Le ciel se dégage devant la CSeries, selon des experts
L’arrivée d’Airbus comme partenaire majoritaire consolide la viabilité du programme
L’arrivée d’Airbus comme partenaire majoritaire dans le programme CSeries revêt plusieurs points positifs pour Bombardier, estiment des spécialistes. Selon eux, la présence du fabricant aéronautique européen rehausse instantanément la viabilité de la dernière famille d’appareils de la compagnie montréalaise.
« Je pense que c’est un dénouement positif pour Bombardier et pour le Québec», a dit Karl Moore, professeur à la Faculté de gestion Desautels de l’Université McGill. «Ça rend le programme CSeries beaucoup plus viable avec l’appui du deuxième plus grand fabricant d’avions au monde, qui en assurera la vente et le service.»
La part du gouvernement du Québec se voit subitement réduite de 49,5% à 19%, mais l’investissement initial d’un milliard $US à la fin 2015 visait d’abord et avant tout à maintenir des emplois, a dit M. Moore. «Pour le contribuable, ça peut être frustrant, mais on est davantage susceptible de voir de bons emplois à partir de maintenant qu’auparavant. […] Il faut regarder vers l’avenir, et l’avenir, avec cette annonce, est plus brillant.»
La division aéronautique de Bombardier dans son ensemble compte officiellement 28500 employés, dont plusieurs milliers assignés à la CSeries, alors que celle qui fabrique le matériel roulant, Bombardier Transport, en regroupe 37000 dont la majorité est située en Europe.
Bombardier et Airbus avaient négocié en 2015, a rappelé le professeur de l’Université McGill, mais à cette époque la CSeries n’avait pas fait ses preuves comme c’est le cas maintenant. Les transporteurs Swiss International Air Lines et Air Baltic ne cessent de dire à quel point ils sont satisfaits de leur achat, at-il ajouté.
Le programme CSeries a peiné à attirer des commandes pendant un certain temps, mais deux ententes coup sur coup avec Air Canada et Delta en 2016 ont donné un envol que les dirigeants, les actionnaires et les instances gouvernementales attendaient avec impatience. Le programme devait à l’origine coûter 3,4 milliards $US, mais le coût a fini par dépasser 5,4 milliards $US en 2015. Les appareils CS100 et CS300 ont jusqu’ici fait l’objet de 360 commandes, dont une quinzaine ont été livrées.
L’annonce, qui a pris de court les experts, survient dans la foulée d’un reportage de l’agence Bloomberg qui laissait planer ce weekend la vente potentielle de certains actifs de Bombardier. Il n’était pas question du programme CSeries, mais plutôt des activités de fabrication du turbopropulsé Q400, qui jouit d’une excellente réputation.
«La prise de participation d’Airbus est une meilleure nouvelle que la vente des Q400», a lancé Yan Cimon, professeur à l’Université Laval et directeur du Centre interuniversitaire de recherche sur les réseaux d’entreprises, la logistique et le transport (CIRRELT). Ces appareils sont bien établis dans le marché et connaissent du succès, a-t-il rappelé. « Airbus amène une énorme crédibilité au programme CSeries et un certain contrepoids à Boeing.»
De ce fait, estime M. Cimon, il est possible que la transaction soit de nature à rassurer des clients de la famille CSeries, d’autant plus que Bombardier et Airbus laissent entendre des économies d’échelle en raison des combinaisons dans l’approvisionnement.
Enfin, la chaîne de montage qui est prévue en sol américain, à Mobile, dans l’État d’Alabama, aura pour effet de « banaliser le dossier avec le gouvernement des États-Unis». Le département du Commerce américain, dans une décision qui n’est pas finale, a proposé d’imposer des tarifs compensateurs et antidumping qui vont quadrupler le prix des appareils CSeries vendus aux ÉtatsUnis. Le gouvernement a ainsi répondu à une plainte de Boeing, qui accuse Bombardier de jouir de l’appui des gouvernements canadiens et québécois pour vendre ses avions à Delta à un prix jugé trop bas.
De nombreux experts croient que Boeing aura de la difficulté à prouver qu’il a subi un préjudice, car l’entreprise n’était même pas en lice pour vendre des avions à Delta.