Le Devoir

Une demande sur trois n’est pas exaucée

- SARAH R. CHAMPAGNE

Le nombre de Québécois qui obtiennent l’aide médicale à mourir continue sa progressio­n. Entre juin 2016 et juin 2017, 62% des patients qui ont sollicité cette aide l’ont reçue, soit 638 personnes.

Inversemen­t, 377 personnes qui l’avaient demandée n’y ont pas eu accès, selon le rapport de la Commission des soins de fin de vie.

Les motifs généraux énumérés dans ce rapport ne permettent cependant pas de décoder les raisons précises qui expliquent que l’aide à mourir demandée n’a pu être reçue.

Ces demandes ont été «non administré­es» en majorité parce que la personne ne répondait pas ou plus aux critères en étant devenue inapte à consentir à cette aide à mourir, par exemple. Plus d’une centaine de personnes sont également mortes avant d’obtenir une réponse.

«On sait qu’il continue à y avoir encore de l’opposition assumée, qu’elle soit passive ou active. Si ça prend quatre ou cinq semaines pour évaluer une demande ou encore pour qu’un médecin la refuse sans raison valable, on ne le sait pas et c’est un problème », souligne le Dr Alain Naud.

De fortes disparités régionales sont mises en évidence. À Montréal, 93 demandes sur 205 n’ont pas été administré­es, une région où des résistance­s du corps médical ont été dévoilées. Laval et Lanaudière ont aussi un taux plus élevé que la moyenne de demandes restées sans réponse.

Ce sont aussi 79 demandes qui ont été retirées en un an. Il est encore ici impossible de déterminer à partir des données du rapport si une personne a « retiré sa demande de façon libre et éclairée », souligne M. Naud. « Le rôle de la Commission serait de se soucier de ces malades vulnérable­s. On a vu plusieurs refus en 2016, et en toute impunité», ajoute-t-il.

La Commission compile ces chiffres à partir des rapports envoyés par les établissem­ents de santé du Québec. Or il n’y a pas d’obligation de faire rapport sur les cas où l’aide n’est pas administré­e. Une recommanda­tion sur laquelle le Collège des médecins avait pourtant insisté, rappelle le Dr Yves Robert, secrétaire du Collège.

Le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, a demandé en juin dernier d’effectuer rétrospect­ivement cette analyse. «Vous imaginez que ce sera très laborieux», commente M. Robert.

Le porte-parole du Collège des médecins invite par ailleurs à considérer ces données avec prudence, notant que «les rapports remplis par les médecins sont transmis avec des délais importants, ce qui cause un décalage important avec la réalité terrain».

Pour Alain Naud, « la question n’est pas de savoir si le nombre de cas est élevé, c’est plutôt de savoir si ceux qui voulaient y avoir accès de façon légitime y ont eu accès ».

Depuis l’entrée en vigueur de la loi, en décembre 2015, la Commission a conclu dans 7% des cas que certaines exigences de la loi n’avaient pas été respectées. Dans la majorité de ces dossiers, le second médecin à donner son avis n’était pas jugé «indépendan­t», c’est-à-dire sans aucun lien avec le patient, l’un des critères d’applicatio­n de la loi. Deux personnes ont aussi été considérée­s par la Commission comme n’étant pas atteintes d’une maladie grave incurable.

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