L’ombre de Vaillancourt plane sur la campagne
Les opposants du maire Demers ne croient pas que tout le ménage a été fait
En 2013, les Lavallois ont confié à l’ex-policier Marc Demers le mandat de faire le ménage à l’Hôtel de Ville de Laval, après les scandales de l’ère Gilles Vaillancourt. Quatre ans plus tard, le maire sortant tente de se faire réélire en affirmant qu’il a relevé le défi, mais ses opposants lui reprochent de perpétuer certaines pratiques de son prédécesseur déchu. Qui dit vrai?
Pour certains, ce chantier du boulevard Lévesque Ouest, en bordure de la rivière des Prairies, est en quelque sorte devenu le symbole de l’héritage de l’ex-maire Gilles Vaillancourt. Selon l’opposition, la tour d’habitation haute de 26 étages qui doit être érigée ici rappelle le développement immobilier effréné sous le règne de l’ancien roi de Laval et met en évidence le «laxisme» du maire sortant.
Ce projet sème la controverse parce que la tour excédera la limite de 15 étages fixée par l’administration du maire Marc Demers dans un règlement adopté en mars dernier. La demande de permis du promoteur a été déposée avant l’adoption des nouvelles règles, laissant le champ libre à la construction. Et les candidats à la mairie qui affronteront M. Demers le 5 novembre prochain ne le digèrent pas.
Doutes soulevés
«Il y a quatre ans, Marc Demers a dit qu’il allait protéger les berges. Qu’il n’y aurait plus de grosses tours à Laval, rappelle le candidat d’Action Laval, Jean-Claude Gobé, qui a terminé deuxième lors de l’élection de 2013. Quand il s’est fait élire, il a dit : “C’est fini, l’ère Vaillancourt, je vais tout nettoyer.” Mais il ne l’a pas fait. » Il exige pour sa part un moratoire sur les demandes de permis ne respectant pas les nouvelles règles.
Michel Trottier, ce conseiller municipal élu en 2013 comme indépendant qui est aujourd’hui à la tête du Parti Laval, critique quant à lui le manque de transparence du maire dans ce dossier. «Il aurait dû dire qu’il y avait des projets en cours [au moment d’annoncer un nouveau règlement]. Ça aurait évité le doute des citoyens, qui se disent encore une fois “Il s’est caché quelque chose”. »
«Pour les 20 prochaines années, les règles sont très claires, la champleure est fermée, répond Marc Demers. Entre-temps, on ne peut pas refuser un permis demandé avant qu’on dépose notre règlement, c’est la loi qui le dit.»
Et s’il n’a pas agi plus tôt, c’est qu’il voulait consulter les citoyens avant d’adopter un nouveau schéma d’aménagement. «C’est notre façon de faire, on consulte les gens», glisse-t-il.
Ménage terminé?
Ce débat sur le développement immobilier est à l’image d’une campagne électorale où la question de l’intégrité prend encore une fois beaucoup de place. Lorsque Marc Demers est entré en poste en 2013, la Ville de Laval était sous tutelle et tout le monde se demandait si la troisième plus grande ville du Québec parviendrait à tourner la page sur deux décennies de corruption.
«Du côté administratif, le travail a été fait pour que Laval soit une ville saine. Il n’y a plus de corruption. Le problème, c’est qu’au niveau politique, on n’a pas fait le pas», soutient M. Trottier.
M. Gobé et lui critiquent le maire sortant pour des décisions jugées unilatérales et des nominations qu’ils qualifient de partisanes. Comme l’histoire de ce fonds de 10 millions de dollars financé par l’argent récupéré de la corruption, qui sera géré par un comité dont les membres ont été choisis par les élus de l’administration Demers. «Il a nommé ses copains et ses copines pour faire des annonces électoralistes», s’indigne M. Gobé.
Le maire Demers, lui, ne voit pas matière à critiques. « Il faut en prendre et en laisser de la part de l’opposition.»
Il est surtout convaincu que le ménage a été fait, comme promis, et que son administration «a mis fin au désordre».
Approches différentes
Un total de sept candidats sont en lice pour obtenir le siège de maire à Laval, mais MM. Demers, Gobé et Trottier semblent avantagés en raison de leur représentation parmi les élus du conseil municipal actuel. Les trois hommes ont des préoccupations communes en ce qui concerne le transport ou les services aux citoyens, mais à leur rencontre, on constate rapidement que les approches diffèrent.
Jean-Claude Gobé, 68 ans, cumule 40 ans d’expérience politique sur la scène provinciale et fédérale, mais il assure qu’il a encore « beaucoup à apporter à la société». Il veut dynamiser l’économie de Laval et mieux desservir la population.
Michel Trottier se présente plutôt comme un politicien de terrain, avant tout préoccupé par l’environnement et la participation citoyenne.
Et Marc Demers, lui, croit que son bilan parle de luimême. «On a donné une direction à la ville. On a mis en branle plusieurs chantiers qui sont des réalisations à venir, dit-il. Donc si vous pensez que nous sommes dans la bonne direction, donnez-nous le mandat de poursuivre le travail. »