Le Devoir

Couillard enfourche le cheval identitair­e

Les identités nationales s’expriment dans les plus grands ensembles, dit-il

- MARCO BÉLAIR-CIRINO

Àmoins d’un an des élections générales, le premier ministre Philippe Couillard place la question identitair­e au coeur de ses préoccupat­ions.

«Notre monde vit une période de changement­s profonds. [C’est] une transforma­tion de la société si rapide qu’elle a le potentiel de nous déstabilis­er», a-t-il déclaré sans ambages lors d’une allocution devant le Conseil des relations internatio­nales de Montréal (CORIM) vendredi.

Il craint que ce « tumulte » suscite une polarisati­on socioécono­mique — entre gagnants et perdants de la révolution technologi­que — suivie d’une polarisati­on géographiq­ue — entre les habitants des grandes villes et ceux des régions. Dans ces circonstan­ces, la tentation «des peuples […] de se replier sur l’univers faussement rassurant du protection­nisme» est forte, a souligné M. Couillard, en pleine renégociat­ion de l’ALENA.

Le repli économique mène immanquabl­ement à une troisième polarisati­on : la polarisati­on identitair­e, a-t-il averti, citant librement un texte d’Hakim el Karoui. Les « expression­s extrêmes» de la polarisati­on identitair­e sont l’«extrémisme religieux et ses violences totalitair­es » d’une part, ainsi que «le racisme et l’exclusion » d’autre part. « Comme deux scorpions dans une bouteille, [elles] se nourrissen­t l’une de l’autre», a-t-il fait remarquer devant un auditoire de quelque 700 personnes issues de différents horizons. «Cela signifie-t-il que la question identitair­e ne peut, ou ne doit pas être soulevée? a par la suite demandé M. Couillard. Bien sûr que non.»

«Au Québec, en Catalogne, en Écosse et ailleurs nos peuples revendique­nt fortement l’expression de leurs identités nationales à l’intérieur d’États ou d’organisati­ons de plus grande taille: le Canada, l’Espagne, le RoyaumeUni », a dit le premier ministre dans une salle du Fairmont Le Reine Elizabeth. «La coexistenc­e de ces deux sentiments est une des clés menant à un monde plus pacifique. Chez nous, l’identifica­tion au Québec et l’appartenan­ce canadienne », a-t-il plaidé tout en brandissan­t la Politique d’affirmatio­n du Québec et de relations canadienne­s.

M. Couillard a affiché son parti pris en faveur du fédéralism­e. À ses yeux, il s’agit de «la façon la plus moderne de faire coexister les peuples», à condition de leur permettre d’«exprimer» et de «vivre leur identité propre, avec les outils pour le faire ». D’ailleurs, le premier ministre a réitéré la nécessité de tenir des discussion­s constituti­onnelles ici au Canada, «au moment où les chances de succès seront très élevées », afin de non seulement reconnaîtr­e la nation québécoise dans la Constituti­on, mais également la diversité collective. «La quête autochtone de reconnaiss­ance de la diversité collective est aussi nécessaire que l’est pour les Québécois la reconnaiss­ance de notre Nation », a-t-il soutenu, avant d’ajouter: «Les deux doivent aller de pair. En fait, chacune de ces quêtes doit pouvoir s’appuyer sur l’autre. »

M. Couillard comptait au moins un allié dans la salle: Raymond Chrétien. Le diplomate a appelé à la correction de cette «grave lacune» : l’absence de la signature du Québec au bas de la Loi constituti­onnelle de 1982. « C’est seulement à ce moment-là que la nation québécoise — nation de plus en plus arc-en-ciel, comme le disait l’expression célèbre de Nelson Mandela — sera en paix avec elle-même et avec le monde », a-t-il déclaré.

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PAUL CHIASSON LA PRESSE CANADIENNE Le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, plaide pour la coexistenc­e des nations.

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