Le Devoir

Le chercheur engagé par l’organisme religieux La Sortie défend son indépendan­ce

- JESSICA NADEAU

Le chercheur Éric Latimer, qui mène un projet de recherche sur la prostituti­on pour le compte de La Sortie, prend ses distances par rapport à l’organisme de bienfaisan­ce et défend la totale indépendan­ce de son équipe.

« Nous n’appuyons pas et nous ne cherchons absolument pas à valider l’approche de La Sortie, affirme le chercheur Éric Latimer, en entrevue au Devoir jeudi. J’avance dans la perspectiv­e que nous allons avoir une approche qui peut clairement se distinguer de celle de La Sortie et que notre rapport va être clairement distinct des orientatio­ns de La Sortie.»

Ce dernier réagissait à l’article publié jeudi dans Le Devoir à propos de La Sortie, un organisme de bienfaisan­ce fondé en 2013 par un pasteur et quelques fidèles de l’église évangélist­e Catch the Fire, qui a reçu une subvention de 180 000 $ du gouverneme­nt fédéral pour élaborer un modèle d’hébergemen­t à l’échelle du Québec pour les jeunes femmes qui souhaitent quitter la prostituti­on.

Des critiques se sont élevées sur le manque d’expérience de La Sortie, son approche et ses liens avec l’église, ce à quoi le directeur général de La Sortie, Ronald Lepage, répondait que «La Sortie n’est pas une mission religieuse, mais un projet séculier».

Mais le chercheur Éric Latimer, engagé pour mener la recherche sur le besoin des prostituée­s — un contrat de 25 000 $ sur les 180 000$ reçus par La Sortie pour élaborer le modèle — a néanmoins cru nécessaire de protéger son équipe. Et ce, même s’il est convaincu que les gens derrière ce projet sont de bonne volonté et qu’ils n’ont aucune intention de faire du prosélytis­me.

«Disons que les enjeux autour de ça [le fait que plusieurs des administra­teurs et employés de La Sortie sont liés à l’église évangélist­e Catch the Fire] n’étaient pas totalement clairs au début […] Mais assez rapidement, c’est devenu assez clair que La Sortie était un organisme religieux et qu’il y avait une motivation religieuse derrière son projet. […] Le caractère pentecôtis­te, qui peut en effrayer certains, a soulevé chez nous certains feux jaunes, et c’est pour ça que j’ai insisté pour avoir une entente signée qui assure notre indépendan­ce. »

«Un malaise»

Le chercheur affirme avoir un « malaise » avec le fait d’être associé au projet plus large d’hébergemen­t mené par La Sortie et avoue avoir rencontré des réticences de la part de certains organismes du milieu, dont Stella, qui milite pour le droit des femmes.

«J’ai considéré ne pas aller de l’avant avec le projet, surtout après ma rencontre avec Stella, mais j’en ai discuté avec mon équipe et on est d’accord que c’est un sujet suffisamme­nt important et [qu’il faut saisir] l’occasion d’intervenir.»

Le directeur général Ronald Lepage répond avoir toujours eu la volonté de donner carte blanche au chercheur et dit comprendre les craintes de celui-ci.

«Je comprends qu’il peut avoir des préoccupat­ions, mais on va le rassurer avec le temps, on n’est pas inquiet. Certains nous prêtent des intentions, ça peut soulever des inquiétude­s, mais peu importe les mots que nous allons dire, c’est le temps qui va démontrer qu’ils peuvent faire confiance à notre organisme et qu’on a de bonnes intentions. »

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