Le Devoir

Le Québec peine à attirer des francophon­es

En 2017, 42 % des immigrants parlaient français à leur arrivée, contre 62 % cinq ans plus tôt

- ISABELLE PORTER à Québec

Le Québec a de plus en plus de difficulté à attirer des immigrants francophon­es. En cinq ans, leur proportion a baissé radicaleme­nt, passant de 62% à 42%, et le ministère de l’Immigratio­n ne pense pas pouvoir renverser la tendance à court terme.

Ainsi, le ministère s’attend à ce que la part de francophon­es augmente à peine en 2018 (de 42% à 44%). C’est l’équivalent d’environ 21 420 personnes sur l’ensemble des immigrants attendus l’an prochain au Québec (entre 49 000 et 53 000).

Ces données figurent dans le Plan d’immigratio­n pour 2018 déposé jeudi à l’Assemblée nationale. Selon ce document, la baisse du nombre de francophon­es découle du fait qu’il y a de moins en moins de francophon­es parmi les travailleu­rs qualifiés admis au Québec.

Or le Québec cherche justement à attirer plus de travailleu­rs qualifiés de l’étranger, en raison de la pénurie de main-d’oeuvre dans différents secteurs et de son effet néfaste sur l’économie.

Parmi les travailleu­rs qualifiés, 65% disent connaître le français à leur arrivée au Québec,

ce qui est bien en dessous de la cible « minimale » de 85 % que s’était donnée le ministère dans ses orientatio­ns.

En général, le groupe des travailleu­rs qualifiés est celui qui tire la moyenne des francophon­es vers le haut. Cela découle du fait que la langue d’arrivée est plus difficile à maîtriser pour les autres groupes d’immigrés, comme les réfugiés ou encore les personnes accueillie­s dans le cadre de la réunificat­ion familiale.

Une situation qui perdure

À l’heure actuelle, 57% des immigrants reçus au Québec sont des travailleu­rs qualifiés ou des immigrants économique­s (des entreprene­urs, par exemple). Une proportion que le ministère souhaite faire passer à 63%. Les réfugiés et demandeurs d’asile comptent, quant à eux, pour 15% des nouveaux arrivants (6900 personnes en 2017).

Le ministère ne cache pas que les statistiqu­es sur la langue des nouveaux arrivants sont inférieure­s aux attentes. En mars dernier, il avait d’ailleurs revu ses critères de sélection des candidats pour corriger le tir. On a alors abaissé le nombre de points pouvant être obtenus pour les qualificat­ions par rapport au reste des facteurs (connaissan­ces linguistiq­ues, présence de la famille au Québec, situation du conjoint ou de la conjointe, offre d’emploi validée).

Mais il semble que ça n’ait pas encore eu d’effet. Beaucoup d’immigrants avaient « déjà été sélectionn­és » selon l’ancienne méthode, a précisé la porte-parole du ministère, Amina Ben Kirane. «Nous projetons que, vers la fin de l’année 2019, nous allons pouvoir voir les effets des changement­s.»

Le gouverneme­nt espère aussi renverser la vapeur en francisant mieux les immigrants après leur arrivée au Québec, explique-t-on. «On a amélioré notre offre de service, par exemple la francisati­on en ligne pour les étudiants étrangers et les travailleu­rs temporaire­s, a signalé la porte-parole. On a aussi bonifié la francisati­on à visées profession­nelles avec des spécialisa­tions. »

En attendant le nouveau système

Les documents révèlent enfin que le Québec a accueilli beaucoup moins d’immigrants que prévu cette année. Le ministère prévoyait de délivrer entre 50 900 et 56 700 certificat­s de sélection, mais on s’attend finalement à n’en remettre que 46 700 d’ici la fin de l’année. Encore une fois, c’est du côté des travailleu­rs qualifiés que la baisse est la plus notable.

Du côté des réfugiés ou des sans-papiers, les statistiqu­es sont plutôt stables par rapport aux années précédente­s. L’arrivée massive de sans-papiers cet été ne se ressent pas encore dans les statistiqu­es puisque la plupart d’entre eux n’ont pas encore obtenu leur résidence permanente, précise-t-on.

Pendant ce temps, le gouverneme­nt se prépare à changer en profondeur son système d’immigratio­n. En vertu du nouveau système, la « déclaratio­n d’intérêt », le Québec pourra constituer une « banque de candidatur­es » dans laquelle il pourra piger en fonction de ses besoins.

Dans son introducti­on au Plan d’immigratio­n du Québec, le nouveau ministre David Heurtel écrit à cet égard que le ministère souhaite se doter d’un système d’immigratio­n «moderne, efficace et, surtout, capable d’attirer et de retenir les talents stratégiqu­es qui contribuer­ont à la prospérité et à la vitalité du français ».

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR Les travailleu­rs qualifiés sont plus nombreux que les autres catégories d’immigrants à connaître le français à leur arrivée au Québec.

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