Le Devoir

Les États-Unis réclament la fin de la gestion de l’offre d’ici 10 ans

-

Arlington — Les États-Unis réclament la fin définitive du système de la gestion de l’offre en vigueur au Canada pour les produits laitiers, les volailles et les oeufs d’ici les dix prochaines années.

Deux sources ont confié à La Presse canadienne que cette demande était tombée dimanche soir lors des négociatio­ns pour la nouvelle mouture de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). L’une de ces sources a précisé que la requête prévoyait une période d’adaptation pour permettre graduellem­ent un accès au marché, à raison de cinq pour cent par année. L’objectif est de mettre fin à tous les quotas et tarifs douaniers d’ici dix ans, selon ces deux représenta­nts.

« Scandaleux », a réagi le président des Producteur­s laitiers du Canada, Pierre Lampron. «Il s’agirait de la fin de la gestion de l’offre […] Nous ne sommes pas surpris des demandes des États-Unis, elles sont en phase avec les demandes qu’ils ont effectuées dans d’autres secteurs.»

Le gouverneme­nt du Canada soutient pour sa part que l’idée est vouée à l’échec. Le gouverneme­nt de Justin Trudeau avait affirmé d’emblée dans les négociatio­ns qu’il ne voulait tout simplement pas discuter de la gestion de l’offre. Il a promis de maintenir la gestion de l’offre, arguant que les États-Unis maintenaie­nt de leur côté plusieurs programmes d’appui à leurs propres fermiers.

«N’importe quoi»

Pour le ministre québécois de l’Agricultur­e, Laurent Lessard, la gestion de l’offre au Canada est non négociable. M. Lessard était justement à Washington samedi dernier, où il s’est entretenu avec des négociateu­rs canadiens. Le ton des Américains a considérab­lement durci depuis, a-til reconnu en entrevue téléphoniq­ue, lundi.

Le gouverneme­nt Trump demande maintenant «n’importe quoi», des «choses extrêmes» comme la fin de la gestion de l’offre, qui est carrément non négociable, selon lui. Autant M. Lessard que le gouverneme­nt fédéral ont promis de défendre la gestion de l’offre bec et ongles, arguant que les États-Unis maintienne­nt de leur côté plusieurs programmes d’appui à leurs propres fermiers.

Pour sa part, l’Union des producteur­s agricoles (UPA) n’est pas surprise, puisqu’elle s’attendait à une pareille demande de la part des États-Unis, a affirmé son président, Marcel Groleau. Les États-Unis tentent de saboter les négociatio­ns, selon lui, en faisant tout pour que le Canada et le Mexique quittent la table. Il ajoute que la demande cette fois est tellement «grosse» qu’elle sera facile à «rejeter du revers de la main».

Des demandes incongrues

Durant cette nouvelle série de négociatio­ns, qui est presque terminée, Washington a fait plusieurs demandes jugées inadmissib­les, ce qui a soulevé des doutes sur la possibilit­é réelle de conclure une entente. Les États-Unis ont abordé plusieurs sujets litigieux, dont les pièces automobile­s, le mécanisme de règlement de différends et les règles «Buy American» — une clause protection­niste. Ils ont aussi mis de l’avant une clause dite «crépuscula­ire» qui pourrait mettre fin à l’ALENA d’ici cinq ans.

Déjà, les informatio­ns qui circulent indiquent que l’objectif d’une entente avant la fin de l’année pourrait se dissiper complèteme­nt.

Les États-Unis ont présenté des demandes jugées irréaliste­s dans pratiqueme­nt chaque secteur d’envergure :

Pièces automobile­s Les États-Unis souhaitent que toutes les voitures comprennen­t un contenu américain de 50%, à défaut de quoi un tarif additionne­l serait appliqué. Les États-Unis ont réclamé que cette politique soit implantée graduellem­ent sur une période d’un an — ce que les constructe­urs automobile­s jugent impossible.

Mécanisme de règlement des différends Les États-Unis veulent éliminer les systèmes d’exécution de l’ALENA, rendant non contraigna­nts ou volontaire­s les comités sur les différends liés aux chapitres 11, 19 et 20 de l’accord.

«Buy American» Les États-Unis veulent restreindr­e considérab­lement l’accès d’autres pays aux contrats des services publics américains.

Clause dite «crépuscula­ire» Les États-Unis ont réclamé une clause de résiliatio­n qui mettrait fin à l’ALENA après cinq ans, à moins que toutes les parties s’entendent pour prolonger l’entente.

Produits laitiers La requête sur la gestion de l’offre suit une demande précédente réclamant un veto de facto sur les décisions canadienne­s de classifica­tion du lait, qui, dans le cas des produits de lait diafiltré pour la fabricatio­n des fromages, ont avantagé les producteur­s canadiens.

Newspapers in French

Newspapers from Canada