Le Devoir

Trudeau rejette le blâme des conservate­urs

Le marché a changé, plaide le gouverneme­nt ; le résultat de politiques désastreus­es, dit l’opposition officielle

- MARIE VASTEL Correspond­ante parlementa­ire à Ottawa

«Triste journée », ont déploré les conservate­urs. «Belle journée», ont clamé les bloquistes. Le gouverneme­nt libéral, lui, a expliqué l’abandon de l’oléoduc Énergie Est comme une simple décision d’affaires, lui permettant du coup de se laver les mains de la responsabi­lité de l’annulation de ce projet controvers­é.

Si TransCanad­a a renoncé à construire un oléoduc de l’Alberta vers le Nouveau-Brunswick, c’est parce que le marché a changé. « TransCanad­a a pris une décision commercial­e basée sur les conditions du marché », a martelé le premier ministre Justin Trudeau aux Communes.

Ainsi, fait-on remarquer, le prix du pétrole a baissé — le baril de brut se vendait 105$US lorsque le projet d’Énergie Est a été lancé en 2013 et il oscille aujourd’hui autour de 50$US. De plus, les capacités de transport ont augmenté, a fait valoir le gouverneme­nt, en citant l’expansion du pipeline TransMount­ain sur la côte ouest, le remplaceme­nt de la ligne 3 vers le Wisconsin et le projet Keystone XL qui a été approuvé par Donald Trump, mais qui est toujours en attente d’autres autorisati­ons aux États-Unis.

Rien à voir, donc, avec le processus d’évaluation environnem­entale d’Ottawa pour ce genre de projets énergétiqu­es, a insisté à son tour le ministre des Ressources naturelles, Jim Carr.

Or TransCanad­a a indiqué qu’il avait pris sa décision à la suite d’«une analyse approfondi­e des nouvelles exigences» de l’Office national de l’énergie. Ce qui fait dire aux conservate­urs que l’abandon d’Énergie Est n’était pas « une décision soudaine» de la pétrolière mais plutôt «le résultat de politiques énergétiqu­es désastreus­es» du gouverneme­nt Trudeau. En janvier 2016, les libéraux ont modifié le processus d’évaluation environnem­entale pour notamment tenir compte des émissions de gaz à effet de serre en amont. Une nouvelle condition imposée aux pétrolière­s canadienne­s, mais pas aux étrangères, comme celles de l’Arabie saoudite ou du Venezuela qui exportent leur pétrole au Canada, ont dénoncé les conservate­urs.

«En changeant en cours de route les règles, M. Trudeau établit un double standard : très sévère pour le pétrole canadien, mais on ferme les yeux envers le pétrole étranger», a critiqué le député Gérard Deltell, qui a présenté son parti comme le seul qui défende les emplois et les entreprise­s du secteur énergétiqu­e. M. Deltell est même allé jusqu’à inviter TransCanad­a à tenter à nouveau sa chance le jour où les conservate­urs formeraien­t le gouverneme­nt.

Le ministre Carr a cependant vivement rejeté les reproches de ses rivaux, rappelant que les projets de Trans Mountain et de la ligne 3 avaient été approuvés par l’ONE et le fédéral en vertu des nouvelles règles de 2016. «Rien n’a changé depuis qu’on a annoncé ces principes et approuvé deux projets d’infrastruc­ture majeurs.»

L’annonce n’a pas fait que des malheureux à Ottawa, le bloquiste Luc Thériault saluant une victoire «pour ceux qui se sont mobilisés et qui ont cru à la démocratie participat­ive et à la mobilisati­on citoyenne».

Le néodémocra­te Guy Caron croit aussi que TransCanad­a s’est résigné faute d’acceptabil­ité sociale de son projet. Mais le parti s’est montré archi-timide, jeudi, en refusant de donner son opinion sur cette décision pour se contenter de constater lui aussi une «décision d’affaires».

Pour sa part, la première ministre albertaine, Rachel Notley, s’est dite «extrêmemen­t déçue » de l’abandon du projet, qui aurait « bénéficié à tout le Canada ». Elle a toutefois appelé l’ONE à offrir une meilleure prévisibil­ité des règles d’évaluation environnem­entale.

Son homologue néo-brunswicko­is Brian Gallant était tout aussi désolé. Mais il y voit également une décision d’affaires avant tout, car ses multiples conversati­ons avec le gouverneme­nt Trudeau — de qui il est très proche — l’avaient porté à croire, dit-il, que le projet serait approuvé.

«Ce projet n’obtenait pas la note de passage du point de vue économique, social, environnem­ental et de la sécurité publique Denis Coderre, maire de Montréal «Nous comprenons l’importance d’assurer l’acceptabil­ité sociale et la viabilité sur le plan environnem­ental, mais nous devons collective­ment tirer des leçons sévères de cet échec Yves-Thomas Dorval, Conseil du patronat du Québec

 ?? JASON FRANSON LA PRESSE CANADIENNE ?? Les capacités de transport du pétrole de l’Alberta ont augmenté: expansion du pipeline Trans Mountain, remplaceme­nt de la ligne 3 vers le Wisconsin, et le projet Keystone XL, qui a l’appui du président américain, Donald Trump.
JASON FRANSON LA PRESSE CANADIENNE Les capacités de transport du pétrole de l’Alberta ont augmenté: expansion du pipeline Trans Mountain, remplaceme­nt de la ligne 3 vers le Wisconsin, et le projet Keystone XL, qui a l’appui du président américain, Donald Trump.

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