Une soirée intense avec Jean-François Rivest
L’ANGE ET LE DESTIN Rachmaninov: Concerto pour piano no 4. Berg: Concerto à la mémoire d’un ange. Beethoven: Symphonie no 5. Guillaume Levy (piano), MaryElizabeth Brown (violon), Orchestre de l’Université de Montréal, Jean-François Rivest. Salle Claude-Champagne, samedi 14 octobre 2017.
Rachmaninov, Berg, Beethoven. A priori, on a du mal à relier les compositeurs entre eux. Mais on peut aussi voir ce concert d’ouverture de la 24e saison de l’Orchestre de l’Université de Montréal (OUM) comme la présentation au public de deux solistes lauréats du «Concours de concerto» de l’OUM, suivie d’une fameuse symphonie.
Guillaume Levy a ouvert la soirée avec un plus que solide 4e Concerto de Rachmaninov. En fait, la prestation de ce pianiste d’origine française, qui suit un doctorat en interprétation auprès de Dang Thai Son, m’est apparue plus variée, plus richement colorée, plus claire et décrispée que le 2e Concerto de Steven Massicotte et le 3e Concerto de Mehdi Ghazi en ce même lieu ces dernières années. Il y avait beaucoup de «sain sérieux» et de carrure dans ce Rachmaninov distingué.
Chez Mary-Elizabeth Brown, ce qui frappe en premier lieu, c’est la sonorité. Les articles récurrents sur le fait que tels jury ou panel n’ont pas su distinguer un Stradivarius d’un violon moderne me font toujours doucement rigoler. Je ne nie pas qu’il y a de très bons violons modernes tout comme il existe des «Strads» mal entretenus. Mais, simplement, un grand violon, ça s’entend: point final. Mary-Elizabeth Brown joue sur un Gagliano de 1766, prêté par un donateur anonyme. Je ne sais qui est ce donateur, mais d’une part, il possède un sacré trésor et, d’autre part, il l’a prêté à une bonne personne qui sait le mettre en valeur.
Mary-Elizabeth Brown s’est montrée à la hauteur de la redoutable partition de Berg, qui demande d’abord un son (elle l’a), puis une justesse et une précision rythmique impeccables pour faire une lecture claire et en traduire la poésie. Il y a eu fort peu de failles dans ce que j’ai entendu et j’ai beaucoup aimé la dernière note, jouée non pas s’évanouissant vers le pianissimo comme le demande Berg, telle l’étoile de Manon Gropius [jeune fille décédée, à l’origine de la composition] qui se dissout dans un poudroiement, mais comme une lumière qui continue de briller par-delà la mort. Je ne sais si c’était voulu, mais c’était inhabituel et titillant, tout comme le fait d’entendre chanter par l’orchestre, avant le début du concerto, le choral Es ist genug de Bach auquel se réfère Berg.
Après la pause, la 5e Symphonie de Beethoven a confirmé l’excellente tenue de l’OUM millésime 2017, un ensemble supérieur à ceux des années récentes. Jean-François Rivest a pourtant poussé l’orchestre dans ses retranchements avec une grande intensité et des tempos vifs.
Cette soirée réussie, qui marquait le retour de Jean-François Rivest après une année sabbatique, est de bon augure pour le reste de la saison.