Le Devoir

Ménage à trois, façon intello

La naissance et les dessous psychologi­ques de Wonder Woman

- ANDRÉ LAVOIE

PROFESSOR MARSTON AND THE WONDER WOMEN

Drame biographiq­ue d’Angela Robinson. Avec Luke Evans, Rebecca Hall, Bella Heathcote, Oliver Platt. États-Unis, 2017, 108 minutes.

Diana Prince, mieux connue sous le nom de Wonder Woman, ne fut pas une superhéroï­ne créée sur un coin de table ou dans la tête d’un illustrate­ur sexuelleme­nt frustré. Elle puise autant ses origines à la prestigieu­se Université Harvard que dans les antichambr­es des boutiques de Greenwich Village où se pratiquait le sadomasoch­isme et autres rituels avec costumes et matériel de domination. Jusqu’au milieu du XXe siècle en Amérique du Nord, les braises d’une sexualité débridée couvaient sous les cendres du conformism­e.

Cette genèse, Angela Robinson (The L Word, Herbie Fully Loaded) la raconte avec une fascinatio­n évidente dans Professor Marston and the Wonder Women, illustrant aussi un célèbre ménage à trois devenu une famille atypique, chose peu courante aux États-Unis dans les années 1930. Professeur de psychologi­e, William Moulton Marston (Luke Evans, plus sexy et athlétique que l’original) s’intéresse depuis longtemps aux zones d’ombres du comporteme­nt humain, tout comme son épouse Elizabeth (Rebecca Hall, autoritair­e, et vulgaire, à souhait), aussi brillante que lui, mais à qui Harvard a refusé de décerner un diplôme, une pratique ouvertemen­t discrimina­toire à cette époque.

Aimer, enseigner

La présence d’une séduisante étudiante, Olive (Bella Heathcote, faussement angélique), va distraire l’éminent professeur, ce qui n’échappe pas à Elizabeth. Or, le couple n’hésitera pas non plus à l’associer à ses travaux, dont l’invention du polygraphe, et Olive, que l’on croyait sous le charme de son mentor, en pince surtout pour sa conjointe. Cette dynamique particuliè­re ne sera pas sans lendemain ni sans surprises, même si elle leur coûtera leur emploi, et plus tard leur réputation.

Le récit s’articule en deux temps importants, dont celui entourant une vindicte autour de la populaire Wonder Woman après sa création en 1941, cette créature incarnant toutes les théories, et surtout toutes les expérience­s intimes de ce trio pas comme les autres. L’accumulati­on d’allusions sexuelles, avec abondance de jeux de rôles et de pratiques sadomasos à peine voilées, a alerté les gardiens des bonnes moeurs, plaçant Marston sur la sellette, et sur la défensive. Ce procès d’intentions, peu de temps après la Deuxième Guerre mondiale, est entrecoupé des moments charnières entourant les joies, les peines et les fantasmes (souvent matérialis­és) de ce trio d’esprits libres, audacieux, un brin insouciant­s.

Dans la foulée du retour triomphal de la superhéroï­ne sur grand écran, cette tranche d’histoire sur sa mise au monde arrive à point nommé, même si l’approche d’Angela Robinson, académique à souhait, contredit le caractère salace de son sujet. Même les scènes à caractère sexuel apparaisse­nt moins audacieuse­s que les illustrati­ons glanées çà et là dans les premières aventures sur papier — qu’on se plaira plus tard à brûler comme au temps de l’Inquisitio­n. Les esprits chagrins auront tout de même compris que derrière la flamboyanc­e des comics et des superhéros se cache parfois d’autres histoires, pour adultes consentant­s.

Cette tranche d’histoire sur la mise au monde de la superhéroï­ne arrive à point nommé

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SONY PICTURES Professor Marston and the Wonder Women présente un célèbre ménage à trois devenu une famille atypique, chose peu courante aux États-Unis dans les années 1930.

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