S. Suraniti L’huile d’olive et la torche olympique signée Michel Dallaire
Une histoire colorée de frites !
«S’il n’y a pas de surprise, il n’y a pas de séduction. Et s’il n’y a pas de séduction, il n’y a pas de vente. Faire comme les autres n’est pas compliqué, c’est faire autrement qui l’est ! » répète en entrevue le designer industriel Michel Dallaire, dont la fin d’année s’annonce très tapis rouge avec la sortie, ces joursci, d’un livre retraçant sa carrière, suivie d’une exposition en décembre. Surprendre. Comme avec ces histoires de création plutôt culinaires…
On comprend pourquoi les Grecs et tous les autres pays méditerranéens avaient été enthousiastes lorsque la torche olympique créée par Michel Dallaire pour les Jeux olympiques de Montréal, en 1976, leur fut dévoilée (le maire Jean Drapeau l’étant beaucoup moins, lui qui s’attendait à quelque chose de convenu) : le designer québécois y avait mis de l’huile d’olive comme combustible !
D’accord, cette huile de compétition ne sera jamais servie dans une salade, car deux hydrocarbures (heptane et nitropropane) ont été ajoutés pour la rendre beaucoup plus volatile, mais l’histoire est tout de même partie de la cuisine. Sur la table de travail du designer, des torches provenant d’un peu partout et une indigestion d’esquisses. Aucun frisson créatif, rien qui allume notre designer. Quoique.
En observant, dans un documentaire, ces athlètes courir à Munich, le concepteur remarque que la flamme allemande fonctionnant au butane est invisible le jour, sa couleur bleutée se confondant avec celle du ciel. «J’ai alors décidé que la flamme de ma future torche serait photogénique. Voir la flamme! Pour moi, c’était ça, le symbole. La torche étant l’outil pour la transporter.» Une photo de la Grèce antique, où une dame tient une branche avec un tortis de feuilles trempé dans de la paraffine, inspire Michel Dallaire.
Qui repense alors à ses grosses quenouilles arrachées sur le bord des routes et auxquelles il mettait le feu, plus jeune, avec ses amis. Sa torche en aluminium usiné aura donc cette forme droite et compacte, tels ces gros joncs, avec une série de trous façon fourneau (pour éviter que la flamme atteigne les cheveux des porteurs).
Quant à la couleur orangée de la flamme, visible à l’écran même en plein jour, elle lui vient d’un souvenir qui remonte à la surface, période préadolescente. « J’avais mis des frites mouillées dans un bain d’huile d’olive chaude. Ça avait explosé! Une belle grosse boule de feu!» Et la flamme fut torche.
Le yogourt et la cacahuète
Pour cet objet, «c’était d’abord une question de préhension, car des enfants se saisissent de ces pots avec leurs petites mains et les personnes âgées qui font de l’arthrite ont aussi une prise particulière». Ainsi, plutôt que le gros pot conique, circulaire dont on ne peut pas faire le tour avec la main, Michel Dallaire souhaitait une prise plus agréable et bidirectionnelle.
D’où son idée de créer une base de pot en forme de cacahuète avec un couvercle oblong. Outre la prise en main facilitée, lorsqu’on place tous ces contenants peanut sur les tablettes, ils font face aux consommateurs avec une image bien alignée, contrairement aux pots circulaires qu’il faut faire pivoter légèrement, l’un après l’autre. Autant d’attributs qui rendent design un objet de consommation courante.
Le pot de yogourt signé Michel Dallaire fut-il un succès immédiat? Oui! Car le public y a trouvé un réel plaisir visuel et tactile, une surprise de forme. «D’autant plus qu’un pot de 650g, c’est lourd! Mais parfois, le poids ajoute au plaisir.» Plaisir à regarder, à toucher, à sentir (la senteur du matériau)… «Je suis à la recherche du plaisir de tous les sens, tout le temps!»
Parmi les centaines de créations signées Michel Dallaire, certaines relèvent de l’alimentaire. Il y eut le pot de yogourt pour Aliments Ultima (marque Iögo) en 2005, toujours sur les tablettes, et surtout des objets culinaires, comme un ensemble de quatre pièces pour le barbecue (1986), le caquelon à fondue Abénakis (1990) et la vaisselle pour la classe affaires d’Air Canada (2003).
Mais, comme le précise «monsieur Vélo» (une étiquette professionnelle qui lui colle au veston à la suite de sa création Bixi) du haut de ses 75 ans, il n’a jamais eu d’approche stratégique. «En fait, j’ai répondu au hasard des commandes. D’où la grande diversité dans ma production. Des produits de consommation, des objets scientifiques, des moyens de transport… À un moment donné, on fait oeuvre dans un domaine, on réussit, et tout à coup on est sollicité pour ce même domaine. C’est cyclique. » Un prochain cycle Dallaire en alimentaire, ce serait bien, non?
Note. Une causerie avec le designer aura lieu le samedi 4 novembre à 14h, autour de son livre Michel Dallaire, de l’idée à l’objet, à la librairie Monet, 2752, rue de Salaberry à Montréal.