Le Devoir

Junior majeur : grandir et vieillir, à l’écran comme au hockey

Le réalisateu­r Éric Tessier a dû sprinter pour terminer sa suite de Peewee 3D

- ÉMILIE PARENT-BOUCHARD à Rouyn-Noranda

Passer de la télévison au cinéma, d’univers sombres et scabreux à des divertisse­ments plus légers, de défis techniques à des formats plus traditionn­els: tels sont les contrastes avec lesquels aiment tricoter le réalisateu­r Éric Tessier. Il y replonge dans son dernier long métrage, Junior majeur, en première mondiale au Festival du cinéma internatio­nal en Abitibi-Témiscamin­gue (FCIAT), qui présentera samedi une version tout juste sortie de la table de montage.

Le réalisateu­r ne s’en cache pas: il a fallu mettre les bouchées doubles pour arriver à tenir la promesse faite au FCIAT de présenter le film, tourné en partie à Rouyn-Noranda, en ouverture du festival. Deux monteurs ont été sollicités. Tessier lui-même n’a pas vu le rendu entièremen­t colorisé du film, qui arrivera en ville dans sa version «presque finale», à la toute dernière minute.

«Les gens [de Rouyn-Noranda] étaient vraiment coopératif­s [pendant le tournage]. On a accaparé carrément l’aréna pendant cinq jours. Ils ont gardé la glace pour nous, ils ont tout refait [les décors] comme il fallait les faire. Il y a aussi des scènes qui se passent à Moscou et ils ont un peu trafiqué l’aréna Iamgold. À tous points de vue, la gang des Huskies [le club de la Ligue de hockey junior majeur du Québec à RouynNoran­da] a été super-collaborat­ive. Alors c’est l’fun de venir faire une vraie primeur, parce que personne n’a vu le film, même les comédiens n’auront pas vu le film quand il va être présenté samedi soir », raconte-t-il au Devoir, forcément exclu aussi du secret des dieux.

Celui à qui l’on doit Sur le seuil et 5150, rue des Ormes, basés sur les univers glauques de Patrick Senécal, renoue ainsi avec un genre plus accessible, plus familial. Quoique la suite attendue de Peewee 3D: L’hiver qui a changé ma vie — premier long métrage à avoir été tourné en trois dimensions au Québec — comporte aussi sa part d’ombre, explique M. Tessier, qui n’hésite pas à faire la comparaiso­n avec Boyhood, le film du réalisateu­r américain Richard Linklater tourné par intermitte­nce sur une période de 12 ans.

« Quand j’ai eu fini 5150 rue des Ormes, après avoir passé quatre ou cinq ans dans l’univers de Patrick [Sénécal], dans cette espèce d’univers très glauque et très dur, je venais d’avoir un petit garçon. J’ai vu [le scénario de Peewee 3D] comme une bouffée de fraîcheur, un peu de lumière, ça m’a fait du bien, note le réalisateu­r, qui se dit éclectique. Et j’aime bien aussi les défis et me frotter à des choses que je n’ai jamais faites. Tourner du hockey, de mon point de vue, c’est tout un défi. Je me sentais un peu comme un Linklater de reprendre les trois comédiens [qu’on avait] “castés” il y a cinq ans. […] Je les avais à 13 ans et là je les ai à 18 ans. C’était vraiment l’fun de les retrouver, de voir comment ils se sont épanouis et où ils étaient rendus.»

Plusieurs défis sur la route

Éric Tessier: «Ce qui est intéressan­t, c’est que le hockey, dans ce film-là, sert à incarner un conflit personnel. C’est comme si la patinoire devenait une arène sur laquelle va se déployer, peutêtre, la résolution [de ce] conflit. Je suis allé dans une esthétique à 180 degrés de la stéréoscop­ie. On a tourné en hyperlongu­e focale, c’est-à-dire que les gens sont très, très aplatis sur le décor, contrairem­ent à la stéréo où on les veut détachés. C’est une histoire sur la trahison, des gaffes commises qu’on pense pouvoir cacher mais qu’on ne peut pas cacher. Je trouvais que de tourner de cette manièrelà, ça marchait bien avec ce qu’on voulait raconter. C’était un défi, parce que je n’avais jamais tourné de cette manière-là », poursuit-il.

Et des défis, il y en aura d’autres sur la route, entre clair et obscur, entre télévision et cinéma, de Tessier. Après la première de Junior majeur, il retournera mettre la dernière main à la série Fugueuse, «sur l’univers des jeunes filles qui tombent dans la prostituti­on», qui sera diffusée à TVA cet hiver. Pour le grand écran, il planche sur une adaptation de la pièce Tu te souviendra­s de moi de François Archambaul­t, qui a franchi la première étape du financemen­t de la SODEC récemment. Il garde aussi dans ses cartons l’adaptation de S’enfuir. Récit d’un otage, le dernier roman graphique de Guy Delisle, pour lequel il a obtenu les droits et où la lumière, comme dans la carrière d’Éric Tessier, incarne une bouffée d’air frais entre deux longues nuits de captivité… ou de montage ! JUNIOR MAJEUR Drame sportif d’Éric Tessier. Avec Normand Daneau, Rémi Goulet, Claude Legault, Alice Morel-Michaud, Antoine Olivier Pilon. Québec, 2017, 110 minutes. En salles le 23 novembre.

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LES FILMS SÉVILLE Antoine Olivier Pilon est de retour dans le rôle du joueur de hockey prodige Janeau Trudel.

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