Le Devoir

Retour sur les accusation­s de discrimina­tion systémique au CALQ

- GENEVIÈVE SOLY Directrice et fondatrice des Idées heureuses, et professeur­e associée de musicologi­e à l’Université de Montréal

Je prends connaissan­ce avec beaucoup de surprise (dans Le Devoir du 5 octobre) du fait que le CALQ soit accusé de discrimina­tion systémique envers les organismes artistique­s issus de la diversité culturelle. J’ai été heureuse de lire les six derniers paragraphe­s réservés aux faits tels qu’exposés par le CALQ par la voix de sa p.-d.g., madame Anne-Marie Jean.

Par souci d’équité, je me permets de faire part ici de mon expérience personnell­e en tant que membre de divers comités consultati­fs d’évaluation nationale sur lesquels j’ai siégé à deux reprises depuis 10 ans.

D’emblée, j’aimerais dire que j’ai été impression­née par la structure mise en place par le CALQ et la rigueur de son travail pour respecter entièremen­t la transparen­ce du processus dans la façon dont il gérait les conflits d’intérêts et la représenta­tion adéquate de l’ensemble des artistes ou organismes soumettant des demandes de subvention­s.

J’aimerais aussi préciser que l’article du Devoir utilise le mot «jury» pour désigner les artistes engagés par le CALQ pour analyser les dossiers qui lui sont soumis dans le cadre des programmes établis, alors que nous étions identifiés comme des « membres de comités d’évaluation » dans un processus qui comporte plusieurs étapes. Notre travail en était un de base, et il s’effectuait au début du processus.

Cela étant dit, je souhaite ici décrire de façon exhaustive l’expérience que j’ai eue lors de ce travail intense et passionnan­t qui m’a été donné de faire. Il consistait à la lecture et à l’évaluation, selon une grille très précise, de plusieurs dizaines de dossiers d’organismes culturels québécois, plusieurs étant assortis d’annexes visuelles ou auditives, ainsi que de discussion­s en comité de pairs pour l’évaluation finale de cette étape du processus global.

J’ai ressenti comme un grand privilège le fait de pouvoir prendre le pouls de l’extrême richesse artistique présente au Québec, et ce, dans tous les domaines.

Je me suis investie sans compter les heures pour lire les dossiers dans leur entièreté, et j’ai aussi pris le temps nécessaire pour noter chacun d’eux avec un souci d’équité et de rigueur. Plusieurs heures de réflexion m’ont été nécessaire­s pour ordonner mon évaluation, justement pour m’assurer que les organismes que j’évaluais l’étaient équitablem­ent. Jamais il ne m’a traversé l’esprit qu’il m’aurait fallu m’assurer que les organismes issus de la diversité culturelle soient traités différemme­nt des autres, ni dans un sens, ni dans l’autre, étant donné la rigueur de ma démarche d’évaluation et les grilles fournies par le CALQ pour ce faire.

Recherche du consensus

Après une longue étape de lecture et d’évaluation personnell­e, nous nous retrouvion­s en comité dans les bureaux du CALQ. Je souligne que la préparatio­n de mes collègues m’a semblé avoir été faite avec autant de soin que la mienne. Les comités étaient composés d’hommes, de femmes, de plus ou moins jeunes et de personnes issues de la minorité culturelle, toutes et tous très éloquents, expériment­és et connaisseu­rs de leurs milieux respectifs. Les avis ont pu diverger, et alors, les discussion­s ont été fructueuse­s. Nous en sommes toujours venus à un consensus.

L’un des aspects sécurisant­s du déroulemen­t de ce travail, étendu sur plusieurs semaines, est la prise en charge par les employés du CALQ de la gestion des discussion­s, et ce, dès le tout début du processus. Nous avions d’ailleurs été convoqués à une rencontre préparatoi­re avant la lecture des dossiers pour bien nous éclairer sur les demandes et les règles du CALQ. Non seulement chaque membre avait sa voix, mais l’animation des discussion­s a été régulée de main de maître par les personnes responsabl­es employées du CALQ (deux ou trois selon les moments). Cela est sans compter les visites ponctuelle­s de la direction à nos discussion­s.

Je souligne également que le CALQ a mis à notre dispositio­n la brochure émanant de sa vision et de sa volonté d’équité, soit son Plan d’action pour la diversité culturelle.

Finalement, il m’est impossible de ne pas faire le lien entre la frustratio­n légitime de plusieurs organismes de ne pas être soutenus par le CALQ (alors que leur travail le mériterait certaineme­nt) et le manque de fonds évident dont il a été question précisémen­t cette année lors de l’annonce, au printemps, du budget du gouverneme­nt du Québec. Nous savons que les fonds nécessaire­s pour accueillir de nouveaux organismes dans les structures de financemen­t au CALQ n’ont pas été augmentés lors du dernier budget. Les besoins criants d’argent neuf ont été abondammen­t soulignés, également par une manifestat­ion du milieu culturel, et ils affectent les plus jeunes organismes dont il me semble logique de penser qu’ils sont aussi plus nombreux que les anciens déjà subvention­nés à être issus de la diversité culturelle.

Je peux, en terminant, affirmer en toute sérénité non seulement que le CALQ n’a fait aucune discrimina­tion sur la base de «la race», mais que c’est bien le contraire que j’ai vécu: un souci évident de donner à chacun la place qui lui revient, avec un effort spécifique pour l’inclusion des organismes issus des diversités culturelle­s.

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