaire pour décider elle aussi d’un éventuel changement de siège social.
L’impasse est totale entre le gouvernement espagnol du conservateur Mariano Rajoy et les autorités catalanes, à l’origine du référendum d’indépendance interdit de dimanche qu’elles assurent avoir remporté.
La crise, qui menace de déstabiliser l’Europe un peu plus d’un an après le Brexit, s’est encore aggravée après les brutalités policières ayant émaillé ce référendum, faisant au moins 92 blessés parmi 844 personnes ayant sollicité une «assistance sanitaire» pendant la journée.
Depuis, en dépit de multiples offres de médiation, aucun rapprochement ne s’est produit.
En suspendant la séance plénière qui devait être consacrée à examiner les résultats du référendum, la cour prévient en outre la présidente indépendantiste du Parlement, Carme Forcadell, et les membres du bureau des présidents de cette assemblée des risques pénaux encourus s’ils ignorent cette suspension.
Mais l’exécutif catalan et la majorité séparatiste du Parlement (72 élus sur 135) ont toujours ignoré les décisions de la Cour depuis qu’elle a déclaré que le référendum était contraire à la Constitution, ce qu’ils pourraient encore faire lundi.
Anxiétés
Pendant ce temps, les milieux économiques se montraient de plus en plus anxieux.
L’agence de notation financière Fitch a annoncé jeudi soir qu’elle avait placé sous surveillance en vue d’un éventuel abaissement la note de la dette de la Catalogne, déjà en catégorie spéculative «BB», en raison des «événements imprévisibles» qui pourraient advenir.
Banco Sabadell et CaixaBank craignent d’être exclues de la zone euro si elles restent dans une Catalogne indépendante.
De fait, si la Catalogne devenait indépendante, elle «ne serait pas membres» de l’UE, a rappelé Pierre Moscovici, commissaire européen aux Affaires économiques, dans l’émission Questions d’info LCP-franceinfo-Le Monde-AFP.
Sur le plan international, la crise a provoqué le report à la mi-décembre d’un sommet des pays du sud de l’Union européenne, prévu à Chypre mardi et auquel M. Rajoy devait participer avec des chefs d’État et de gouvernement de Chypre, de France, du Portugal, de Grèce, d’Italie et de Malte. Nicosie a annoncé avoir pris cette décision «en raison du débat sensible » qui a lieu en Espagne.
Selon le gouvernement séparatiste, qui n’a pas encore publié des résultats définitifs du scrutin, le «oui» à l’indépendance l’a emporté avec près de 90% des suffrages et un taux de participation de 42%.
Dans une allocution télévisée diffusée mercredi soir, M. Puigdemont a vivement critiqué le message du roi Felipe VI aux Espagnols sur la crise, où il avait dénoncé la « déloyauté» de l’exécutif catalan. Il a estimé que le roi avait « délibérément ignoré des millions de Catalans» scandalisés par les violences policières.
Soufflant le chaud et le froid, il a insisté sur son souhait d’une médiation pour résoudre la crise, mais il a aussi souligné que ses partisans étaient plus près «de leur désir historique» : l’indépendance.
La réponse de Madrid a été une fin de non-recevoir.