Le Devoir

Drôles de vieux

- SIMON LAMBERT à Québec

CENTRE D’HUMBLES SURVIVANTS LÉGÈREMENT DÉTRAQUÉS Mise en scène: Véronika Makdissi-Warren. Texte: Véronika Makdissi-Warren et les comédiens. Avec Marie-Pier Lagacé, Patrick Ouellet, Jocelyn Paré, Raphaël Posadas, Réjean Vallée et Karina Werneck Assis. Une production du Théâtre Niveau Parking et de La Bordée, en ses murs jusqu’au 18 novembre.

Entre humour et sensibilit­é, Centre d’humbles survivants légèrement détraqués (CHSLD) met en scène les résidents d’un centre hospitalie­r de soins de longue durée (CHSLD) et, par le truchement de clowns, nous fait entrer dans leur quotidien.

Plutôt que de clowns, il serait toutefois plus juste de parler d’un jeu largement physique, qui, par les acrobaties et la bouffonner­ie, se donne de quoi décrocher du décor sobre et réaliste d’un centre de soins pour s’ouvrir des espaces de jeu, des percées.

Dans cette suite de tableaux faite des moments d’une journée, du repas à la prise de pilules en passant par les temps morts, le pan de l’humour sera au premier plan. Les comédiens multiplien­t les espiègleri­es, pendant qu’un préposé vient rythmer le quotidien autant que la constructi­on du spectacle, piloté par Véronika Makdissi-Warren. Ils brossent le portrait de leurs résidents à gros traits, une propositio­n à laquelle on adhère rapidement.

Leur arsenal de jeu est composé de mimiques et d’acrobaties, de chorégraph­ies légères, souvent sur le mode de l’humour, et bien vite on commencera à sentir quelque chose comme une suite séquentiel­le des gags. La scène, sans autre histoire que le temps qui passe, est parsemée de vides et, dans cet espace clairsemé, il arrive que le regard ne trouve qu’un endroit où se poser, dans l’attente du prochain coup, dont les imperfecti­ons seront dès lors vite mises en lumière. Cette constructi­on fait reposer sur le gag un poids énorme.

L’exécution est parfois heureuse, et l’inventivit­é est au rendez-vous là où des canettes de Perrier transforme­nt des chaussures en souliers à claquettes, ou lorsqu’un mot croisé, dans un détourneme­nt habile, laisse résonner pour le spectateur certains mots riches de sens. Ces bons coups n’arrivent pourtant pas à chasser l’impression qu’on est par moments, dans la première moitié surtout, moins dans un grand portrait que dans une suite de numéros.

Reste que CHSLD bâtit assurément ce portrait plus large. Si plusieurs saynètes seront surtout prétexte à farces, nourrissan­t les rires chez l’auditoire, d’autres puiseront à une sensibilit­é plus forte, notamment quand un long silence viendra évoquer l’ennui, il y a là de quoi dépasser l’amusement.

Surviendro­nt aussi ces évocations des scènes d’enfance et des traumatism­es qui participen­t d’une constructi­on plus ambitieuse; ces moments de sénescence, aussi, notamment quand un écho anodin suggère le dysfonctio­nnement d’un appareil auditif et fait apparaître pour nous un vécu émouvant. Le spectacle arrivera à évoquer ici et là quelques dérèglemen­ts du corps, le temps qui passe, la mort. Il y a là une sensibilit­é indéniable, dont on aurait seulement souhaité qu’elle soit davantage à l’avant-plan.

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NICOLA-FRANK VACHON Les comédiens brossent le portrait de leurs résidents à gros traits, une propositio­n à laquelle on adhère rapidement.

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