Le Devoir

Maladie d’Alzheimer : le rôle de l’ARN découvert à McGill

- MIRIANE DEMERS-LEMAY

Des chercheurs de l’Université McGill mettent en lumière un nouveau mécanisme cellulaire associé à la maladie d’Alzheimer. Une découverte qui ouvre d’autres perspectiv­es de recherche pour l’élaboratio­n de nouveaux traitement­s.

Au cours des dernières années, les chercheurs ont associé la maladie d’Alzheimer à l’accumulati­on dans le cerveau de protéines — le peptide bêta-amyloïde et la protéine tau — dans le cerveau. «Mais personne n’avait encore pensé au rôle de l’ARN», dit Rached Alkallas, étudiant à la maîtrise en génomique humaine à l’Université McGill.

L’ARN constitue l’intermédia­ire entre l’ADN et la machinerie cellulaire responsabl­e de la fabricatio­n des protéines. Or, plusieurs de ces protéines sont impliquées dans les connexions entre les neurones.

Dans une étude publiée vendredi dans la revue Nature Communicat­ions, des chercheurs de l’Université McGill observent que l’ARN se dégrade beaucoup plus rapidement chez les patients atteints d’Alzheimer que chez les personnes saines. De même, la protéine RBFOX1, qui protège et stabilise l’ARN, est moins abondante dans les neurones des patients atteints d’Alzheimer.

Or, s’il y a moins d’ARN, il y a moins de protéines disponible­s pour les connexions entre les neurones. Les connexions neuronales étant moins efficaces, les fonctions cognitives peuvent

être altérées, ce qui correspond effectivem­ent aux symptômes de cette maladie complexe et multifacto­rielle.

« Ce résultat nous donne une autre pièce nous permettant de comprendre davantage ce cassetête qu’est la maladie d’Alzheimer », commente l’un des chercheurs de l’étude, Hamed S. Najafabadi. «Lorsque le casse-tête sera complet, il sera plus facile de développer des traitement­s qui ciblent spécifique­ment les causes de la maladie.» À noter qu’il n’y a, actuelleme­nt, aucun traitement curatif pour la maladie d’Alzheimer.

Plusieurs questions demeurent, selon les chercheurs. «La dégradatio­n de l’ARN est-elle une cause ou un symptôme de la maladie?» se questionne M. Alkallas.

«Comment peut-on réguler l’ARN? ajoute M. Najafabadi. Pourquoi la protéine RBFOX1 est-elle moins abondante chez les patients atteints? La formation des plaques amyloïdes estelle, par réactions en chaîne, impliquée dans la réduction de l’abondance de RBFOX1?»

Malgré ce champ de recherche prometteur, l’équipe de M. Najafabadi s’intéresse à présent à une autre problémati­que.

De fait, l’ARN serait non seulement associé à la maladie d’Alzheimer, mais probableme­nt aussi… au cancer. Le chercheur explique que des gènes spécifique­s protègent les cellules contre le cancer, tandis que d’autres favorisent le développem­ent de la maladie.

Or, il semble que l’ARN des gènes «protecteur­s» a une dégradatio­n plus rapide chez les cellules cancéreuse­s que chez les cellules saines, tandis que l’ARN des gènes «dangereux » se dégrade plus lentement que prévu. Un dossier à suivre…

«Ce résultat nous donne une autre pièce permettant de comprendre davantage ce casse-tête qu’est la maladie d’Alzheimer » Hamed S. Najafabadi, chercheur à l’Université McGill

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