Une néophyte dans la mêlée numérique. L’éditorial de Robert Dutrisac.
La nouvelle ministre de la Culture et des Communications, Marie Montpetit, arrive à un moment où son gouvernement doit arrêter une nouvelle politique culturelle alors que l’économie numérique met à mal bien des pans entiers de la culture québécoise et qu’Ottawa planche sur un inquiétant bouleversement des règles du jeu qui risquent de favoriser les géants américains. Toute une commande pour une néophyte.
Luc Fortin, le prédécesseur de Marie Montpetit, a procédé à des consultations qui ont abouti, en juin, à un projet de politique culturelle. Le milieu culturel a loué les qualités d’écoute du ministre, mais le projet restait vague sur les transformations induites par l’économie numérique et sur les moyens à prendre pour y faire face. Un forum national doit se tenir à l’automne, forum qui doit mener à la rédaction de la nouvelle politique. Reconnu pour sa placidité, voire son effacement, Luc Fortin a surpris la galerie quand il a exprimé sa «colère» envers Ottawa, qui a « abdiqué » devant Netflix au regard de la production de contenu original en français. Grâce à cette seule conférence de presse, le ministre s’est fait un nom en montrant qu’il pouvait faire preuve de fermeté et de cohérence face à une Mélanie Joly qui ne cesse d’envelopper sa vacuité d’une indicible logorrhée.
C’est donc à Marie Montpetit — plutôt qu’à Isabelle Melançon, que l’expérience désignait pour ce poste et que le premier ministre a placée au ministère du Développement durable et de l’Environnement — que reviendra la tâche de dissiper le flou du projet de politique culturelle, notamment en matière d’économie numérique. La concurrence de Netflix et des GAFA de ce monde (Google, Apple, Facebook et Amazon) se fait lourdement sentir. Les télédiffuseurs, les médias et la musique d’ici écopent. Le gouvernement Couillard n’a pas avancé de solutions claires à une situation qui ne fait que s’aggraver.
Il faut dire à sa décharge que les grandes décisions qui modèleront l’environnement dans lequel évolueront les entreprises culturelles et ses artisans en cette ère numérique sont du ressort du gouvernement fédéral. Philippe Couillard s’en accommode, lui qui refuse de réclamer toutes les compétences en matière de culture, comme l’ont fait Robert Bourassa et Jean Charest. Il défend la forte présence d’Ottawa en culture parce que le Québec reçoit 35 % des dépenses fédérales en matière de culture alors qu’il compte pour 23% de la population canadienne. «Le Québec est maître d’oeuvre de sa politique culturelle », soutient par contre le premier ministre.
Philippe Couillard parle comme si les grandes décisions que doit prendre Ottawa — les révisions de la Loi sur le droit d’auteur, de la Loi sur la radiodiffusion, de la Loi sur les télécommunications et du mandat du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) — n’auront aucun impact sur la politique culturelle du Québec et sur le sort qui attend les créateurs québécois.
Marie Montpetit n’aura sans doute pas le temps de faire sa marque d’ici les prochaines élections, dans moins d’un an. C’est sans doute ce qu’attend d’elle Philippe Couillard, qui, vantant le statu quo, ne répugne pas à se soumettre à la volonté d’Ottawa. En cette période incertaine, il reviendra au milieu culturel de se mobiliser.