Le Devoir

Troisième lien

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Presque tous les projets censés mettre un endroit sur la carte devraient appeler les citoyens à la fuite. Les Simpson se moquaient déjà de cet argument il y a 25 ans avec leur épisode du monorail. Québec a certes plus d’envergure que la ville de Springfiel­d. Peut-être n’est-ce que par grandiloqu­ence discursive, mais monsieur Gosselin a bel et bien utilisé une variante de cet argument pour son troisième lien en disant vouloir en faire «un attrait touristiqu­e du patrimoine du XXIe siècle ».

Premièreme­nt, on ne construit pas du patrimoine bâti. Une constructi­on trouvera ou non une valeur patrimonia­le avec le temps. Deuxièmeme­nt, il est franchemen­t difficile de trouver ce qui rendrait spécial ce troisième lien. Le relatif prestige du premier lien n’est pas imputable au fait qu’il vient d’avoir 100 ans. Il avait déjà droit à des reconnaiss­ances officielle­s il y a 20 ou même 30 ans. Le pont de la Confédérat­ion vient d’avoir 20 ans et son intérêt touristiqu­e repose sur le fait qu’il est le chemin pour se rendre sur l’Île-du-Prince-Édouard et sur l’impact symbolique qui en découle. Les ponts de Brooklyn et du Golden Gate aux ÉtatsUnis tirent leur renommée de l’ambition derrière les projets qu’ils étaient et du fait qu’ils se trouvent à New York et à San Francisco.

Un pont entre Québec et Lévis consacré au déplacemen­t automobile est fondamenta­lement banal. Quand on fait preuve d’un utilitaris­me obtus au point de se plaindre des arbres qui nuisent au stationnem­ent, on n’est probableme­nt pas la personne qui construira le pont le plus avant-gardiste. De toute manière, c’est en dirigeant un ministère des Transports et non une administra­tion municipale qu’on peut construire un pont intermunic­ipal.

Déséquilib­re politique

Un tunnel à l’est est certes un projet plus ambitieux. L’idée de l’attractivi­té touristiqu­e est cependant absurde. Pourquoi les touristes cracheraie­nt-ils sur l’intérêt visuel de la traversée du fleuve? Le projet de Québec 21 ne sort tout simplement pas de son intérêt précis qui consiste à offrir une option supplément­aire pour les automobili­stes lévisiens qui se déplacent quotidienn­ement à Québec.

Au-delà des considérat­ions environnem­entales et urbanistiq­ues, il y a un déséquilib­re politique. Le troisième lien ne relève pas de l’administra­tion municipale et ne vise pas principale­ment les résidants de Québec. Le problème n’est pas qu’un aspirant maire de Québec, qui reste concernée, appuie activement le projet, mais bien qu’il en fasse sa principale position politique. Antoine Desgagnés Charlesbou­rg, le 22 octobre 2017

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