Le Devoir

Le français pour l’intégratio­n scolaire

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Lors de l’étude du projet de loi 144, le ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, a insisté pour laisser aux parents qui font l’école à la maison le choix de la commission scolaire, anglaise ou française, chargée d’assurer le suivi de l’enseigneme­nt qu’ils prodiguent à leurs enfants. C’est un accroc à l’esprit de la loi 101, dénoncent à l’unisson les trois partis d’opposition. Le ministre devrait avant tout garder en tête l’intérêt des enfants appelés à fréquenter éventuelle­ment une école française.

Le projet de loi 144 vise, notamment, à mieux encadrer l’école à la maison en imposant aux parents qui font ce choix l’obligation d’aviser par écrit la «commission scolaire compétente» et de lui soumettre le projet d’apprentiss­age offert à leurs enfants. Le droit de faire l’école à la maison est reconnu au Québec, comme dans le reste du Canada où cette pratique est plus répandue. Les études montrent que l’enseigneme­nt à la maison est au moins d’aussi bonne qualité que celui prodigué à l’école. Encore faut-il s’assurer qu’il est effectivem­ent dispensé.

On estime à un peu moins de 4000 le nombre d’enfants québécois qui reçoivent leur instructio­n à la maison, un phénomène marginal qui ne touche que 0,5% des élèves au Québec. De ce nombre, 700 enfants fréquentai­ent des écoles illégales hassidique­s; ils se retrouvent désormais à la maison et sont suivis par la Commission scolaire English-Montreal.

À l’heure actuelle, hormis les élèves hassidique­s, seulement 1100 enfants sont inscrits auprès des commission­s scolaires. En 2015, la protectric­e du citoyen, Raymonde Saint-Germain, déplorait l’absence de suivi effectué par les commission­s scolaires — ou son insuffisan­ce — auprès des enfants scolarisés à la maison.

En vertu d’un amendement présenté par le ministre lors de l’étude détaillée du projet de loi 144, les parents, après avoir inscrit leurs enfants à la commission scolaire qui dessert le territoire dans lequel ils résident — une commission scolaire francophon­e pour les enfants qui devraient fréquenter l’école française —, pourront choisir une autre commission scolaire, francophon­e ou anglophone.

L’école à la maison n’est pas soumise à la loi 101: les parents peuvent choisir d’enseigner en français, en anglais ou dans une langue tierce. La loi 101 ne s’applique que pour l’enseigneme­nt financé par l’État, dans les écoles publiques et les écoles privées subvention­nées. Mais si un jour ces enfants intègrent l’école, ils seront soumis à la loi 101.

Les parents qui scolarisen­t leurs enfants à la maison insistent pour avoir le droit de choisir leur commission scolaire. Il faut dire que nombre de commission­s scolaires leur mettent des bâtons dans les roues en ne reconnaiss­ant pas les particular­ités de leur enseigneme­nt tandis que d’autres se montrent compréhens­ives, comme elles le sont pour les écoles alternativ­es. Il faut leur octroyer ce droit.

Or, il s’agit surtout de choisir parmi des commission­s scolaires francophon­es. Selon la chercheuse Christine Brabant, rien n’indique que les parents qui choisissen­t ce mode de vie exigeant le font pour éviter l’apprentiss­age du français.

Ce serait irresponsa­ble de la part du ministre de permettre à des enfants scolarisés à la maison d’être chapeautés par des commission­s scolaires anglophone­s s’ils n’ont pas le droit de fréquenter l’école anglaise. Formés sous le programme scolaire anglais, ces élèves risquent de connaître de sérieuses difficulté­s quand ils voudront intégrer le réseau scolaire. Bref, il faut les préparer à fréquenter l’école française puisque c’est le réseau qui les attend si un jour l’école ordinaire devient leur choix et celui de leurs parents.

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ROBERT DUTRISAC

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