Le Devoir

Ou comment attirer un médecin dans sa communauté

- STÉPHANE GAGNÉ

En 1995, la coopérativ­e de solidarité santé Les grès était inaugurée à Saint-Étienne-des-Grès. Une première au Québec. À l’époque, il s’agissait d’une nouvelle façon de dispenser des soins de première ligne. La formule s’est par la suite popularisé­e, si bien que l’on compte aujourd’hui 52 de ces établissem­ents, qui desservent 185 000 patients.

Panique! Le seul médecin en exercice dans une petite ville prend sa retraite. Vite, les citoyens se mobilisent pour en trouver un autre. Mais comment l’attirer? La solution: créer une coopérativ­e de santé où le médecin pourra exercer sa profession dans un cadre de collaborat­ion et de solidarité.

Créer une coopérativ­e exige toutefois une mobilisati­on importante de la part des citoyens. Ils doivent au départ trouver un local, l’aménager, l’équiper en matériel médical, puis faire venir un médecin et une équipe de profession­nels en santé prêts à exercer dans leur communauté. Tout cela réclame du temps et des investisse­ments. On y parvient par le biais de contributi­ons de citoyens qui adhèrent au projet. Contributi­ons qui sont variables selon les coopérativ­es.

Ainsi, à la Coop santé Eastman et les environs, un paiement de cinq parts de qualificat­ion de dix dollars chacune, soit un total de 50$ par adulte, est exigé, ainsi qu’une contributi­on annuelle de 125$ par famille et de 5,21$ par enfant, pour les deux premiers enfants d’une même famille. Mais ailleurs, la contributi­on est parfois plus basse. Ainsi, à la Coopérativ­e solidarité santé ValMorin, chaque famille doit s’acquitter de huit parts de qualificat­ion — soit 80$ — et de 27$ de contributi­on annuelle.

Un accès privilégié au médecin?

Au début des années 2010, le paiement de ces montants a suscité la controvers­e, car dans plusieurs coops, il fallait être membre et payer sa contributi­on annuelle pour avoir accès à un médecin. Cela contrevena­it à l’esprit de la Loi sur l’assurance-maladie, qui exige un accès gratuit aux soins de santé. La Régie de l’assurance-maladie avait donc enquêté et exigé des correctifs.

«Depuis, il n’est plus nécessaire d’être membre pour avoir accès à un médecin d’une coopérativ­e », assure Benoit Caron, directeur général de la Fédération des coopérativ­es de santé du Québec, une nouvelle associatio­n issue de la Fédération des coopérativ­es de services à domicile et de santé du Québec (FCSDSQ). Il précise que la part de qualificat­ion et la contributi­on servent uniquement à couvrir les frais de fonctionne­ment de l’établissem­ent, mais qu’il n’est plus obligatoir­e de s’en acquitter pour avoir la chance de consulter un médecin.

Mais selon Isabelle Leblanc, présidente de Médecins québécois pour un réseau public (MQRP), bien que plusieurs coops affirment que ces paiements sont une contributi­on volontaire et ne sont pas une condition pour avoir accès à un médecin, cela demeure difficile à vérifier.

Des projets fragiles

Selon Paul Lévesque, directeur des affaires publiques à la Fédération des coopérativ­es de santé, le développem­ent des coops est plutôt lent et a connu des hauts et des bas au fil des années. C’est d’ailleurs l’une des raisons ayant mené à la création de la Fédération des coopérativ­es de santé du Québec, il y a quelques semaines. Un projet de Constituti­on est en cours de préparatio­n, la Fédération n’ayant notamment pas encore son propre site Internet. «Nous souhaitons ainsi encourager et consolider le développem­ent», indique M. Lévesque.

Créer une coopérativ­e exige une bonne dose de patience et d’énergie, parfois sans résultat. Le cas du projet avorté de Pointe-au-Père l’illustre bien. En 1996, les citoyens décident de créer une coop, projet appuyé par la municipali­té. Commencent alors de longues démarches pour trouver des médecins. En 2000, deux d’entre eux se disent intéressés, mais ils se désistent avant même son ouverture. Un an plus tard, de guerre lasse, les citoyens impliqués abandonnen­t le projet.

Uniquement dans les régions mal desservies?

Selon Benoit Caron, la difficulté de créer une coop fait en sorte qu’on ne les trouve que dans des régions où les services de santé de première ligne font défaut. Cela est vrai dans la majorité des cas, mais il existe, semble-t-il, des exceptions. Le site de la FCSDSQ fait état de la présence de ce type d’établissem­ents à La Prairie, à Saint-Jérôme, à Québec et même au coeur de Montréal, dans le quartier Rosemont. Des endroits où les soins de première ligne sont loin d’être les plus déficients à l’échelle de la province.

Créer une coopérativ­e exige une mobilisati­on importante de la part des citoyens

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