Le Devoir

La French Touch selon Carla Bruni

La chanteuse franco-italienne présente son cinquième album, de reprises anglophone­s cette fois

- PHILIPPE RENAUD

Carla Bruni est en campagne promotionn­elle depuis plusieurs jours pour présenter son cinquième album, French Touch, collection de reprises de succès anglophone­s apprêtés à sa suave manière, avec une touche de strass, gracieuset­é de l’omni-réalisateu­r-arrangeur David Foster. New York il y a quelques jours, Montréal jeudi et vendredi, puis retour sur Paris, où ça se poursuit jusqu’au début de sa nouvelle tournée, dès novembre, la première en cinq ans. Et elle le sait, les questions n’auront pas toutes à voir avec son métier d’artiste: « Je pense que je suis davantage invitée par rapport à ma vie tout entière plutôt que seulement pour ma musique», concède l’ex-«première dame» de la République.

Une première question musicale pour briser la glace: est-ce plus facile de défendre un album de reprises qu’un album de compositio­ns originales comme Little French Songs (en français), votre précédent paru en 2013? « Non, laisse-t-elle doucement tomber. Mais je trouve que ce n’est jamais vraiment nécessaire de “défendre” un disque, car les disques ne sont jamais attaqués. Oh! ils peuvent être critiqués, c’est normal, mais attaqués? Non. Ce n’est pas une loi politique ou une réforme sociale ni une opinion polémique. C’est juste un disque. »

La question politique

C’est dans le ton. Dans ses phrases prudentes. Ça ne fait pas cinq minutes que nous sommes assis en tête à tête, dans la chambre d’hôtel, qu’elle attend déjà la question politique. Ne la faisons pas languir. Madame, vos chansons originales, vos mots, vos mélodies se prêtent à l’analyse, alors qu’avec un album de reprises, on vous demande simplement de justifier vos choix… Par exemple, votre reprise jazzfolk de Highway to Hell du groupe rock AC/DC, c’est clairement une allusion au programme d’Emmanuel Macron?

Elle éclate de rire: «Ah! Quelle imaginatio­n! J’adore. Vous savez ce que je crois que c’est, Highway to Hell ? Une réponse au hard rock de mon époque, celui de Led Zeppelin. Une réponse à Stairway to Heaven .»

Les autres chansons choisies pour cet album paraissent un peu plus près de ses racines musicales. Miss You, des Stones, en ouverture du disque, bien tournée. Stand By Your Man, Moon River, des classiques. Tiens, du The Clash (Jimmy Jazz) et Depeche Mode (Enjoy the Silence). A Perfect Day de Lou Reed, à l’interpréta­tion juste, mais aux arrangemen­ts bal musette en sourdine qui ne marchent pas tout à fait. Le tempo de sa version du classique Crazy, popularisé­e par Patsy Cline, mais ici interprété­e en duo avec son auteur, Willie Nelson, est charmant. «Vous savez où j’ai trouvé ce tempo? Sur l’album que Neil Young a enregistré dans une cabine téléphoniq­ue» — A Letter Home, 2014. «On a un peu copié son rythme…»

Plus tôt cette semaine, dans les quotidiens new-yorkais et les talk-shows matinaux, on lui demandait de prodiguer des conseils à la First Lady, Melania Trump, une fonction qui, incidemmen­t, a fait les manchettes en France, alors que le président Macron désirait l’inscrire à la Constituti­on pour « clarifier » le rôle.

«En France, toutes les épouses du président de la République ont trouvé leurs marques assez naturellem­ent, souvent dans le travail humanitair­e, pour la plupart», estime Carla Bruni-Sarkozy, qui fut «première dame» de 2008 à 2012, période durant laquelle elle s’est occupée de sa fondation destinée à promouvoir la culture et l’éducation. «C’est la partie la plus intéressan­te de cette fonction, pouvoir aider beaucoup de gens. En ce qui concerne la clarificat­ion [proposée par Macron], c’est toujours bien d’essayer de clarifier, mais ça ne correspond pas à notre pays, qui a un rapport assez monarchiqu­e à la politique, au fond. Un pays où l’opacité est plus coutumière que la clarté.»

«Cela dit, je vais vous dire un truc: mon mari a fait entrer la Cour des comptes dans tous les ministères de la République, abonde-t-elle. À partir du moment où la CDC est entrée dans la politique, je pense que la clarificat­ion a fait un pas en avant. Et ça, c’était en 2007. Je pense que le président Macron a voulu faire un pas de plus. C’est bien, mais ça ne m’étonne pas que ça ait fait polémique, puisqu’en France, les gens ne tiennent compte que de la personne élue, le président. »

Celle qui assure ne pas avoir une grande expérience politique ajoute n’avoir aujourd’hui, en tant qu’artiste disposant d’une importante tribune, «aucun devoir, aucune responsabi­lité [d’engagement social] ».

La chanteuse franco-italienne sera en concer t au Théâtre Olympia en février.

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR Carla Bruni est en tournée de promotion pour son nouvel album. Elle parle aussi de politique...

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