Tourisme d’affaires
Quelles sont les retombées du tourisme d’affaires ?
Le ministère du Tourisme planifie de déposer une stratégie de mise en valeur du tourisme d’affaires au début de l’année 2018. Mais il doit d’abord brosser un portrait fiable de ce secteur, que les chiffres actuels ne permettent pas de cerner avec précision.
Le tourisme hivernal, le tourisme de nature et d’aventure et le tourisme événementiel ont déjà leur stratégie, tout comme la mise en valeur touristique du Saint-Laurent. Le gouvernement du Québec a alloué 40 millions à leur mise en oeuvre.
Ce sera bientôt au tour du tourisme d’affaires d’avoir sa stratégie, dont le dévoilement est prévu pour le premier trimestre de 2018. Est-ce que ce secteur bénéficiera aussi d’une aide financière? «Il faut d’abord établir
où sont les besoins», répond Christian Desbiens, directeur des politiques et de l’intelligence d’affaires au ministère du Tourisme.
Le ministère forme actuellement, comme il l’a fait pour les autres stratégies, un groupe de travail avec des acteurs de l’industrie pour mieux cerner les enjeux. Mais un obstacle s’érige devant lui: les chiffres disponibles donnent, pour l’instant, un portrait incomplet du secteur et de ses retombées.
«Il y a d’abord une difficulté à s’entendre sur ce qu’on désigne par le tourisme d’affaires et de congrès, indique M. Desbiens. Chaque pays le comptabilise d’une façon différente. Déjà, au Canada, c’est un problème: il y en a qui vont se limiter aux congrès internationaux, d’autres, à l’inverse, vont compter chaque réunion qu’une entreprise va tenir à l’extérieur de son bureau. Ça devient complexe pour établir une comparaison.»
Retombées économiques
En s’appuyant sur les chiffres de Statique Canada, le ministère évalue que le tourisme d’affaires génère 1,6 milliard de recettes touristiques. Mais M. Desbiens précise que la marge d’erreur, en ce qui concerne les données fournies par l’organisme fédéral, «est très grande ».
En juin dernier, l’Association des professionnels de congrès du Québec (APCQ) avait évalué qu’en 2016, la tenue de près de 3000 congrès et événements au Québec avait généré environ 268 millions en dépenses touristiques. «On va être franc: il n’y a personne, y compris le ministère, qui a une réelle connaissance de ce marché », nuance Steeve Gagné, président de l’APCQ.
Bien que ces chiffres soient probablement les plus fidèles à la réalité parmi ceux disponibles, l’APCQ ne cache pas leurs limites. D’abord, elle doit faire quelques estimations, puisque ce ne sont pas toutes les organisations du secteur qui sont membres de son association. De plus, elle ne comptabilise que des événements de quarante nuitées et plus et passe donc sous silence le volet des petites réunions avec ou sans hébergement. «Ça aussi, c’est un gros marché», soulève M. Gagné, en évoquant des villes comme SaintHyacinthe et Drummondville qui, selon lui, sont bien positionnées dans ce créneau en raison de leur situation géographique. «Il n’est pas [pris en compte] et il a une incidence sur les centres de conférences et les commerces autour. »
Finalement, le tourisme d’affaires ne possède pas encore de guide méthodologique pour la réalisation d’études sur l’impact économique, comme le ministère du Tourisme en a publié un, en 2016, pour les grands festivals et événements. Ces derniers peuvent notamment évaluer, avec cette balise, le volume d’achalandage, le type de dépenses, le comportement des consommateurs et l’attractivité de leur événement. «On est capable ensuite d’aller chercher les retombées économiques, mais on est encore loin de là avec le tourisme d’affaires », explique Christian Desbiens. Un constat corroboré par Steeve Gagné. «Dans le tourisme d’affaires, c’est beaucoup plus diffus, plus complexe. Personne n’a convenu de comment on pourrait mesurer cette activité», juge M. Gagné.
Secteur en croissance
Dans le chantier entourant la stratégie à venir, l’APCQ demande au ministère de mesurer le volume des dépenses liées aux touristes d’affaires provenant du Québec. «Il faut être conscient d’où on part pour être capable de savoir où on veut aller», lance-t-il. Selon ses observations, le tourisme d’affaires représente la majorité des revenus de certains lieux d’hébergement implantés en région. «Mais il faut être capable de le quantifier, rappelle M. Gagné. Notre association a peu de moyens pour le faire. Il n’y a vraiment que le ministère qui serait capable d’y mettre les ressources.»
«On veut faire une première enquête auprès des planificateurs d’événements pour connaître la demande sur la scène nationale et internationale, assure Christian Desbiens. On va aussi organiser des focus groups auprès des principaux joueurs en région, à Québec et à Montréal, pour voir où sont les problèmes.» Le fonctionnaire prévoit que cet enjeu d’un portrait fiable de l’industrie figurera dans la stratégie en elle-même. «Je verrais bien, au bout de tout ça, une mesure dans la stratégie qui serait d’approfondir la connaissance et de mettre [en place] un système de [veille] permanente.»
Même si le portrait demeure incomplet, le ministère ne doute pas de l’importance du tourisme d’affaires. En analysant les tendances dans le secteur, il anticipe une croissance de 8% des recettes touristiques liées à ce secteur d’activité, notamment en raison de la fin du marasme économique, qui pousse les entreprises à engager davantage de dépenses pour les congrès et réunions.