Le Devoir

Watergate confidenti­el

L’adaptation des mémoires de Mark « Deep Throat » Felt donne un film étonnammen­t ennuyeux

- FRANÇOIS LÉVESQUE

MARK FELT: THE MAN WHO BROUGHT DOWN THE WHITE HOUSE (V.O.)

Drame historique de Peter Landesman. Avec Liam Neeson, Diane Lane, Marton Csokas, Tony Goldwyn, Josh Lucas, Bruce Greenwood, Michael C. Hall. États-Unis, 2017, 103 minutes.

«Rien ni personne ne peut stopper une enquête du FBI. Pas même le FBI.» Directeur associé du Bureau fédéral d’investigat­ion, Mark Felt aurait adressé ces paroles à ses troupes alors que la MaisonBlan­che cherchait à couper court à leur enquête sur le scandale du Watergate. De tels propos, inspirés et héroïques, le film Mark Felt: The Man Who Brought Down the White House en regorge. Le principal intéressé, qui a affirmé être à l’origine des fuites médiatique­s qui, à terme, eurent raison du président Richard Nixon, y est mythifié. Au point où on en perd de vue un récit passionnan­t, relégué en toile de fond.

Ancien journalist­e d’enquête, Peter Landesman a déjà tâté, comme réalisateu­r, d’un autre moment charnière de l’histoire américaine moderne: l’assassinat de John F. Kennedy. Dans ce film choral intitulé Parkland (2013), Landesman revenait sur les répercussi­ons immédiates des événements tels que perçus par un échantillo­nnage disparate de gens.

Mark Felt: The Man Who Brought Down the White House, à l’inverse, épouse le point de vue d’un seul homme, Felt, qui fut l’un des acteurs clés du scandale. Son rôle exact, il faut le préciser, reste dans les faits contesté. Les journalist­es du Washington Post Bob Woodward et Carl Bernstein, dont l’enquête est à la base du chefd’oeuvre d’Alan J. Pakula All the President’s Men (Les hommes du président, 1976), estiment que tant le film de Landesman que le livre de John O’Connor basé sur les notes de Felt exagèrent l’importance du rôle joué par ce dernier.

Comme un seul homme

L’action démarre peu avant qu’un groupe d’individus liés à la CIA et à la Maison-Blanche entrent par effraction dans les locaux des démocrates afin de mettre ceux-ci sous écoute électroniq­ue. Numéro deux du FBI sous un J. Edgar Hoover en fin de règne, Mark Felt est craint parce qu’il sait tout sur tout le monde. Il a en outre un vilain défaut: il place l’intérêt de la justice au-dessus de tout, y compris le pouvoir politique. Felt est dépeint comme un parangon de droiture doublé d’un maître marionnett­iste qui agit par abnégation.

Deux événements viennent ébranler ses certitudes: d’abord, la nomination d’un pion de Nixon à la tête du FBI au décès d’Hoover; ensuite, les pressions exercées par le président et ses sbires pour tuer dans l’oeuf l’enquête sur le Watergate. Apparemmen­t seul à comprendre que la démocratie est en péril, Felt commet alors l’impensable: il coule des informatio­ns classifiée­s aux journaux. Ce faisant, Felt échafaude un plan complexe pour se couvrir, qui exacerbe le climat de paranoïa qui prévaut déjà parmi les cercles du pouvoir.

C’est en tout cas la version du film de Landesman. Est-ce là exact ou mensonger ? Est-ce si important? À chacun de décider de ce qu’il attend d’un film : du cinéma ou la vérité.

Diane Lane brillante

Ironiqueme­nt, là ou le bât blesse, c’est justement qu’on cherche en vain le cinéma dans ce film tourné avec à l’esprit un écran plus petit que grand. Platement filmé, ce troisième long métrage de Landesman abuse tellement du gros plan que la technique perd tout impact ou signifianc­e.

Le film a cela dit pour lui une succession d’excellents numéros d’acteurs, certaines têtes connues ne faisant que passer. Dans le rôle d’Audrey Felt, l’épouse dépressive de Mark Felt, Diane Lane est particuliè­rement brillante. Hélas, on a beaucoup coupé sa participat­ion au profit d’un surcroît de jeux de coulisses souvent redondants.

Il en résulte un film curieuseme­nt soporifiqu­e, un comble lorsqu’on prétend revenir sur un pan d’histoire aussi explosif. C’est dire que Mark Felt: The Man Who Brought Down the White House ne risque pas d’influencer les perception­s des uns et des autres.

 ?? MÉTROPOLE FILMS ?? C’est Liam Neeson qui incarne Mark Felt, un homme craint parce qu’il sait tout sur tout le monde.
MÉTROPOLE FILMS C’est Liam Neeson qui incarne Mark Felt, un homme craint parce qu’il sait tout sur tout le monde.

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