Repenser le covoiturage pour dénouer l’impasse
Netlift ajoute les taxis à son service pour désengorger les villes
Le Québec regorge d’entrepreneurs passionnés qui tentent de mettre à profit une idée ou un concept novateurs. Chaque semaine, Le Devoir vous emmène à la rencontre de gens visionnaires, dont les ambitions pourraient transformer votre quotidien. Aujourd’hui, un entrepreneur en série qui croit avoir enfin trouvé la recette pour réduire le nombre d’automobiles sur les routes des métropoles du monde entier.
Après des années d’analyses, d’observations et d’ajustements, ça y est: Marc-Antoine Ducas estime qu’il a entre les mains l’arme secrète permettant à Netlift, la compagnie de covoiturage qu’il a fondée en 2012, de devenir le chaînon manquant pour désengorger les rues de Montréal et des plus grandes villes de la planète. «Le problème fondamental qu’on veut résoudre, c’est celui de la congestion routière et de la pollution atmosphérique. C’est un problème extrêmement difficile à résoudre, affirme-t-il. On pense qu’on a compris d’où vient le problème et comment le résoudre. »
Il y a cinq ans, cet informaticien de formation a lancé Netlift en faisant le pari que le covoiturage organisé à l’aide d’une application mobile permettrait d’optimiser les déplacements vers le centre-ville ou vers le réseau de transport collectif qui s’y rend. Il a cependant découvert
un pépin majeur: son service était efficace lors des heures de pointe, lorsque les véhicules sont très nombreux sur les routes, mais peu attrayant pendant le reste de la journée.
«J’ai trois enfants, et c’est certain que je vais tout faire pour leur trouver une solution sur le plan environnemental
Marc-Antoine Ducas, fondateur de Netlift
Réseau de «micronavettes»
La solution? Mettre à profit l’espace disponible dans les taxis, qui sont eux aussi remplis le matin et le soir, mais très souvent vides pendant la journée. «Les taxis forment un énorme réseau de micronavettes qui peuvent aller partout dans la ville», illustre l’entrepreneur.
L’intégration des taxis à l’application de Netlift, qui sera en vigueur à partir du 20 novembre prochain, s’appuie sur un modèle d’affaires inédit. Le nouveau service est testé depuis trois mois et, parole d’entrepreneur, ça fonctionne.
« Beaucoup de gens nous disaient qu’ils voulaient utiliser notre service, mais qu’à cause de leur horaire, on n’était pas en mesure de les servir. La combinaison avec le taxi nous permet de servir le client 24 heures sur 24», soutient Marc-Antoine Ducas.
Grâce à son nouveau service, Netlift permettra aux utilisateurs de monter dans un taxi comme s’ils faisaient du covoiturage avec un conducteur traditionnel, mais sans payer le prix d’une course calculé par un compteur. Comment est-ce possible ?
La clé, explique l’entrepreneur, c’est que les déplacements soient planifiés. En demandant aux utilisateurs d’indiquer à l’avance leur point d’origine et de destination, Netlift peut établir une feuille de route et retenir les services d’un taxi pour transporter plusieurs passagers pendant une période prédéterminée.
Netlift rémunère le chauffeur de taxi à un taux horaire avoisinant 20$, ce qui lui permet de gagner de l’argent plutôt que d’attendre des clients, et les utilisateurs de l’application paient leur course en fonction du temps de déplacement.
À titre d’exemple, une course de six minutes, qui équivaut à un dixième d’une heure, ne coûterait que 2 $. «C’est du porte-àporte planifié, au prix d’un billet d’autobus », résume M. Ducas.
Trinité inédite
Si l’ajout des taxis peut régler la question de l’efficacité du service, l’entreprise a également compris qu’elle devait offrir un incitatif financier aux conducteurs pour qu’ils acceptent de transporter des inconnus. En plus du remboursement des frais liés au trajet, comme l’essence, Netlift offre désormais la possibilité de payer la place de stationnement de ceux qui s’engagent à covoiturer de manière régulière.
La personne qui travaille dans le Mile-End ou dans Griffintown et qui accepte de partager son véhicule peut par exemple se faire rembourser la centaine de dollars que lui coûte chaque mois sa place de stationnement privée. «Nous devenons l’équivalent d’un système de stationnement incitatif dans le Grand Montréal, fait remarquer M. Ducas. Cette trinité covoiturage, taxi et stationnement, il n’y a aucune autre compagnie qui fait ça. »
Problème urgent
Marc-Antoine Ducas a suivi avec intérêt l’incursion de grands joueurs comme Uber et Waze dans le secteur du covoiturage, avec leurs fonctionnalités permettant de partager le coût d’un trajet entre utilisateurs, mais il est persuadé que ces initiatives basées sur une réser vation spontanée se heurteront à un mur. «C’est la piste qu’on a explorée en 2012, et ç’a été un échec retentissant. »
L’entrepreneur est bien plus préoccupé par la vitesse avec laquelle les changements s’opèrent à Montréal dans le monde du transport. «Les problèmes sont urgents et sensibles, scande-t-il. Actuellement, l’ensemble des acteurs ne réagit pas très vite et je ne suis pas très optimiste au sujet des réponses qui vont être données. »
La compagnie espère faire bouger les choses dans la ville qui l’a vue naître, mais elle n’attendra pas que les résultats soient visibles avant de prendre d’assaut la planète. Son service sera offert à Mexico dès l’an prochain, et plusieurs villes européennes, américaines et sud-américaines ont déjà montré de l’intérêt.
En faisant croître son entreprise, Marc-Antoine Ducas soutient qu’il a une «vraie chance» de régler le problème auquel il a décidé de s’attaquer il y a cinq ans. Il le fait par conviction personnelle, mais surtout pour ceux et celles qui le suivront. «J’ai trois enfants, et c’est certain que je vais tout faire pour leur trouver une solution sur le plan environnemental.»