Couillard enfourche le cheval identitaire
Les identités nationales s’expriment dans les plus grands ensembles, dit-il
Àmoins d’un an des élections générales, le premier ministre Philippe Couillard place la question identitaire au coeur de ses préoccupations.
«Notre monde vit une période de changements profonds. [C’est] une transformation de la société si rapide qu’elle a le potentiel de nous déstabiliser», a-t-il déclaré sans ambages lors d’une allocution devant le Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM) vendredi.
Il craint que ce « tumulte » suscite une polarisation socioéconomique — entre gagnants et perdants de la révolution technologique — suivie d’une polarisation géographique — entre les habitants des grandes villes et ceux des régions. Dans ces circonstances, la tentation «des peuples […] de se replier sur l’univers faussement rassurant du protectionnisme» est forte, a souligné M. Couillard, en pleine renégociation de l’ALENA.
Le repli économique mène immanquablement à une troisième polarisation : la polarisation identitaire, a-t-il averti, citant librement un texte d’Hakim el Karoui. Les « expressions extrêmes» de la polarisation identitaire sont l’«extrémisme religieux et ses violences totalitaires » d’une part, ainsi que «le racisme et l’exclusion » d’autre part. « Comme deux scorpions dans une bouteille, [elles] se nourrissent l’une de l’autre», a-t-il fait remarquer devant un auditoire de quelque 700 personnes issues de différents horizons. «Cela signifie-t-il que la question identitaire ne peut, ou ne doit pas être soulevée? a par la suite demandé M. Couillard. Bien sûr que non.»
«Au Québec, en Catalogne, en Écosse et ailleurs nos peuples revendiquent fortement l’expression de leurs identités nationales à l’intérieur d’États ou d’organisations de plus grande taille: le Canada, l’Espagne, le RoyaumeUni », a dit le premier ministre dans une salle du Fairmont Le Reine Elizabeth. «La coexistence de ces deux sentiments est une des clés menant à un monde plus pacifique. Chez nous, l’identification au Québec et l’appartenance canadienne », a-t-il plaidé tout en brandissant la Politique d’affirmation du Québec et de relations canadiennes.
M. Couillard a affiché son parti pris en faveur du fédéralisme. À ses yeux, il s’agit de «la façon la plus moderne de faire coexister les peuples», à condition de leur permettre d’«exprimer» et de «vivre leur identité propre, avec les outils pour le faire ». D’ailleurs, le premier ministre a réitéré la nécessité de tenir des discussions constitutionnelles ici au Canada, «au moment où les chances de succès seront très élevées », afin de non seulement reconnaître la nation québécoise dans la Constitution, mais également la diversité collective. «La quête autochtone de reconnaissance de la diversité collective est aussi nécessaire que l’est pour les Québécois la reconnaissance de notre Nation », a-t-il soutenu, avant d’ajouter: «Les deux doivent aller de pair. En fait, chacune de ces quêtes doit pouvoir s’appuyer sur l’autre. »
M. Couillard comptait au moins un allié dans la salle: Raymond Chrétien. Le diplomate a appelé à la correction de cette «grave lacune» : l’absence de la signature du Québec au bas de la Loi constitutionnelle de 1982. « C’est seulement à ce moment-là que la nation québécoise — nation de plus en plus arc-en-ciel, comme le disait l’expression célèbre de Nelson Mandela — sera en paix avec elle-même et avec le monde », a-t-il déclaré.